Légume du mois / Mars, un coup d’épinards et ça repart ?

Au marché, ce matin 17 mars 2012

Un peu de nutrition

Eh, non ! Popeye avait tout faux. L’apport énergétique des épinards est très faible : 28 Kcal  aux 100 grammes. L’apport en fer n’est certes pas tout à fait négligeable, mais il est très loin de la légende : 2,4 mg  pour 100g comme pour les viandes rouges, mais avec une utilisation digestive qui n’est que de 5%. Ce fer là ne passe donc pas dans le sang, mais se retrouve bel et bien dans les selles, complexé qu’il est par l’acide oxalique contenu dans les feuilles. Ce dernier peut d’ailleurs tout aussi bien diminuer de beaucoup l’absorption du calcium apporté par d’autres aliments, consommés en même temps. Les épinards peuvent aussi contenir beaucoup de nitrates. Pour ces deux raisons il est nécessaire de bien laver les feuilles, dans plusieurs eaux, de les blanchir à l’eau bouillante et de jeter l’eau de blanchiment avant consommation.

Par contre les épinards (cuits) sont riches en carotènes (6 000 pour 100g, c’est-à-dire presque autant que dans la carotte), en acide folique (153 microgrammes) et en fibres alimentaires (3,4 g toujours pour 100g). Leur teneur en vitamine C est loin d’être négligeable, surtout pour un légume cuit. Tout cela en fait donc un produit  très intéressant.

Un peu d’histoire

Si l’on en croit notre grand historien Jean-Louis Flandrin (Histoire de l’alimentation – sous la direction de J-L Flandrin et M. Montanari – Fayard Ed. – 1996), ce légume, persan à l’origine, nous aurait été transmis au VIIèmesiècle par l’intermédiaire des Arabes. Il appartient donc à la culture méditerranéenne. Il aurait d’abord été cultivé dans les potagers des abbayes avant de se répandre au XIIème et XIIIème siècles sur la base de ses vertus nutritionnelles et de la démocratisation des cultures potagères. Cela n’empêchait pas les épinards de se situer dans la catégorie la plus basse des aliments. En effet, et jusqu’au XVIème siècle, tout s’organisait, l’alimentation comme l’ordre social, selon une « grande chaîne de l’être ». L’axe, dans un ordre de noblesse croissant, en était le suivant : objets inanimés – terre – eau – air – feu. Dans la catégorie terre, donc une des plus basses, les épinards étant des feuilles, ils se situaient au milieu. L’alimentation des différentes catégories sociales se devait de se rapporter à cette échelle, la perdrix étant par exemple l’apanage de la noblesse. Les épinards n’ont vraiment connus leur heure de gloire que de nombreux siècles plus tard avec Popeye et sa boîte magique, le fer étant censé lui procurer la force nécessaire, au grand dam de nos petits qui n’étaient pas censés les aimer. Un tout petit passage en deuxième moitié du siècle dernier avec la mode contestable de la consommation d’épinards crus, et puis un certain oubli.

Quelques recettes

Quelle que soit la recette il est nécessaire de bien laver les feuilles dans deux ou trois eaux et de les blanchir 5 mn à l’eau bouillante

Les épinards à l’anglaise

Il s’agit simplement d’épinards blanchis dans l’eau salée et bien égouttés. Ils se servent tels quels en accompagnement de plat principal. Et souvent le meilleur goût réside justement dans la simplicité.

Le subric d’épinards

Le grand Escoffier, dans son guide culinaire, nous donne 9 recettes à base d’épinards, dont celle du subric (Escoffier – Le guide culinaire – Flammarion -1993).

En ces temps de cuisine moléculaire, où le snobisme d’une approche pseudo moderniste par la chimie organique nous fait oublier que la cuisine est une affaire sensuelle qui s’occupe avant tout du corps, citer Escoffier devient un moment plaisant de grande irrévérence.

Les épinards à la crème

Bien sûr, il reste le grand classique des épinards à la crème, qu’il suffit de traiter 10 mn dans une sauteuse avec un peu de beurre, en feuilles ou hachés, après blanchiment (5 mn) et rafraîchissement pour garder la belle couleur verte. La crème fraîche est rajoutée en fin de traitement mais on peut aussi laisser plus de temps pour épaissir un peu le tout.

Feuilles d’épinard farcies

Cette recette nécessite de grandes et larges feuilles. Le rafraîchissement doit suivre immédiatement le blanchiment et celui-ci ne doit pas être trop long pour que les feuilles restent encore suffisamment fermes pour être travaillées. Ces feuilles sont étalées sur le plan de travail ; on dépose au centre un appareil à base de riz (cuit bien sûr !), de crème, de jaune d’œuf et de fines herbes ; on plie et on roule les feuilles d’épinard de façon à faire des cylindres qu’on range dans une sauteuse. Les rouleaux sont ensuite braisés.

Notre recette :
Gnocchis de pomme de terre sur leur lit d’épinards

Ingrédients pour quatre personnes:

Epinards : 150 g par personne
Pour les gnocchis :
Deux pommes de terre assez grosses
Parmesan râpé (30g)
50 g de farine
Un œuf
Coriandre en feuilles, ciboulette, cerfeuil

Préparation des gnocchis

Cuire les pommes de terre à l’eau comme pour une purée ; les écraser et les passer éventuellement au tamis.
Dans un cul de poule mettre cette purée et incorporer le parmesan, la farine, puis l’œuf préalablement battu. Bien travailler la pâte pour qu’elle soit bien homogène.
Séparer en deux bols. Dans l’un rajouter la ciboulette ciselée, dans l’autre la coriandre hachée.
Sur un plan fariné, façonner les gnocchis de façon à ce qu’ils fassent environ 5cm de long.
Les pocher dans un assez grand volume d’eau salée, ou un bouillon léger de volaille ou de légumes (une bonne dizaine de minutes).
Au denier moment, les disposer dans un plat allant au four, ajouter un fond de bouillon léger de légumes (jus d’artichaut par exemple) ou de volaille, recouvrir de quelques petites noisettes de beurre et laisser cuire à 200°C pendant 5 à 10 mn.

Blanchiment des épinards

Blanchir les épinards 5 mn dans l’eau bouillante. Les prélever délicatement avec une écumoire pour ne pas casser les feuilles et les mettre immédiatement à rafraîchir. Bien les égoutter et les laisser sur un papier absorbant. Ils peuvent se consommer froid ou, mieux, encore très légèrement tièdes.

Dressage

Sur une petite assiette, disposer le lit d’épinard en essayant de casser le moins possible les feuilles. Placer au dessus trois gnocchis sur lesquels on pose une touche de cerfeuil. Servir aussitôt.

On peut déguster avec un vin blanc du jura, assemblage de chardonnay et de savagnin.

Pierre-Marie THEVENIAUD

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