La fête à ni-ni et pas ni-ni

Dimanche ce sera la fête à ni-ni et à pas ni-ni.

Décidément ces élections départementales auront été celles du mensonge. Il y a mensonge sur toute la ligne, sur les enjeux comme sur les résultats et sur leur interprétation.
Pour masquer le vide d’une élection à une assemblée départementale dont on ne sait même pas si elle existera encore demain et dont on décidera après coup des compétences, Manuel Valls a lancé l’opération pour ou contre le FN, histoire de vérifier si cette stratégie peut-être payante pour la présidentielle. Je trouve cela honteux. Après avoir fait monter la mayonnaise, il a fini par avoir un résultat qui est comme disent les enfants de manière incorrecte moins pire que s’il avait été plus pire. C’est le nouveau slogan du gouvernement : la réduction du déficit aussi est moins pire que si elle avait été plus pire.
Mais le Premier ministre peut mettre un autre succès à son actif, l’élimination que l’on peut qualifier d’historique du Parti socialiste dans le département du Haut Rhin surtout, comme le rappelle ans l’Alsace du 24 mars 2015 le politologue Richard Kleinschmager, «quand on se souvient que la PS alsacien est né à Mulhouse avec le SPD au XIXème siècle» et que «le seul moment où la gauche a eu une majorité départementale en Alsace sous la 5ème République, c’était lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 1988 et c’était dans le Haut-Rhin». Autant dire qu’une page se tourne. Le PS mulhousien veut croire qu’il a perdu uniquement à cause de la politique du gouvernement. Ce n’est pas toute la vérité. Il y a mis du sien et n’a donc pas résisté.
Globalement le mensonge sur les résultats consiste à les interpréter en pourcentage. Même à Strasbourg, comme le signale l’Observatoire de la vie politique en Alsace :« la gauche perd un tiers de ses voix, la droite la moitié, le FN les double. Ce phénomène, bien réel, n’est pas visible quand on regarde seulement les pourcentages sur les votants, qui est un calcul finalement factice ».
Ce qui frappe dans les résultats, c’est aussi l’émiettement de l’Alsace sans doute traduction d’émiettements plus profonds, en cours, d’anciennes relations économiques sociales et culturelles. Cela se lit dans les scores importants d’Unser Land (parti régionaliste alsacien) là où il était présent. Il était cependant très loin de l’être partout. Je prendrai l’exemple de la Ville de Saint Louis où il fait 24 % alors qu’à Mulhouse il n’avait pas du tout de candidat. On comprend bien que les intérêts d’une ville tournée vers Bâle au point de se détourner même de Mulhouse et dont l’emploi repose sur la capacité à être bilingue français-allemand semblent très loin de ceux de la Champagne Ardennes tournée, elle, vers le Luxembourg. La régionalisation a ignoré la question des frontières. A cet égard, un autre exemple éloquent se lit à Wissembourg.

Ni-ni et pas ni-ni

Les binômes de droite qui restent en lice face au Front National à Mulhouse sont composés d’un UMP et d’un UDI. Je passe sur le mensonge de la victoire de la seule UMP pour relever surtout que dans ces couples l’un est ni-ni, l’autre pas ni-ni du moins de part le positionnement national de leurs partis. Plus clair on ne fait pas. Avec deux positions contradictoires, on espère ratisser plus large. Mais ce n’est pas mieux à gauche. Dans le canton Mulhouse I, Claudine Boni da Silva et Thierry Sauter qui ne s’affichent pas PS mais qui le sont, appellent à «faire barrage aux candidats du Front national» tandis que, à Mulhouse II, le binôme socialiste se demande «quelle différence il y a entre l’extrême droite et la droite extrême» et appellent les électeurs à prendre leurs responsabilités. C’est clair ? Dans le troisième canton, le PS fait confiance «à la maturité et à intelligence politique» de ses électeurs qui veilleront «sans doute» à « donner une issue républicaine à ce deuxième tour de scrutin ». J’admire ce sans doute et cette issue républicaine !
Mais la palme revient au Parti communiste avec cet admirable texte :

« L’heure est maintenant au rassemblement le plus large à gauche et pour tous les citoyens de progrès. Au 2ème tour, nous appelons les électeurs à se rassembler derrière le candidat de gauche qui reste en lice et à utiliser le bulletin de vote pour empêcher l’élection d’élus du Front National qui ont dans le viseur, partout en France, les services publics, les politiques de solidarité et de progrès social portés par les départements. »

Je passe sur l’élection d’élus pour ne retenir que cet appel au rassemblement de la gauche à …Wittenheim, seul endroit où c’est encore possible. Et à Mulhouse, ou ailleurs dans le département, on fait quoi ? Silence éloquent.

