Depuis le 1 décembre, chaque jour à 18 heures et le samedi à 16 heures, dans toutes les librairies de France qui participent (Voir la carte des librairies solidaires), avec le soutien d’Amnesty International, a lieu une lecture d’un passage de son livre “Le bâtiment de Pierre”.
Le wagges s’associe à ce mouvement et participera par une lecture ce
jeudi 22 décembre à 18 heures à la Librairie 47° Nord,
Maison Engelmann 8b rue du Moulin à Mulhouse.
Asli Erdogan, écrivaine turque internationalement connue, a été arrêtée à son domicile dans la nuit du 16 au 17 août en même temps que les autres membres de la rédaction du journal dans lequel elle chroniquait. Elle est emprisonnée et risque la perpétuité pour ses idées, ses écrits et son engagement pour une société démocratique.
Dans ce bâtiment de pierre, prison d’Istambul, où officient les sbires du régime, prisonniers politiques, intellectuels et autres enfants des rues ne perdent pas que leurs corps mais leur moi qui, pour survivre, est obligé de se fracturer. C’est de cette fracture en plusieurs moi dont il est question dans ce large poème où se superposent, se répètent, s’isolent ces strophes qui rendent compte de cette destruction de l’humain.
Mais si nous n’oublions pas les dizaines de milliers de personnes emprisonnées en Turquie, et dans tant d’autres pays, pour les mêmes raisons qu’Asli Erdogan, nous n’oublions pas non plus qu’il n’y a pas que des dirigeants qui commandent mais aussi des hommes, dans la banalité de leur quotidien et de leur haine profonde, pour dénoncer, frapper, torturer et violer. En ces temps difficiles, ne l’oublions pas. Le risque est partout et commence tôt et petitement.
“Je vous l’avais bien dit !” reprit une voix calme, bien assurée, sûre de son bon droit et chargée soudain d’une haine naïve et implacable. “Il sait très bien où est son copain. Mais il faut faire vite.Ne le laissez pas filer.” Bien entendu, l’homme ne soupçonnait même pas qu’il avait accumulé en lui une telle haine de la vie… (P. 78)
(L’homme en question vient de faire arrêter un enfant qui, après la violence exercée par le policier qui l’arrête, va rejoindre la colonne des enfants torturés dans la même prison qu’Asli Erdogan.)
Un recueil de ses chroniques parues au cours des dix dernières années dans le journal Özgür Gündem, quotidien soutenant les revendications kurdes, Le silence même n’est plus à toi, paraîtra le 4 janvier prochain.
Une pétition pour sa libération circule qui peut être signée ici.
En l’absence de réponse de la ministre de la culture à une précédente lettre ouverte, sous l’action de l’association des élèves et anciens élèves de l’Institut National du Patrimoine, une pétition vient d’être lancée sous l’intitulé : Aidez les étudiants restaurateurs du patrimoine à défendre leur future profession (à signer ici). Au-delà de cette problématique de formation et de définition de profession, de l’avenir de ces étudiants, c’est tout le rapport d’un pouvoir à la culture, au savoir en général, à la jeunesse en général et à une certaine destruction du patrimoine qui est en cause. Continuer la lecture →
En ces temps troublés s’exprime une demande d’autorité parfois sourde mais le plus souvent explicite. Et donc tout se passe comme si la question de la reconduction de l’état d’urgence et de son institutionnalisation allait de soi, l’émotion ambiante interdisant toute analyse. D’où résignation, absence de pensée, refus d’analyse face à l’abandon du judiciaire et au glissement de notre démocratie vers un état totalitaire, dont on ne sait que trop ce qu’il deviendrait entre de mauvaises mains. Et ce, malgré les mises en garde expresses et argumentées de personnes les plus averties ou les réactions extérieures au pays. Comment analyser une telle résignation ? Comment nos démocraties en sont-elles arrivées à faire le deuil d’elles-mêmes ?
« Ombre portée de la fondation », écrit Hannah Arendt, la Constitution est la Loi fondamentale qui scelle le socle des principes essentiels qui régissent notre démocratie. « La Constitution ne doit pas être un instrument de conjecture politique, alors que la Nation est sous le coup de l’émotion », rappelle avec force Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. (Communiqué de presse – Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme)
Pierre Rosanvallon* dans Parenthèse, l’émission de Laurence Luret, du dimanche 21 février 2016 intitulée Vivons-nous dans une démocratie rétrécie ?, insiste sur le danger de l’institutionnalisation de l’état d’urgence, notamment par sa banalisation avec son inscription envisagée dans le code pénal. Il est bon de l’entendre :
“De l’absolue nécessité de rejeter le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, atteinte intolérable aux libertés et droits fondamentaux
Paris, le 18 février 2016. Alors que le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation est en cours de discussion au Parlement, la Commission nationale consultative des droits de l’homme s’insurge contre la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité, et manifeste sa plus profonde indignation. L’état d’urgence doit demeurer un état d’exception ; le constitutionnaliser porterait lourdement atteinte aux équilibres démocratiques et libertés fondamentales. « Ombre portée de la fondation », écrit Hannah Arendt, la Constitution est la Loi fondamentale qui scelle le socle des principes essentiels qui régissent notre démocratie. « La Constitution ne doit pas être un instrument de conjecture politique, alors que la Nation est sous le coup de l’émotion », rappelle avec force Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution en période de crise aigüe revient à élever un régime d’exception, par définition attentatoire aux libertés et droits fondamentaux, au même rang que les droits de l’homme dont la reconnaissance fut, tout au long de notre histoire, un combat permanent. Constitutionnaliser l’état d’urgence c’est banaliser toutes les restrictions aux libertés avec leurs dérives. Dans sa formulation, le texte soumis au Parlement comporte de nombreuses lacunes notamment : aucune définition précise des circonstances justifiant la déclaration de cet état d’exception par le chef de l’Etat, aucune limitation dans le temps, aucun contrôle a priori par le Parlement ou par le Conseil constitutionnel, ou encore aucune référence aux droits indérogeables. Tous ces silences ne manquent pas d’inquiéter quant à l’image de la France et quant au respect de ses engagements internationaux. Constitutionnaliser la déchéance de nationalité, une violation intolérable des principes républicains. L’inscription de la déchéance de nationalité est de nature à créer des catégories de Français et à les diviser. Drapée dans la lutte contre le terrorisme, cette mesure à l’inefficacité achevée, est inconciliable avec l’article 1er de la Constitution qui proclame que la France est une République qui « assure l’égalité de tous les citoyens ». La Loi fondamentale créerait ainsi, de façon permanente et en dehors de toute référence au terrorisme, des citoyens de seconde zone en stigmatisant les binationaux, alors même que, pour la plupart d’entre eux, cette double nationalité leur est imposée à la naissance. Si la mesure devait s’étendre aux mononationaux, l’apatridie guetterait. Dans ce contexte, la CNCDH ne peut que rappeler son profond attachement à l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que « Tout individu a droit à une nationalité ». Dans ces temps troublés, il est impératif de porter haut les valeurs de la République, les équilibres démocratiques et la recherche de la cohésion nationale, et non de les sacrifier.”
Pierre Rosanvallon, dans l’émission citée, rappelle également combien il est grave de voir “abaisser la constitution” en rappelant sa fonction à propos de la déchéance de nationalité :
Depuis des décennies, certes, nos démocraties néolibérales se fondent sur le spectaculaire et l’émotionnel. Mais, à force de se laisser endormir, attention à ne pas se réveiller trop tard !!
* Pierre Rosanvallon, historien, sociologue, professeur au collège de France