Pandora

et son Sacherpiano

Pandora couv

Dans Pandora, Pierre-Jean Rémy nous entraîne de manière absolument irrésistible dans ce que la musique a de plus profond et de plus mystérieux, nous faisant parcourir toutes les émotions, depuis les émotions adolescentes de Frédéric, amoureux d’Anne dont la voix, adulte, dépassera tout en  pureté et en beauté, jusqu’aux tréfonds des ressentis de chacun des personnages, la mort en toile de fond. Il nous entraîne ainsi dans tous les étages de l’opéra Garnier, jusque dans ses mystérieuses et inquiétantes profondeurs, là où régnait le fantôme et où toutes ces émotions atteignent leur paroxysme. Mais, dans le même temps, l’ultime beauté est toujours présente, celle de la musique qui, impérativement, arrache les larmes, mêlant dans le récit personnages et évocation de compositeurs et de cantatrices bien réelles, dont Lotte Lehmann par exemple :

Lotte Lehmann Schumann-Frauenliebe und Leben

Commencer la lecture de ce roman, au delà du suspense toujours aigu malgré les multiples indications dont l’histoire est semée, c’est entrer, sans plus vouloir en sortir, dans le rêve, dans la musique, dans la Beauté, y compris dans ce qu’elle a de plus dangereux. C’est donc aussi entrer dans soi-même.

     « De tous les gamins du pays, j’étais le plus proche d’elle. La maison où je passais mes vacances avec mes parents était à un jet de pierre de celle d’Anne et, surtout, mon père avait été l’ami d’enfance de Madame Créon. Tous les matins, je prenais ma bicyclette et j’allais la retrouver.
     —  Tu ne m’attraperas pas !
Juchée au sommet d’un grand olivier tordu par les ans,
Anne me bombardait de noyaux.
—  Chiche que tu ne m’attrapes pas !
Je la regardais à contre-jour : à califourchon sur une
branche, on aurait dit un elfe diaboliquement mutin qui me défiait. Et j’avais beau tenter de grimper à mon tour sur le tronc noueux, Anne montait toujours plus haut, plus loin. Au moment précis où j’allais enfin la saisir — « Puisque je te dis que tu ne peux pas m’attraper! » — elle sautait vertigineusement dans le vide. Le temps que je la rejoigne en bas, dans la terre dure et sèche, les autres l’avaient déjà entourée et je la voyais partir bras dessus, bras dessous avec Juste ou Gaston, l’un des gamins du village. La rage au cœur.
J’avais pourtant la certitude intime qu’Anne me préférait
aux autres. J’étais seul à partager avec elle ces longues après-midi du jeudi et du dimanche où sa mère l’obligeait à jouer du piano.
Somptueusement douée, elle déchiffrait et jouait à la
première lecture tout Schumann ou tout Schubert et me répétait à l’infini les morceaux que j’aimais : les Kreisleriana, les Impromptus. Oh! ce deuxième impromptu de l’opus 90 qui devenait, sous ses doigts, une invitation à tous les voyages, les paysages ! — ou la Wanderer Fantaisie.
—  Je déteste jouer du piano ! Je déteste la musique !
Ce  qui   ne  l’empêchait  pas  d’atteindre pour  moi  au
sublime en effleurant seulement de ses mains de petite fille les touches d’ébène et d’ivoire. Autour de nous, dans le grand salon Directoire de cette vaste bastide qui était à mes yeux le lieu privilégié où se rencontraient l’amour naissant et la musique en fleur, régnait un silence rempli seulement des échos qu’Anne donnait à sa vision de Schubert ou de Schumann. »

  (Katia Braunschweiler, piano)

     « —  Ce que cette musique est bête et mièvre !
     Lorsque trois heures très exactement s’étaient écoulées — le temps qu’elle devait consacrer chaque jour au piano —, elle refermait brusquement le couvercle de l’instrument et m’entraînait dans la campagne.
—  Viens ! On va retrouver les copains !
Notre solitude à deux était terminée, mais je gardais de
ces instants un souvenir ébloui qui illuminait le reste de nos gamineries — soudain bêtement insipides — jusqu’au soir.