Je vois un aspect positif dans ce côté chers électeurs, démerdez-vous, c’est que l’on va bien arriver à le faire et à se passer d’organisations qui font la preuve de leur inutilité. A se mettre enfin à reconstruire.

Post Scriptum : Je viens d’appendre que dans le canton de Mulhouse I le Front de gauche appelle à faire barrage au FN.

Du dimanche référendaire au Samedi communiste

Peu de temps après la journée citoyenne du dimanche 7 avril 2013 qui s’est soldée par le retentissant échec du référendum sur le Conseil territorial d’Alsace que l’on sait,  je retrouvai dans ma boîte aux lettres le prospectus suivant, appel à une journée citoyenne :

En quoi consiste cette journée citoyenne ? Réfection du grillage du Gymnase du quartier, Rénovation du parcours Vita….. Rien contre, évidemment, encore que…Est-ce aux habitants du quartier de faire ce travail ?

Mais c’est une autre question.

Celle qui nous occupe concerne cette dérive du langage consistant à prôner officiellement l’apolitisme,  à appeler citoyenne la participation à une brigade d’entretien ou de nettoyage sur le modèle de ce que l’on appelait dans les anciens pays de l’est les Samedis communistes (Subbotniki)

La citoyenneté ce n’est pas cela.

Etre citoyen, c’est faire partie d’un corps politique participant à la vie de la cité dans la dimension politique du vivre ensemble. La classe politique de la Région Alsace, pour avoir oublié cela en amont du Référendum a subi un cuisant échec. Échec qui n’est pas seulement celui de l’UMP mais bel et bien aussi du PS  et de ses ambigüités : prôner un oui qui désapprouvait le projet dans l’espoir que le gouvernement allait apporter les correctifs, difficile de faire plus confus.  Le vote à peine terminé, on apprenait d’ailleurs que Mme Lebranchu (PS) se contrefichait du résultat.  Elle n’y a jamais cru et d’ailleurs sa loi sur la décentralisation vole en éclat.  On apprenait aussi que le Maire de Strasbourg PS, plus préoccupé du statut de métropole de sa ville a voté blanc alors que le PS dont il fait partie appelait à voter NON dans le Bas Rhin et Oui dans le Haut Rhin. Election : confusion. C’est aussi celui d’Europe Ecologie Les Verts à qui on aimerait simplement poser la question suivante : depuis quand le refus d’un projet mal ficelé est-il synonyme d’immobilisme. Simplement parce qu’il est porté par les écologistes ? Mais l’échec n’est pas seulement celui de la classe politique. C’est aussi celui du CESER (conseil économique et social régional) dont on apprend, qu’à l’exception de la FSU, les syndicalistes ne se sont pas opposés au projet. Il y a aussi un divorce entre le journal L’Alsace et ses lecteurs. Le quotidien a eu une attitude partisane comme rarement au point peut-être que son engagement pour le oui s’est révélé contreproductif. Il fallait tout de même le faire que d’assimiler le projet de Conseil territorial d’Alsace au la réunification du Land de Bade Würtemberg.

Comme ceux qui suivent ce blog le savent, j’ai fait le choix de ne pas participer à cette mascarade.

Je pensais que le projet pouvait capoter mais d’avantage par l’importance de l’abstention que par l’impact d’un vote non. Nous avons eu les deux.

Pour la première fois, à ma connaissance et, en particulier, grâce au travail de Matthieu Lavarenne s’inspirant de l’exemple d’Etienne Chouard pendant la campagne pour le Traité constitutionnelle européen en 2005, l’Internet a, en Alsace, au nez et à la barbe de ceux qui s’en désintéressent, joué pleinement son rôle citoyen – la citoyenneté de demain passera par Internet, -en décryptant méthodiquement les informations.  On y trouvera ce qu’il faut d’éléments pour construire une analyse des résultats. En voici le résumé qu’il fournit lui-même :

  • Un projet rejeté par le Non inattendu du Haut-Rhin, mais tout autant par l’abstention du Bas-Rhin, qui aurait suffi à tout arrêter, même si le Haut-Rhin avait dit oui.
  • Une claque électorale qui montre une nouvelle fois le divorce grandissant entre le peuple et ses « élites ».
  • Un projet qui n’est pas apparu comme novateur ni comme une « réponse à la crise ».
  • Philippe Richert avoue qu’il aurait préféré pouvoir ne pas tenir compte du Non haut-rhinois.
  • Le bouclier médiatique pour le oui a été fendu, notamment par le succès de la campagne du non sur internet.
  • En 1969, De Gaulle, désavoué, avait démissionné après l’échec du referendum sur « la régionalisation et la participation » afin que la politique de la France ne se fasse pas sans le peuple.
  • Un effondrement de la vision identitaire d’une Alsace “unie”, avec l’apparition claire et nette de deux logiques départementales distinctes.
  • Un clivage gauche-droite totalement débordé.
  • Le misérable bal des mauvais perdants qui cherchent à rejeter la faute, loin de l’autocritique pourtant indispensable.
  • Un projet enterré définitivement… euh, enfin, du moins pour l’instant
  • Cette campagne aura été un scandale démocratique qui devra nous inciter à rester vigilant pour la suite.

