Utiliser les nouvelles technologies, ce n’est pas les utiliser n’importe comment sans se poser les nécessaires questions.
Or, le ministère de l’Éducation Nationale s’est lancé depuis quelques années dans le tout numérique à l’École. Sans se poser aucune question. Le progrès c’est le progrès. L’Éducation Nationale se doit d’être performante et au goût de l’actualité. Son rôle est de préparer la jeunesse à la société de demain, notamment par l’acquisition et l’évaluation de compétences bien ciblées. Sans se poser de questions ? En fait la politique choisie est très claire. Et l’option néolibérale apparait nettement dans les accords et conventions qu’elle signe avec les grandes multinationales : Microsoft, Orange et autre Amazon pour la lecture et l’auto édition, pour ne citer que les plus remarquées. Madame la ministre ne vient-elle pas de lancer l’équipement en tablettes numériques des écoles maternelles ? Apparemment sans souci de ce qu’implique un tel équipement sur le développement intellectuel des enfants et encore moins sur leur santé. Le lobbying et la puissance des grands opérateurs en téléphonie mobile avait jusqu’à présent bloqué toute information sur le thème de l’impact sur les fonctions cognitives et sur la santé en général. Or on ne peut pas soigner en même temps les enfants et les grandes multinationales. L’exemple du taux artificiel de réussite au baccalauréat, de plus en plus caricatural, est un autre exemple du manque de soin apporté par l’institution à sa jeunesse : il ne s’agit pas de la former et de lui donner les moyens de sa vie, contrairement aux beaux discours, mais d’obtenir des résultats chiffrés affichables dans un faux discours de réussite.
Le dernier rapport de l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire alimentation, environnement, travail) qui vient d’être publié jette un gros pavé dans le jardin de l’institution. L’agence, comme elle se présente, “met en œuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste. L’Anses contribue principalement à assurer la sécurité sanitaire dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’alimentation et à évaluer les risques sanitaires qu’ils peuvent comporter. Elle contribue également à assurer d’une part la protection de la santé et du bien-être des animaux et de la santé des végétaux et d’autre part à l’évaluation des propriétés nutritionnelles des aliments. Elle fournit aux autorités compétentes toutes les informations sur ces risques ainsi que l’expertise et l’appui scientifique technique nécessaires à l’élaboration des dispositions législatives et réglementaires et à la mise en œuvre des mesures de gestion du risque (article L.1313-1 du code de la santé publique)”
Le rapport qui vient d’être publié sur une saisine de 2011 est dans une ligne d’équilibre traduisant une réelle approche d’expertise scientifique. Il est bon de rappeler qu’outre le comité d’expertise un comité de dialogue sur les radiofréquences réunit scientifiques, opérateurs et associations ou organisations non gouvernementales.
Si les études portant spécifiquement sur les enfants sont peu nombreuses en regard de celles portant sur les adultes, notamment en ce qui concerne les cancers, il n’en reste pas moins que le rapport de l’Anses met en évidence des effets notamment sur les fonctions cognitives. Quant aux recommandations finales, elles sont claires. elles ont aussi le mérite de ne pas prendre en compte que le téléphone portable mais aussi les tablettes numériques et l’ensemble des objets connectés. Sont donc concernés tous les objets actuellement proposés dès la maternelle : ordinateurs et tablettes en WIFI (fréquence de 2 400 MHz) mais aussi boitiers de vote numériques en RFID qui font une certaine percée pédagogique (on a pu voir des classes d’école primaire où ne trônaient sur les tables que de tels boitiers) et émettent également en 2 400 MHz . Dans une classe de collège ou de lycée, en autorisant en plus l’usage du téléphone portable lors d’activités interdisciplinaires, le brouillard électromagnétique pourra atteindre, atteint déjà, des intensités qui posent de réels problèmes. Les effets sur les fonctions cognitives se rajoutent à tous ceux déjà souvent abordés dans cette chronique. Et à l’action directe des ondes on doit ajouter les effets très négatifs liés au seul usage de ces dispositifs. Ne serait-ce que par l’abandon de l’écriture manuscrite qui laisse vides des zones cérébrales qui seront certes disponibles pour d’autres fonctions au vu de la plasticité, mais lesquelles ? Certaines études citées par l’Anses abordent ce problème de l’usage (p. 273 du rapport).
“Ces 3 études de taille importante montrent une association entre un usage intensif et inadéquat du téléphone par des adolescents ou des préadolescents et une santé mentale affectée. Elles investiguent les conséquences de « l’usage problématique du téléphone » et non des radiofréquences qu’il émet. Au vu de ces éléments, une association entre un tel usage du téléphone mobile et l’altération de la santé mentale pourrait exister et mérite d’être approfondie. ”
Recommandations du comité d’experts spécialisé (CES) et de l’agence, extraits (p.11 et suivantes de l’avis en tête du rapport) :
Le CES recommande, notamment aux parents, en matière de réduction de l’exposition :
· de limiter l’utilisation par les enfants des dispositifs électroniques émetteurs (tablettes, téléphone, etc.) ;
· que le téléphone ne soit pas laissé en communication au contact du corps pour éviter les éventuels effets thermiques.
Considérant :
· les résultats des études épidémiologiques mettant en évidence une santé mentale affectée chez les adolescents ayant « un usage problématique du téléphone mobile » ;
· la forte expansion de l’usage des nouvelles technologies, notamment chez les très jeunes enfants ;
Le CES recommande que les parents incitent les enfants à un usage raisonnable du téléphone mobile (éviter les communications nocturnes, limiter la fréquence et la durée des appels, etc.).
Effets psycho-sociaux des usages des nouvelles technologies
Considérant
· la forte expansion de l’usage des nouvelles technologies, notamment chez les très jeunes enfants ;
· les études épidémiologiques mettant en évidence une santé mentale affectée chez les adolescents ayant « un usage problématique du téléphone mobile » ;
Le CES recommande d’étudier l’impact des usages des technologies de communication sur :
· les troubles relevant de la santé mentale (stress, addiction, dépression, etc.) ;
· les relations familiales, l’apprentissage scolaire, etc.
En complément, l’Agence recommande :
· que des études complémentaires évaluent l’impact sanitaire et psychosocial (apprentissage scolaire, relations sociales et familiales, etc.) chez les enfants lié à l’usage des technologies de communication mobile, en raison notamment de phénomènes addictifs, de troubles des rythmes circadiens, etc. ;
· que, dans l’attente, les parents incitent les enfants à un usage raisonné du téléphone mobile, par exemple en évitant les communications nocturnes, en limitant la fréquence et la durée des appels, etc. ;
· et, de façon plus générale, de dissuader l’usage par les enfants de l’ensemble des dispositifs de communication mobile, par exemple en étendant à ces dispositifs les dispositions réglementaires interdisant la publicité ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans.
Dans sa politique du tout numérique à l’École, l’Éducation Nationale privilégie les technologies sans fil. Elle doit revoir sa copie et se libérer des influences directes ou indirectes des différents opérateurs et entreprises multinationales. Elle doit en finir avec sa politique néolibérale et prendre soin de le jeunesse, tant du point de vue de la santé physique que de sa santé psycho-sociale. Puisse l’avis de l’Anses et son retentissement médiatique (les media ont bien abordé la question) provoqué un sursaut de l’institution et de sa hiérarchie. Madame la Ministre, posez vous les bonnes questions.
Le Gypaète barbu
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