La traduction française de 1964 ou Pour être en conformité avec les nécessités du marché, le sujet masculin du pouvoir impose le silence à son âme, du poète berlinois Kai Pohl, vient de paraître aux éditions mediapop, traduction de Bernard Umbrecht.
A l’occasion de la sortie du livre, une lecture-performance franco-allemande par Kai Pohl et Bernard Umbrecht en sera donnée le 13 octobre à 20h dans le cadre de l’exposition Papier 3.0 au Séchoir – 25, Rue Josué Hofer – 68200 Mulhouse.
1964, même s’il est présenté comme, et a valeur de, manifeste poétique, peut aussi être lu comme un poème symphonique en cinq parties, chaque partie se présentant comme un thème donné par sa phrase finale reprise en exergue. Ainsi, pour la première, à la fois donc exergue et finale : “Si les hommes ne se soulèvent pas, à la fin se soulèvera la mer, l’herbe fera éclater les rues, les murs tomberont dans le vent, la rhétorique décorative des puissants leur retombera en acier brûlant sur les pieds.”
Construit sur “des cut-ups tirés d’internet avec des notices bibliographiques, des voix intérieures et de lambeaux de conversations tirés du monde de l’illusion “, il nous renvoie à nous-mêmes “comme coauteur du texte puisque coauteur de la réalité de ce monde”.
“S’il n’y a pas de hasard, il n’y a pas non plus de destin. Il n’y a pas de chemin, il n’y a que des pas. Il n’y a pas de raison de perdre pied. Les mots peuvent être prononcés à haute voix, enregistrés, réécoutés. Le texte n’est pas un produit final, il est un outil.” (p.8)
Pour en savoir plus, lire la présentation de Bernard Umbrecht sur “Ma rentrée littéraire”, dans son blog Le SauteRhin.
Extraits :
” Fais la chasse aux désirs insatiables ! Demande l’impossible. Prends en compte l’accessoire ! Les pensées sont fugitives, la pluie efface l’encre, le feu dévore le papier, on tire sur ce qui est martelé dans la pierre. Ce n’est pas la peine de continuer à écrire pour épuiser la réserve de mots. On peut sécuriser les archives, mais pas contre la bêtise et l’ignorance. Avec la terreur croit la peur, et bientôt ex. ne sera plus l’abréviation d’exemplaire mais d’explosion.”
1964 – deuxième partie
“Et c’était vrai : toute leur existence était couplée à la présence d’argent, ils ne croyaient plus à une vie après l’argent. Ils avaient perdu le souvenir d’un paysage sans bruit de moteur et pourtant ils prétendaient avoir les choses sous contrôle. Bien sûr, ils avaient besoin pour leur mode de vie sans scrupule d’un mantra pour s’en laver les mains. Avec des expressions comme “qu’est-ce que je peux y faire”, “je ne peux pas changer le monde”, “ces choses là ne sont pas en mon pouvoir”, ils se débarrassaient de toute responsabilité pour le gâchis.”
1964 – troisième partie