Du nouveau sur les ondes électromagnétiques : nouvelle mise en évidence d’un risque de cancer.

Les premiers résultats d’une large étude du National Toxicology Program américain, qui associe plusieurs agences publiques, montre un lien entre deux cancers rares et l’exposition à des radiofréquences de 900 MHz, modulées selon deux normes de téléphonie mobile : GSM et CDMA. Avec conseils aux autorités fédérales à la clé*. Ces études ont été menées, comme classiquement, chez le rat, sur de larges populations et sur deux ans. On s’attendait bien, du fait d’autres études, à un lien entre ondes et gliome cérébral. On ne s’attendait pas, par contre, à un lien avec un cancer rare : le schwannome cardiaque. Ce dernier ne touche que les mâles, ce qui pose d’autres questions du point de vue physiopathologique. Certes l’incidence est faible : 6.6% dans ce cas. Mais aucun animal non exposé n’a développé de cancer. Par ailleurs, en appliquant par un calcul simple une telle incidence à la population humaine, la question devient bien une question de santé publique au vu de la généralisation des téléphones portables, des objets connectés et du nombre d’utilisateurs. Il est bon de rappeler également que l’OMS avait déjà classé les ondes électromagnétiques parmi les cancérigènes possibles (classement en 2B). Ces résultats préliminaires du NTP posent beaucoup de questions aux scientifiques, sceptiques ou plus activement pro-ondes, car ils cassent une fois de plus le discours de l’innocuité tout en bloquant le discours sur l’absence de validité ou l’incompétence des équipes.

Il y a donc urgence à agir. La multiplication des téléphones portables, communication par WIFI et bluetooth, objets connectés et autres compteurs intelligents mènent à un brouillard électromagnétique de plus en plus dense qui pourra être à l’origine d’un problème de santé publique à l’égal de ce qui s’est produit dans le cas de l’amiante. Le cas de l’Education Nationale, qui ne se pose institutionnellement aucune question à ce sujet, est caricatural. La ministre ne vient-elle pas de lancer l’équipement des classes maternelles en tablettes numériques alors que la loi Abeille interdit l’installation d’appareils en WIFI dans les établissements d’enfants de moins de 3 ans ? Cherchez l’erreur ! Qu’en est-il aussi de la durée d’exposition d’élèves soumis  à l’école aux ordinateurs en WIFI, aux tablettes et autres boitiers de vote numériques (aux mêmes fréquences que le WIFI) et à leurs téléphones portables, notamment lors des activités interdisciplinaires, en plus de leur téléphones portables dans la rue et chez eux, même la nuit sous l’oreiller pour un certain nombre ? Or aucune information ne leur est donnée à ce sujet. Aucun principe de précaution n’est appliqué, malgré l’ensemble des études justifiant la prudence en matière d’effets sanitaires.

En ce sens, le 12 mai dernier, l’association Robin des Toits a attaqué l’Etat en justice. En effet, la réglementation française par le décret de 2002 autorise des normes d’exposition aux CEM 100 fois supérieures aux normes européennes. Il permet des expositions jusqu’à 61 V.m là où la directive européenne préconise de ne pas dépasser 0,6 V.m.  Par courrier en date du 24 Novembre 2015, Robin des Toits avait demandé au Premier ministre d’abroger certaines dispositions du décret 2002-775 du 3 Mai 2002 fixant les valeurs limites d’exposition du public aux ondes électromagnétiques, ce décret étant illégal car contraire au principe de précaution. Une absence de réponse valant refus, Robin des Toits s’est donc porté devant le Conseil d’Etat.

Le problème est donc bien, en réalité, politique. Les positions parfois très violentes de certains hommes politiques, comme le type d’attaque produit par les industriels ou la violence et la mauvaise foi de scientifiques clairement liés par les conflits d’intérêt, le montrent de manière évidente. Cela est d’ailleurs apparu très explicitement lors des dernières Rencontres de Santé Publique, organisée par Santé Publique France, la nouvelle agence nationale, au cours desquelles l’effet sanitaire des ondes électromagnétiques a été placé sous le registre de la controverse. Et il a bien été souligné lors du “débat” qu’une telle approche, artificiellement maintenue et c’est souvent le cas dans l’histoire des nouvelles technologies, donne justement un faux prétexte au politique pour ne pas agir, conformément aux demandes des lobbys. Si des agences nationales comme l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) se proclament centrées uniquement sur l’expertise, malgré leurs contradictions et leur position pour le moins difficile, elle n’ont aucun pouvoir de modifier l’action politique, ne serait-ce que par leur statut, sauf à prendre à un moment donné des positions claires, ce qu’elles ne font pas. Le rôle des politiques est aussi criant dans le cas des compteurs Linky puisque la France impose par la loi ce type de compteurs alors même que la directive européenne n’impose pas directement un tel type et que d’autres solutions sont éventuellement possibles, en tout cas discutables.

Un exemple de violence verbale peut être donné par l’intervention de M. Bernard Accoyer, lors d’une table ronde portant justement sur ces compteurs déportés (Linky, Gazpart et autres compteurs d’eau) dans le cadre d’une commission en application de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (intégrale de la vidéo à voir sur le site de l’Assemblée Nationale ici)

Outre, en apparence tout au moins, une grande ignorance du sujet, il semble que M. le président Accoyer ait oublié le serment d’Hippocrate qu’il a prêté en 1976. Est-il nécessaire de rappeler que le mépris qu’il exprime envers les “cabinets d’expert automandatés” concerne donc aussi, outre l’Organisation Mondiale de la Santé, les experts américains du National Toxicology Program (NTP), l’appel des 190 scientifiques de 39 pays différents aux États membres de l’ONU ainsi qu’à l’OMS (pour demander de promouvoir des mesures de protection afin de limiter les risques sanitaires envers les êtres humains), les experts de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire qui se penche notamment sur la question de l’Electro Hyper Sensibilité, les médecins généralistes qui ont lancé un appel à la ministre de la santé, appel tenu par Marisol Touraine dans le même extrême mépris, les sociétés d’assurance qui refusent de couvrir les risques sanitaires liés aux technologies sans fil, et tellement d’autres…

Lobbying intense, économique privilégié sur la santé, frilosité des instances nationales chargées de donner des avis sur le sujet, discrédit sur toute étude démontrant un effet des CEM, dénis, désinformations, réglementations favorables aux opérateurs, etc. Il y a donc, ce qui est loin d’être nouveau, une véritable complicité entre le pouvoir politique et les industriels. Combien de temps a-t-on attendu en ce qui concerne l’amiante alors même que l’asbestose était connue depuis fort longtemps ? Combien de temps faudra-t-il attendre, du fait de l’action des lobbys, en ce qui concerne les ondes électromagnétiques ?

 

* “NTP has provided these findings to its federal regulatory partners to enable them to have the latest information for public health guidance about safe ways to use cellular telephones and other radiofrequency radiation emitting devices.
(Le NTP a fourni ces conclusions à ses partenaires réglementaires fédéraux pour leur permettre d’avoir les dernières informations pour des conseils de santé publique, afin de favoriser une façon sûre d’utiliser les téléphones cellulaires et autres appareils émettant des radiofréquences émettant.)”