J’ajouterai de mon point de vue un élément et une critique.

Je pense tout de même,  bien que l’affaire Cahuzac n’en soit qu’un épisode, que le référendum est intervenu à un moment où la crise prenait pleinement sa dimension politique au-delà même du divorce entre la population et leurs représentants, déjà perceptible depuis plusieurs années. Il faut désormais prendre en compte le fait que nous sommes dans un contexte post-démocratique et politique grave.

Je ne suis pas du tout convaincu par la thèse avancée par Philippe Breton sur « l’effondrement du fantasme d’une Alsace identitaire, la fin de la vision régionaliste de l’Alsace surtout dans un contexte de repliements où précisément on se raccroche aux fantasmes de repères régionaux identitaires, même s’ils éclatent en particularismes de clocher ? On risque de se retrouver avec un effet boomerang. Qu’il y ait une destruction du symbolique est un autre paire de manches et il faudrait s’y atteler. On peut repérer des particularismes régionaux dans les votes, dans les « oui » et dans les « non ». Ils tiennent à leur inscription dans l’histoire. D’une manière générale, les fantômes d’une histoire non dite et non assumée ont participé au scrutin. Les inquiétudes de la Ville de Colmar sur son statut de Préfecture ont un très ancien enracinement historique qui remonte à Louis XIV. Et il faudrait parler de tous les non dits contemporains qui ont mobilisé le « non » comme le mariage pour tous, débat que la gauche fuit. On peut noter l’absence des politiques dans le débat sur les inquiétudes liées à la fusion des Universités. La seule proposition que le Parti socialiste ait trouvé à faire en réaction à l’échec du référendum a été de préconiser la fusion des offices du Tourisme d’Alsace. Opposer la fusion par le bas à la fusion par le haut ? Mais dans les deux cas, les mêmes méthodes sont à l’œuvre.

Enfin, peut-être faut-il aussi rappeler que les contestations anecdotiques ne font pas une politique.

Quant au Front de gauche qui en est à essayer de nous faire croire que la décentralisation serait contraire à la République, quelle tristesse. Et le dépérissement de l’Etat, camarades, jamais entendu parler ? Quelle tristesse aussi que ce besoin d’un héros qui fait le pitre !

Nous voici revenu à la question citoyenne.

Que fait-on maintenant ?

« Si l’on veut éviter le scénario craint et annoncé par Bernard Stiegler de l’accès au pouvoir d’une réaction identitaire, xénophobe et régressive, les mouvements sociétaux doivent apprendre d’urgence à être aussi efficaces que les défenseurs du système post-démocratique »,

écrit Philippe Aigrain qui identifie cinq conditions :

« – La capacité à se coaliser.
– L’identification d’un ensemble minimum de propositions de réforme radicale portées sans relâche.
– Le refus tenace de la violence et la continuation du débat avec les acteurs institutionnels.
– Un style d’action compatible avec une vie bonne.
– L’exploration quotidienne d’alternatives concrètes ».

Conditions qu’il détaille sur son site.

Le wagges

La gauche la plus bête du monde ?

« La France a la droite la plus bête du monde. » s’exclamait dans les années 50 un praticien du genre bête, le dirigeant socialiste Guy Mollet. Aujourd’hui on peut se demander si la bêtise n’a non pas changé de camp mais contaminé le Parti socialiste. Nous aurions alors en plus de la droite la plus bête du monde également  la gauche la plus bête du monde.

J’ai pensé dès le début que François Hollande n’était pas le bon candidat mais j’étais loin de m’imaginer qu’il allait révéler aussi vite que l’on ne pouvait guère lui faire confiance. Dès sa nomination comme candidat, il nous annonçait que le programme économique du Parti socialiste était à revoir.  Sous prétexte d’une crise qu’il n’a probablement pas su analyser avant.

Mais effacer purement et simplement du texte soumis à ratification du bureau national du PS une phrase clé de l’accort entre le PS et Europe Ecologie les Verts, il fallait le faire.

La question va dès lors bien au-delà de celle du Mox.

On peut désormais se demander quel crédit accorder à sa parole et comment cela préfigure sa façon de gouverner, si son penchant à céder au lobby nucléaire vaudra également pour les lobbies financiers ?

Même si le texte est rétabli, la bêtise a été faite. Elle en annonce d’autres.