Une nouvelle aristocratie de l’argent, par François Hollande

« Une haute bourgeoisie s’est renouvelée. On est passé d’un patrimoine jusque-là détenu par l’actionnariat familial, et transmis par héritage, à un actionnariat managérial qui s’est lui-même autopromu, autorécompensé, auto-organisé et autosolidarisé. Or il s’est trouvé par un fait de circonstance – mais qui n’est pas sans conséquence sur le plan idéologique – que c’est au moment où la gauche arrivait aux responsabilités, en 1981, que cette mutation profonde du capitalisme s’est produite.
Une génération – celle issue des cabinets ministériels des années 1980, de gauche comme de droite – s’est retrouvée aux commandes d’entreprises parce que le capitalisme lui-même n’avait plus de dirigeants, faute de familles suffisamment nombreuses, faute de compétences assez solides. C’est l’appareil d’Etat qui a fourni au capitalisme ses nouveaux bataillons, ses nouveaux cadres, ses nouveaux dirigeants. Ainsi est apparue cette situation inédite où des hommes, des femmes – plus d’hommes que de femmes – issus de l’Etat, de la haute fonction publique, sont devenus non seulement des responsables d’entreprise – cela s’était déjà produit dans le passé –, mais aussi des détenteurs – en quelques années – de fortunes considérables. Venus d’une culture du service public, ils ont accédé au statut de nouveaux riches, parlant en maîtres aux politiques qui les avaient nommés.
Là est le fait nouveau. Un changement de hiérarchie s’est opéré dans l’ordre des pouvoirs : “Puisque nous, nous avons réussi, puisque nous, nous sommes les représentants du capitalisme mondialisé, nous savons aujourd’hui ce qu’il faut faire. Nous le savons mieux que vous.” Aux yeux de cette nouvelle aristocratie, l’argent est devenu une référence bien plus fiable des représentations sociales que le mode d’attribution du pouvoir politique. »
François Hollande, Devoirs de vérité, p. 159-160.
via Paul Jorion

 

Une analyse de bonne actualité, on en conviendra.  Mais insuffisante. La preuve ?  Elle est sans conséquence pour son auteur même, bien décidé à aller, n’en déplaise à son électorat et en profitant des crises, vers une politique à la Schroeder comme il l’avait annoncé aux Allemands en mai 2013.

Si vous étiez…, Evidences, de Georges-Emmanuel Clancier

… et une recette d’été de cailles à la citronnelle en gelée de Noilly, aspic de courgettes et poivrons aux fines herbes et concombre à la crème parfumée à l’origan.

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Dixit Georges-Emmanuel Clancier, poète et romancier qu’on ne présente pas (Oscillante parole, Le pain noir, Terres de mémoire, Evidences, pour ne citer que ceux-là) : « la poésie, pour moi, toujours se lie au souvenir ». Laissons donc parler cet extrait d’Evidences, nouvelles poétiques, en se laissant enlever par ces premiers jours d’août qui ne se ressentent pas seulement dans son Limousin natal.

« Si vous étiez un peu plus paysan, si vous saviez ce qu’est le vent d’ouest, ce qu’est une feuille, vous comprendriez de quoi il s’agit.
Vous êtes en été, par une journée d’août où la chaleur est un mur, où l’air est une muraille épaisse, immobile ; vous aussi par ce temps-là vous êtes un peu épais ; l’œil fixe, vous regardez sans le voir un arbuste qui surmonte la haie : jeune châtaignier ou jeune chêne, vous ne le voyez pas d’abord puis quelque chose en vous devient un peu moins fixe, un peu plus subtil, vous commencez à percevoir un mouvement, puis vous découvrez le rameau qui s’agite ainsi, se balance sans bruit mais très vif ; vous ne tardez pas alors à l’observer de mieux en mieux, libre, fol, nerveux, ennemi du repos, vous le saisissez enfin nettement quand vous remarquez tous les autres rameaux avec leurs feuilles près de lui pétrifiés et, loin de lui, tous les arbres de plomb, tous les arbres figés alors que seul ce rameau et sa dizaine de tendres feuilles se balancent en plein cœur de l’arbuste au repos. Si vous me ressembliez davantage, vous sauriez que les arbres dans leur jeunesse jouent, eux aussi. Mais, je vous le demande : que savez-vous ? »
Georges-Emmanuel CLANCIER, Évidences, Mercure de France.

