Pourquoi les établissements d’enseignement devraient utiliser le logiciel libre et l’enseigner

Nous publions ci-après un  article repris du site de la Free Software Foundation de Richard Stallman auquel nous reprenons également le titre pour une chronique inhabituelle mais qui s’inscrit dans le droit fil des deux précédentes.
Dans la plupart des établissements, l’informatique ne reste qu’un outil plus qu’élémentaire, dont tout le monde ne se sert d’ailleurs pas, surtout, basée exclusivement sur des logiciels propriétaires (windows, microsoft et autres adobes). Outre que les professeurs manquent cruellement de formation (et d’autant plus avec la suppression des IUFM), il est impossible aux élèves de faire autre chose qu’utiliser les logiciels du commerce. Ils ne connaissent donc qu’eux en bon consommateurs très tôt fidélisés et emprisonnés. Les entreprises fabricant ces logiciels imposent leur loi et leur mode de fonctionnement, bloquant l’acquisition de savoirs et de savoir-faire.
Dans la rubrique du 20 février, « Une chance pour sauver l’école », était souligné le rôle que pouvait jouer le numérique pour sortir l’école du système mortifère dans lequel elle est aujourd’hui enfermée. Le logiciel libre, dans les valeurs qu’il porte, correspond tout à fait à l’idée qu’on peut se faire d’une école libre, intelligente et réellement démocratique. Mais ne nous y trompons pas : il ne faudra certainement pas compter sur l’institution pour prendre des positions en faveur de tels développement, tout concourant actuellement à l’inverse : fabriquer des consommateurs dociles comme cela est de plus en plus souligné.

Le Gypaète barbu

“Les écoles devraient apprendre à leurs élèves à devenir les citoyens d’une société forte, compétente, indépendante et libre.”

Ce sont les raisons principales pour lesquelles universités et écoles de tous niveaux devraient n’utiliser que du logiciel libre.

Partage

Les établissements scolaires doivent enseigner les valeurs du partage en montrant l’exemple. Le logiciel libre aide l’éducation, en permettant le partage des savoirs et des outils :

  • Savoirs. Beaucoup de jeunes élèves ont un don pour la programmation, ils sont fascinés par les ordinateurs et enthousiastes à l’idée d’apprendre comment leurs systèmes marchent. Avec des logiciels privateurs1, cette information est un secret, donc les enseignants ne peuvent d’aucune façon les rendre accessibles à leurs élèves. Mais s’il s’agit de logiciel libre, le professeur peut expliquer les bases, et leur donner le code source pour qu’ils le lisent et apprennent.
  • Outils. Les professeurs peuvent fournir à leurs élèves des copies des programmes qu’ils utilisent en classe, pour qu’ils puissent les utiliser chez eux. Avec le logiciel libre, la copie est non seulement autorisée, mais encouragée.

Responsabilité sociale

L’informatique est devenue une partie essentielle du quotidien. La technologie numérique transforme notre société très rapidement, et les écoles ont une influence sur le futur de la société. Leur mission est de préparer les élèves à jouer leur rôle dans une société numérique libre en leur enseignant les savoir-faire qui leur permettront de prendre facilement le contrôle de leurs propres vies. Le logiciel ne doit pas être aux mains d’un développeur qui prenne des décisions unilatérales que personne d’autre ne puisse modifier. Les établissements d’enseignement ne doivent pas permettent aux entreprises du logiciel privateur d’imposer leur puissance sur le reste de la société et sur son futur.

Indépendance

Les écoles ont une responsabilité éthique : elles doivent enseigner la force, pas la dépendance vis-à-vis d’un seul produit ou de telle ou telle puissante entreprise. De plus, en choisissant d’utiliser le logiciel libre, l’école elle-même gagne en indépendance vis-à-vis de tout intérêt commercial et évite l’enfermement par un fournisseur.

