Non au traité budgétaire européen !

Un Collectif de plus de 120 économistes dont Dominique Taddéi, Frédéric Lordon, Jacques Généreux, Paul Jorion, André Orléan, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Bernard Friot, Dominique Plihon, Guillaume Etievant et Jacques Rigaudiat a publié une tribune dans le journal Le Monde appelant à rejeter le traité budgétaire européen qui contrairement aux engagements électoraux de François Hollande n’a pas été renégocié.

“Depuis 2008, l’Union européenne (UE) fait face à une crise économique sans précédent. Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n’est pas due à la dette publique. Ainsi, l’Espagne et l’Irlande subissent aujourd’hui les attaques des marchés financiers alors que ces pays ont toujours respecté les critères de Maastricht. La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l’aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette dette à des taux d’intérêt élevés.

La crise s’explique également par l’absence totale de régulation du crédit et des flux de capitaux aux dépens de l’emploi, des services publics et des activités productives. Elle est entretenue par la Banque centrale européenne (BCE) qui appuie sans conditions les banques privées, et exige à présent une “stricte conditionnalité” d’austérité des Etats lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de “prêteur en dernier ressort”. En outre, cette crise est aggravée par le dumping fiscal intra-européen et l’interdiction qui est faite à la BCE de prêter directement aux Etats pour des dépenses d’avenir, au contraire des autres banques centrales dans le monde comme la Federal Reserve américaine. Enfin, la crise est renforcée par l’extrême faiblesse du budget européen et son plafonnement au taux ridiculement bas de 1,24 % du PIB.

François Hollande, après s’être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n’y a en fait apporté aucun changement, et choisit aujourd’hui de poursuivre la politique d’austérité entamée par ses prédécesseurs. C’est une erreur tragique. L’ajout d’un pseudo-pacte de croissance, aux montants réels dérisoires, s’accompagne de l’acceptation de la “règle d’or” budgétaire défendue par Merkel et Sarkozy qui condamnera toute logique de dépenses publiques d’avenir et conduira à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des administrations publiques.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l’équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d’une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels. Les pays qui souffrent de l’effondrement de leur demande intérieure seront amenés à réduire plus fortement encore leur demande publique. Alors que plusieurs Etats membres sont déjà en récession, cela menacera davantage l’activité et l’emploi, donc les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits. Ainsi, l’OFCE prévoit déjà 300 000 chômeurs de plus en France fin 2013 du seul fait de l’austérité. A moyen et à long terme, cela hypothéquera la transition sociale et écologique qui nécessite des investissements considérables.

Au nom d’une prétendue “solidarité européenne”, le traité organise de fait la garantie par les Etats des grands patrimoines financiers privés. Il grave dans le marbre des mesures d’austérité automatiques, imposées aux représentants des peuples, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées par une instance non élue.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), institution antidémocratique par excellence, pourrait proposer des prêts à des taux un peu moins élevés (5 % en moyenne). Mais ces prêts seraient conditionnés à l’application d’une austérité drastique imposée aux peuples ! La garantie publique des investisseurs privés ne fait qu’encourager la spéculation, alors qu’il faudrait lui briser les reins en sortant de leurs mains la dette publique. Le constat est sans appel : l’austérité est à la fois injuste, inefficace et antidémocratique.

Nous pouvons faire autrement. L’avenir de l’Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise. Une expansion coordonnée de l’activité, de l’emploi et des services publics serait aujourd’hui possible en Europe.

Pour que l’UE mette en oeuvre cette politique, il est urgent de réformer et de démocratiser ses institutions. Un Fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique, pourrait accentuer cette dynamique. De plus, l’UE pourrait mettre en place un contrôle de la finance.

Les défis sociaux et écologiques sont immenses. Il est possible de défaire le sombre bilan des politiques libérales d’une France qui comprend 5 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres. Pour s’en donner les moyens, il faut briser l’étau des marchés financiers et non leur donner des gages. C’est pourquoi nous refusons la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance”.

La dictature politique des marchés financiers

On peut se réjouir de la disparition d’un pitre sur la scène politique italienne et européenne  – restera cependant  à nous expliquer pourquoi il  a été élu et réélu peut-être par certains de ceux-là mêmes qui aujourd’hui explosent de joie. Il n’est pas sûr cependant qu’il faille se réjouir tant que cela. Il y a même tout lieu de s’indigner car il ne faut pas se leurrer. La décision n’est pas celle du peuple italien. Elle est celle des marchés financiers.  En Italie, c’est carrément un homme de la banque Goldman Sachs – qui a conduit la Grèce là ou elle est – qui remplace Berlusconi, en Grèce c’est un ancien de la Banque centrale européenne.
Tout le pouvoir aux banques ?
On retiendra pour la suite – en attendant la révolte annoncée –  cette étonnante déclaration de Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers sur la dictature des marchés financiers.

A la question du Journal du Dimanche :

Dans le cas de l’Italie, les marchés ont fait de la politique. Ils ont eu la tête de Silvio Berlusconi

Jean-Pierre Jouyet répond :

Ils ont fait pression sur le jeu démocratique. C’est le troisième gouvernement qui saute à leur initiative pour cause de dette excessive. Aux appréciations quantitatives qu’ils sont amenés à faire pour évaluer la capacité d’un État à rembourser ses dettes sont venus s’ajouter des jugements qualitatifs. Pour les marchés, Silvio Berlusconi n’était plus l’homme de la situation et l’envolée des taux d’intérêt de la dette italienne a été leur bulletin de vote. Nicolas Sarkozy, à l’inverse, est plutôt bien noté pour le moment [on notera cet admirable pour le moment !]. Mais à terme, les citoyens se révolteront contre cette dictature de fait. Notons au passage que la Grèce a nommé Premier ministre un banquier central et que l’Italie s’apprête à désigner un ancien commissaire européen et homme de Goldman Sachs…

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