Recette : petite entrée fraîche de cailles à la citronnelle en gelée de Noilly, aspic de courgettes et poivrons aux fines herbes et concombre à la crème parfumée à l’origan

Entrée 3

Souvenirs d’une chaleur qui plombe ces après-midi d’été d’un climat continental, qui appelle la sieste sous les arbres, le regard fixé sur ce léger mouvement des feuilles et le besoin de fraîcheur. Qu’en savez-vous ? Peut-être, peut-être…

Cailles à la citronnelle en gelée de Noilly :

Ingrédients pour 4 personnes : 4 cailles, citronnelle, 6 feuilles de gélatine

 Prélever cuisses et blancs de chaque caille ; réserver au frais. Avec les carcasses, préparer un fond : les laisser suer dans une casserole avec un filet d’huile d’olive ; saler et poivrer, mouiller avec 75 cl d’eau ; amener à ébullition et laisser mijoter au moins une demi-heure. En fin de cuisson rajouter un demi-verre de Noilly Prat (vérifier le goût, en rajouter si nécessaire). Laisser mijoter encore une dizaine de minutes et filtrer de façon à obtenir une solution parfaitement claire (un filtre à café en papier marche très bien). Si la solution n’est pas limpide, alors clarifier au blanc d’oeuf.

Pendant ce temps, faire revenir à la poêle les cuisses et blancs sans les laisser dorer (fricassée à blanc) ; mouiller à l’eau (on peut déglacer avec un peu  de vin blanc de type aligoté ou de fond mais en faisant attention de ne pas trop corser pour ne pas dépasser les arômes de citronnelle) ; ajouter une petite poignée de citronnelle ; laisser cuire une petite dizaine de minutes. Laisser refroidir les cailles dans leur jus de cuisson.

Préparation de la gelée : au fond de caille chaud mais non bouillant, rajouter 6 feuilles de gélatine pour 750 ml de fond, après l’avoir hydratée dans de l’eau tiède et égouttée.

Couler dans un plat creux un fond de gelée et laisser prendre ; disposer sur ce fond les morceaux de caille et recouvrir de gelée (celle-ci ne doit pas être chaude) laisser prendre au froid.

Aspic de courgette et poivrons :

Ingrédients pour 4 personnes : un poivron rouge, un poivron jaune, un poivron vert et deux petites courgettes (petites pour éviter trop de graines) ; ciboulette, cerfeuil, thym citron.

Couper les poivrons et enlever les graines ; les couper en gros morceaux et les passer une demi-heure au four à 190°C. Les peler en sortie de four. (On peut aussi les passer seulement sous le gril pour les peler ; le goût est alors un peu différent.)

Pendant ce temps couper les courgettes dans le sens de la longueur et les mettre à fondre dans une poêle sur un fond d’huile d’olive à feu plutôt doux. Les sortir de cuisson encore fermes (attention à ne pas faire de bouillie ; on peut enlever la partie centrale si elle contient trop de graines).

Préparer également une infusion de thym citron (prévoir 60 cl). Filtrer et ajouter la gélatine à raison de 4 à 5 feuilles.

Couper les légumes en petit dés dans un saladier et rajouter ciboulette et cerfeuil ciselé à volonté. Mélanger délicatement et disposer les légumes dans quatre verrines. Couler la gelée sur les légumes. On peut disposer une feuille de cerfeuil en décoration. Laisser prendre au froid.

Concombre à la crème parfumée à l’origan :

Ingrédients pour 4 personnes : quatre petites tranches de concombre, 20 cl de crème fleurette (entière bien sûr !), deux cuillérées à café de vinaigre de Xérès

Mettre le vinaigre dans un bol ajouter la crème par petite quantité en fouettant ; continuer de fouetter jusqu’à obtenir une consistance très ferme ; ajouter quelques feuilles d’origan frais ciselé.

Dressage :

Sur chaque assiette disposer les cailles en gelée deux blancs et une ou deux cuisses, une verrine de légumes et une tranche de concombre sur laquelle son dispose une cuillérée de crème à l’origan.

Pierre-Marie Théveniaud