  • Les entreprises du logiciel privateur utilisent écoles et universités comme tremplin pour atteindre les utilisateurs et de là imposer leurs logiciels à la société dans son ensemble. Ils proposent des réductions, voire des copies gratuites de leurs logiciels privateurs aux établissements d’enseignement, de manière que les étudiants apprennent à les utiliser et en deviennent dépendants. Une fois que les étudiants auront leur diplôme, ni eux, ni leurs futurs employeurs ne se verront offrir de copies au rabais. Fondamentalement, ces entreprises font des écoles et des universités des démarcheurs pour amener les gens à une dépendance permanente à vie.
  • Les licences libres n’expirent pas, ce qui veut dire qu’une fois que le logiciel libre est adopté, les établissements conservent leur indépendance vis-à-vis du vendeur. De plus, les licences libres donnent à l’utilisateur le droit, non seulement d’utiliser les logiciels comme ils le souhaitent, de les copier et de les distribuer, mais aussi de les modifier pour les faire répondre à leurs propres besoins. Ainsi, si une institution décide de mettre en œuvre une fonction spécifique dans un logiciel, elle peut demander ce service à n’importe quel développeur, sans avoir à passer par le distributeur initial.

Apprendre

Quand ils choisissent où ils étudieront, de plus en plus d’élèves prennent en compte le fait pour une université d’enseigner ou non l’informatique et le développement logiciel en utilisant le logiciel libre. Le logiciel libre signifie que les élèves sont libres d’étudier la façon dont fonctionnent les programmes, et d’apprendre à les adapter à leurs propres besoins. S’instruire au sujet du logiciel libre aide aussi dans l’étude de la pratique professionnelle et de l’éthique du développement logiciel.

Économies

C’est un avantage évident qui attirera tout de suite de nombreux administrateurs, mais c’est un bénéfice marginal. Le plus important, c’est qu’en étant autorisé à distribuer des copies du programme à faible coût ou gratuitement, les écoles peuvent en fait aider les familles ayant des difficultés financières, promouvant ainsi l’équité et l’égalité d’accès au savoir parmi les élèves.

Qualité

Des solutions libres stables, sûres et facilement installées sont disponibles pour l’éducation dès à présent. De toute façon, l’excellence des performances n’est qu’un bénéfice secondaire, le but ultime étant la liberté pour les usagers de l’informatique.

Note de traduction

  1. Autre traduction de proprietary : privateur.

URL d’origine du document : Free Software Foundation – licence Creative Commons By-Nd. Version du 2 février 2012 – Traduction : Pierrick L’Ébraly
avec commentaires, via http://www.framablog.org/index.php/post/2012/03/06/ecole-logiciel-libre

Richard Stallman, issu d’Harvard et du MIT (Massachusetts Institute of Technology) est le grand programmeur militant du logiciel libre et, surtout, défenseur des valeurs qu’il porte : partage des connaissances, liberté des droits, priorité » de l’éthique sur l’économique. Il développe en 1983 le système GNU, système d’exploitation libre, basé sur la libre circulation des codes source. Quatre points fondamentaux sont affirmés : liberté d’utiliser, d’étudier, de modifier et de redistribuer des versions modifiées.

Dans le manifeste GNU, il explique : « Extraire de l’argent des utilisateurs d’un programme en restreignant leur utilisation du programme est destructif parce que, au bout du compte, cela réduit la quantité de richesse que l’humanité tire du programme. {…} C’est la morale kantienne, ou règle d’or. Puisque je n’aime pas la situation qui résulte d’une rétention générale de l’information, il me revient de considérer comme immoral d’agir ains[i]. »

Le savoir informatique n’est pas comparable à un bien matériel. Il assure une forme de pouvoir absolu grâce à la maîtrise des brevets et des conditions de non divulgation des codes source. Le problème, même s’il est de nature intellectuelle, n’est pas sans rappeler celui que posent, sur le plan éthique, la propriété et le brevetage du vivant, qu’il s’agisse d’OGM, de nanoparticules, de techniques médicales ou de gènes humains.

 

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