Pédagogie. Le terme est sensible, associé souvent aux “pédago”, avec parfois mépris et agressivité, fleurant bon ou plus ou moins sulfureux lorsque sont évoquées des Ecoles parallèles, ramené parfois à de simples techniques, mais finalement, dans beaucoup d’établissements, peu réellement discuté. Continuer la lecture
Archives mensuelles : mai 2016
Homme augmenté, transhumanisme, quel devenir pour l’homme ?
Homme augmenté, le terme est maintenant assez connu. Mais ce qu’il recouvre reste pour beaucoup très flou. Or, si l’homme a utilisé depuis le néolithique des techniques de réparation, il a aussi depuis toujours utilisé des outils et des techniques lui permettant d’augmenter son niveau de performance, même si cela est bien moins connu, ou peu perçu.
Une exposition le montre bien qui est actuellement proposée à Mulhouse par La Nef des Sciences (salle des adjudications, rue des Archives, vendredi 6 mai 14h-18h pour la dernière visite). Intitulée “A corps parfait ? L’homme réparé, remanié, augmenté”, elle s’adresse principalement aux jeunes de 15 à 25 ans mais peut être vue avec intérêt au-delà de ces limites d’âge.
L’homme augmenté a toujours existé : pensons bien évidemment, par exemple, à l’invention des lunettes ; mais aussi, de manière plus surprenante à la main articulée d’Ambroise Paré (vers 1580) et à bien d’autres prothèses. Mais si, aujourd’hui, la question de l’homme augmenté se pose de manière plus cruciale, c’est que les nouvelles technologies, informatisation et numérisation aidant, permettent non seulement des prothèses ou des orthèses plus perfectionnées mais diverses intégrations directement au niveau des organes eux-mêmes, et jusque dans le génome, intégrations qui tendent non plus seulement à l’augmenter, mais à le modifier. C’est ainsi que les nouvelles techniques de coupure de l’ADN (technique CRISPR/Cas9 de correction génétique), très simplifiées et presqu’à la portée du premier venu (presque seulement !!!), permettent l’excision de gènes délétères ou gênants et leur remplacement par un gène plus conforme à ce qu’on attend de sa fonction. Très bien a priori s’il s’agit de remplacer un gène à l’origine d’une maladie par son équivalent sain (chorée de Huntington, mucoviscidose et autres drépanocytoses). Mais qu’en est-il de l’addition éventuelle de gènes non humains, voire de synthèse ? Cela se pratique depuis longtemps en recherche chez l’animal par l’insertion dans le génome de gènes d’une autre espèce (souris rendues fluorescentes par exemple), ou en biotechnologie (insertion de gènes de bioluminescence dans des bactéries pour un usage d’éclairage urbain avec ce que cela représente en matière d’économie d’énergie pour une ville). Quid également de l’utilisation d’une telle technique chez l’embryon ? On peut lire à ce propos nombre d’articles, notamment ici ou ici (Up-magazine).
Moins graves sont les techniques de prothèses commandées grâce à l’analyse des influx nerveux des nerfs d’un bras par exemple, soit par électrodes externes soit par implantation de puces RFID au contact de ces nerfs. Un troisième bras peut ainsi être commandé à distance. Pourquoi pas à l’autre bout du monde grâce à la numérisation et la transmission par internet ?
D’autres technologies sont tout aussi à risque que le CRISPR/Cas9, comme celles de la stimulation intracérébrale profonde qui permettent de modifier des comportements (TOC, Parkinson, etc.). Les travaux en neurosciences et les nouvelles techniques d’imagerie médicale ont permis une connaissance actuelle du cerveau qui dépasse ce que tout étudiant en biologie jusqu’aux années 2000 pouvait imaginer. Il est possible maintenant, par exemple, de commander un ordinateur par la pensée . Cela peut permettre à un tétraplégique de commander par la pensée l’allumage de sa télévision, la fermeture ou l’ouverture des volets de sa pièce ou toute action prévue par la domotique. Cela peut aussi permettre -expérimentalement actuellement- de jouer à des jeux vidéos sans autre action que celle de penser (voir la vidéo).
Une telle connaissance du cerveau sert aussi à la mise en œuvre d’intelligence artificielle faisant des robots capables d’apprendre et de s’adapter à l’environnement. Plus innovant encore les robots qui mélangent puces et neurones, matériel et tissu humain.
Le transhumanisme
Tout cela apparaîtrait comme une seule réalisation de ce qui pouvait constituer de la science fiction et pourrait même légitimement enthousiasmer (ah, le progrès !!!) si n’existait en toile de fond un mouvement déjà très ample : le transhumanisme. Un tel mouvement théorise une amélioration de l’homme par tous les moyens actuellement à disposition, comme le souligne la déclaration transhumaniste (première publication en 1998). Le mouvement est apparemment diversifié, bien que finalement très hiérarchisé, avec des lobbys très actifs, notamment aux Etats Unis. Les discours peuvent aller jusqu’au cyborg avec, parfois, des relents d’immortalité. Une des grandes questions réside dans l’alliance du mouvement avec des entreprises comme Google qui le soutient financièrement, voire la NASA, donc dans la mise en œuvre très discrète d’un pouvoir absolu et bien focalisé. A lire à ce propos “Google, la stratégie secrète pour transformer l’humanité” (Intelligence artificielle et transhumanisme – iatranshumanisme.com-).
La grande question est donc aussi dans la méconnaissance de l’utilisation des nouvelles technologies et de leurs conséquences par l’ensemble de la population. Et ce d’autant plus que les disciplines en cause, biologie et biotechnologies notamment, sont loin d’être évidentes à comprendre et que l’enseignement actuel ne prédispose pas, loin de là, à l’acquisition des compétences nécessaires à un tel décryptage. (Faut-il, à ce sujet, rappeler les conventions entre l’Education Nationale et Microsoft et Amazon, pour ne citer que ceux-là de la bande des quatre) ? Sans grande paranoïa, on peut donc penser à une évolution créant une humanité à plusieurs niveaux et ce sur des critères fondés sur la nature même d’un homme plus ou moins technologisé. Il s’agit effectivement bien, dans l’esprit des transhumanistes et de Google, d’un projet de modification de l’homme lui-même.
Or qui doit décider de ce que doit être un homme ? Garderons-nous le pouvoir, déjà largement attaqué, de décider de quel type d’homme, chacun, nous voulons être ? Et surtout en aurons-nous encore les moyens, notamment financiers ? Meilleur des mondes quand tu nous tiens !