… —
Il y a des années que le thème de Pandora me hante…, poursuivit Cari lorsque nous nous fûmes levés de table.
Et il me raconta ce que devait être son opéra. Il rêvait de
l’histoire d’une femme qui aurait eu sur les hommes un pouvoir étrange. Voulant leur apporter l’amour, elle ne leur offrait jamais que la mort, mais ils mouraient heureux.
Je me souviens aujourd’hui d’Anna dans six, dans dix
rôles où elle fut toujours plus émouvante que toutes celles que j’y avais entendues avant elle. La mort de sa Traviata était un suicide accepté, la douleur de sa comtesse des Noces de Figaro touchait à l’universel et la joie de son Amina de la Somnambule, de Bellini, était un moment de rayonnante extase. De même, je sais que je n’oublierai jamais les premiers lieder de Schumann qu’elle chanta pour moi seul — car ce n’était que pour moi, n’est-ce pas ? — dans la petite salle du conservatoire de la rue de Madrid. Mais ce que j’entendis ce soir-là, les notes sans paroles simplement lancées dans le vide d’une Pandora qu’elle et Cari parais­saient littéralement improviser, dépassa en beauté totale tout ce qu’Anna avait fait jusque-là de totalement beau. »

 

Sachertorte en évocation d’un clavier de piano

Pandora 2

Le sachertorte aux framboises proposé ici est décoré en ganache à glacer de chocolat blanc et d’orangettes pour rappeler les touches noires d’un clavier de piano. Il s’agit juste d’un très modeste clin d’œil aux personnages, celui d’Anne au piano et celui de Carl dans l’évocation de la Vienne où il a vécu  pour étudier avec « le dernier survivant d’une génération qui avait engendré les Brahms et les Mahler »

Ingrédients

Biscuit Sacher : 50g de chocolat noir ; 110g de beurre ; 100g de sucre semoule ; 20g de cacao en poudre ; 4 œufs ; 40 g de farine ; 75g de poudre d’amandes.

Crème chocolat : 100ml de crème ; 50g de chocolat de couverture  noir (chocolat dessert).

Marmelade de framboise : 500g de framboise ; 120g de sucre ; 10g de pectine (on peut utiliser du sucre pectiné du commerce en respectant les proportions données, le pourcentage de pectine étant indiqué sur les sachets).

Ganache à glacer chocolat blanc : 100g de chocolat de couverture blanc ; 10 cl de crème liquide

Préparation

Biscuit Sacher

Travailler le beurre en pommade (éventuellement au bain-marie. Fouetter 1 œuf et 3 jaunes (réserver les 3 blancs) avec 80g de sucre jusqu’à blanchiment. Faire fondre le chocolat au bain-marie (pas plus qu’à 50°C) et mélanger le beurre, le mélange jaunes-sucre et le cacao. Monter les 3 blancs en neige en ajoutant 20g de sucre à la fin. Mélanger délicatement les blancs à l’appareil précédent. Ajouter la farine et la poudre d’amande. Cuire en moule rectangulaire à 180°C pendant 35mn.

Marmelade de framboise

Cuire les framboises et le sucre à feu doux jusqu’à obtention d’une compote. Ajouter la pectine. Amener à ébullition. Laisser refroidir et réserver. 5En cas d’utilisation de sucre pectiné du commerce, suivre les indications données sur le paquet.)

Crème chocolat

Faire bouillir la crème. L’ajouter en deux fois au chocolat préalablement haché au couteau. Réserver.

Ganache à glacer chocolat blanc : procéder comme pour la crème chocolat.

Montage

Découper le biscuit Sacher en deux épaisseurs égales.

Recouvrir la moitié inférieure d’une couche de marmelade de framboise (attention à ce qu’elle soit bien prise et ne coule pas).

Déposer le deuxième épaisseur de biscuit Sacher. Recouvrir également d’une deuxième couche de marmelade de framboise. Laisser éventuellement bien prendre au froid.

Recouvrir de crème chocolat (attention à ce qu’elle soit suffisamment prise pour s’étaler sans couler). Laisser bien prendre au froid.

Recouvrir de ganache à glacer chocolat blanc. A l’aide d’un aiguille tracer quelques traits pour figurer l’espace entre les touches. Laisser prendre au froid.

Egaliser éventuellement au couteau les 4 bords du gâteau de façon à ôter toute trace de chocolat blanc et disposer les orangettes pour figurer les touches noires du clavier.

Pierre-Marie Théveniaud

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Protected by WP Anti Spam