Faut-il craindre une ubérisation de la conservation du patrimoine ?

Entendu avec surprise ce 15 mars sur France culture. On pouvait imaginer qu’en France le patrimoine jouissait d’un certain intérêt. Il existe même un Institut National du Patrimoine qui forme à très haut niveau des conservateurs et restaurateurs de ce patrimoine. Quelle n’est pas la surprise alors d’entendre, dans ce Journal de la culture (extraits ci-dessous), combien ce métier de restaurateur est complètement dénié par le Ministère de la culture, à tel point que la formation n’apparait même pas dans le la loi Création architecture et patrimoine ; et qu’une profession correspondant à un niveau d’étude théoriquement de bac+5 mais souvent bac+8 soit assimilée aux métiers d’art, caractérisés eux par des formations du niveau bac professionnel ou bac +2. Selon les nouvelles règles n’importe qui, toutes ces formations confondues, pourra répondre à des appels d’offre publics (par les musées nationaux par exemple) dans ce domaine de la restauration.

Certes le métier de restaurateur est mal connu, à part quelques rares émissions télévisées, et encore, pas en ce qui concerne toutes les disciplines et pas sur les chaînes les plus populistes !!! Les restaurateurs en sont en partie eux-mêmes responsables : on ne les entend guère ! Est-ce une raison pour qu’un gouvernement qui se dit socialiste, dont on pourrait penser qu’il se préoccupe de culture donc de patrimoine, en fasse si peu cas ? Et qu’au lieu de promouvoir un statut de restaurateur qui soit à l’égal de celui de l’ensemble des autres pays, s’attaque justement au déclassement de la profession ? Le ministère de la culture deviendrait ainsi un ministère de l’aculture ? Au nom du libéralisme, n’importe qui peut faire n’importe quoi. On retrouve d’ailleurs là le franc déni des savoirs et des compétences qui touche également d’autres secteurs, y compris celui de la formation, y compris publique. Ubérisation, quand tu nous tiens !

La restauration ne se réduit pas à un simple bricolage. Elle demande un haut niveau à la fois en histoire de l’art et en sciences (physique et chimie), et une grande technicité manuelle. Est-ce d’ailleurs ce côté manuel qui en France, et en France seulement, est à l’origine d’une certaine forme de mépris ? Alors même que l’entrée en formation à l’Institut National du Patrimoine se fait sur un concours, théoriquement de niveau bac mais en réalité passé après 2,3 voire 4 ans après ce bac, pour 5 années d’études dans cet institut ?

Comparer la situation française à celle d’autres pays et imaginer ce qu’il en sera en matière de dégradation du patrimoine ne peut que rendre triste et faire se poser des questions quant à la signification politique et sociale d’un tel abandon.

Une pétition est en ligne, à signer ici, pour contrer ce danger

“ALERTE !

LES RESTAURATEURS DU PATRIMOINE SONT EN DANGER 

LES OEUVRES D’ART SONT EN DANGER

En France, la profession de restaurateur du patrimoine est en grande souffrance. Au bord du gouffre. De plus en plus nombreux sont ceux qui abandonnent le métier, les commandes publiques se raréfient, les revenus sont en chute libre. 40 ans après la création des formations supérieures, très exigeantes, voulues par l’Etat, les professionnels de la conservation-restauration n’ont toujours pas de titre protégé, ni de fonctions permanentes dans les institutions publiques sauf de rares exceptions, les marchés publics ignorent la spécificité de leurs prestations, les dimensions scientifique et intellectuelle du métier continuent à être méconnues. Deux rapports très complets établis en 2003 et 2006 sur la profession sont restés lettre morte. Les avis et recommandations des organisations professionnelles française et européenne sont ignorés. Aujourd’hui, une note interne du ministère de la culture du 22 février 2016 appelle à “un plan d’action indispensable à la survie” de la profession. Sans les professionnels de la conservation-restauration, il n’y aura plus d’expositions, plus de partage, plus de transmission des œuvres de l’esprit, ni aujourd’hui ni demain. Le patrimoine et sa démocratisation sont menacés…” (lire la suite sur le site de la pétition)

Le Gypaète barbu

Pour lire et relire les anciennes chroniques :
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