Il n’y a pas de culture sans partage. La culture pour chacun, la culture pour soi, la culture du chacun pour soi est pour les ânes. Cette question du partage cependant se pose de manière nouvelle depuis le déploiement de l’Internet. Mais l’industrie du copyright est en guerre pour la conservation de ses privilèges. C’est aussi une guerre pour le maintien du « temps de cerveau disponible » à monnayer avec les annonceurs. C’est enfin une guerre contre la culture. « Imagine un monde sans liberté de la connaissance » écrivait sur son bandeau de protestation le site de l’encyclopédie Wikipédia.
Nous vivons actuellement un épisode particulièrement tendu de cette guerre contre le logiciel libre et le partage.
Il est difficile de croire à une coïncidence dans le temps quand, le lendemain de l’action de Wikipedia (et d’autres) contre les projets de contrôle et de censure d’Internet que constituent les projets Sopa et Pipa, on assiste à une opération du FBI conduisant à la fermeture du site MegaUpload, sous les applaudissements intempestifs des autorités françaises à propos d’une opération de police menée par un État étranger en dehors de son territoire. Dans le même temps, on a pu observer de gros efforts de rétropédalages au Sénat et à la Chambre des représentants américains.
MegaUpload, 50 millions de visiteurs par jour, était le 22ème site le plus visité par les Français, rançon de la diabolisation des échanges de pair à pair engendrée par la mécanique disciplinaire Hadopi. Profitant de cela, l’entreprise générait d’énormes profits en associant gratuité et publicité. « Comptes offshore, sociétés à Hong Kong ou à Auckland, porte-parole mystère et pactole considérable dans des paradis fiscaux… Dans la vraie vie, les patrons de MegaUpload échangent des montagnes de billets et changent d’identité. », pouvait on lire sur le site Owni.
« Les énormes profits engrangés par MegaUpload grâce à une centralisation des œuvres soumises au droit d’auteur sont difficilement défendables, écrit la Quadrature du Net, ajoutant : « MegaUpload est un sous-produit direct de la guerre menée contre le partage pair à pair hors-marché entre individus. Après avoir promu une législation qui a encouragé le développement des sites centralisés, les lobbies du copyright leur déclarent aujourd’hui la guerre »
« Le retrait par le FBI du site MegaUpload est utile à de nombreux égards. Il montre bien la violence aveugle des États Unis dans l’application du droit d’auteur au niveau mondial. Cette affaire donne un aperçu de ce qui pourrait devenir la norme si PIPA ou ACTA étaient adoptées. En outre, la censure de MegaUpload montre à quel point les services centralisés sont fragiles et facilement contrôlables. Elle résonne comme un vibrant appel à l’utilisation de protocoles pair à pair décentralisés pour le partage sans but de profit entre individus. Il nous faut urgemment réformer un droit d’auteur malade devenu nuisible à l’architecture même de l’Internet libre. », souligne Jérémie Zimmermann, le porte-parole l’association.
« La vraie solution est de reconnaître un droit bien circonscrit au partage hors marché entre individus, et de mettre en place de nouveaux mécanismes de financement pour une économie culturelle qui soit compatible avec ce partage. Cela garantira une juste rémunération des artistes et auteurs, mais aussi le droit du public à partager la culture, en accord avec l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme », déclare de son côté Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.
Ce dernier a été auditionné récemment par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, présidée par Marie-Christine Blandin. Dans son intervention, le 11 janvier 2012, il invitait à : « changer de regard sur le partage non-marchand des œuvres numériques entre individus, qu’on a stigmatisé comme piratage ».