Le premier forum citoyen s’est tenu jeudi dernier 19 février 2015 dans le quartier des Coteaux en présence des «capteurs d’idées», l’assistante sociale, l’avocate, le bailleur social et le pédiatre, désignés – on ne sait comment – pour animer la «concertation citoyenne».
Je dois avouer que je m’y suis rendu avec un certain scepticisme. Il était dû précisément à cette notion même, très boîte de com, de «capteurs d’idées» et du côté questionnaire de satisfaction de la SNCF ou autre que revêt à mes yeux le questionnaire de concertation citoyenne. Est-ce qu’une concertation citoyenne est un captage d’idées ? Qui les capte et pour en faire quoi ?
Une quinzaine de personnes étaient présentes à l’AFSCO. C’est peu, très peu, l’abstention est de règle. On avait l’impression de quelques acteurs sociaux qui surnagent encore et qui ont bien voulu faire l’effort de dire sans doute une fois de plus ce que l’on pouvait savoir depuis longtemps et qui est la situation «d’échec social » dans laquelle se vivent une partie des habitants du quartier, un quartier déserté par les institutions de la république. Dernier départ en date : le centre médico social. Bientôt un an que des promesses ont été faites et que rien n’a bougé.
Ce qui suit est une note, un concentré des propos tenus au cours de cette heure et demie que dura la réunion.
Il a ainsi été fait état de «la montée des tensions entre les habitants, les gens ne se supportent plus entre eux, même les communautés maghrébines ne s’entendent plus entre elles». Agressions verbales et incivilités sont surtout le fait d’adultes, habitants depuis longtemps dans ce que certains appellent encore la ZUP. Le repli sur soi, la tendance à moins échanger et à moins partager datent bien évidemment d’avant les événements autour de Charlie Hebdo. «Il y a des mots qui sont devenus interdits», dit quelqu’un. On aimerait savoir quels sont ces mots qui irritent tant.
«Des gens sont tout à coup à cheval sur des principes qu’ils pratiquaient auparavant de manière beaucoup plus détendue. Les jeunes filles sont voilées alors que leurs mères ne le sont pas».
Le choc des attentats a été suivi d’un second choc devant le constat que les jeunes n’ont pas voulu respecter la minute de silence à la mémoire des victimes, ce qui signifie qu’ «ils ne croient plus dans la république à la quelle nous tenons». Pourtant Charlie a été pour eux au-delà des fanfaronnades un énorme point d’interrogation. Et des fractures se sont installées dans les écoles après les événements
La déconsidération de la république est la conséquence d’une politique de la ville désastreuse depuis des décennies. Nous sommes dans un système de reproduction des inégalités dans laquelle seule compte la réussite individuelle jamais la réussite collective.
Il y a un dysfonctionnement entre les services et la population. Les gens ne savent plus à qui s’adresser. «Tout est fait pour qu’ils n’aient plus à rencontrer d’interlocuteurs». Les écrivains publics ont été supprimés, apprend-on. Aucun lieu de rencontre n’est ouvert le dimanche. «Le week-end, ce sont les évangélistes qui s’occupent des enfants»…..
à suivre
Voir aussi : L’école embarquée (embedded), Ce qu’en dit Victor Hugo et Etre Charlie à l’Education Nationale ou le refus de marcher au pas , Le refus de marcher au pas (2) et sur la concertation citoyenne : Or, donc, nous avons eu deux jours de débats à Mulhouse…