La figue est peut-être le fruit le plus symbolique de par sa structure particulière. En effet, ce n’est pas un fruit ! En fait il s’agit d’un capitule creux contenant de centaines de petites fleurs serrées les unes contre les autres, ouvert en son sommet par une petit orifice qui porte les fleurs mâles à son entrée et les fleurs femelles au fond. Les multiples grains de la figue sont donc en fait les fruits résultats de la fécondation des ovaires femelles fécondées.
La symbolique de la figue, comme du figuier, est apparemment multiple mais recouvre en fait une seule large dimension, comme la grenade : à la fois connaissance et initiation, universalité et unicité du savoir, mais aussi fécondité, régénération de la nature et sexualité (voir aussi la recette du Déjeuner sur l’herbe en infra).
Ce n’est que depuis le haut Moyen Âge que la feuille de vigne a remplacé la feuille de figuier comme cache sexe. Et c’est bien des feuilles de figuier qui cachent celui de l’Eve séductrice du linteau au portail de la cathédrale d’Autun.
Les mêmes feuilles que celles de l’arbre où s’est pendu Judas, un figuier dans l’Evangile, et qu’on retrouve dans un chapiteau de la même cathédrale.
L’arbre de la connaissance est donc aussi celui de la mort. Fécondité et mort indissolublement liés comme dans la pensée animiste, la terre nourricière étant ainsi fécondée dans un cycle régénérateur.
Arbre et fruit du savoir, de la connaissance, de la fertilité et à symbolique sexuelle. Lorsque les prêtres athéniens, chargés de cette mission, annonçaient la maturité des figues, symbole de la régénération de la terre, les réjouissances associées s’accompagnaient d’accouplements rituels. Par ailleurs la forme externe des figues évoque les testicules quand l’apparence interne évoque le sexe féminin ; à tel point que les noms permettent tous les jeux de mots (fica et figa par exemple pour le sexe féminin) ou impliquent des interdits très pudiques de vocabulaire dans certaines civilisations (les figues étant trivialement nommés par leur homologues morphologiques masculin). Latex blanc du figuier et du pédoncule de la figue, longtemps symbolisant à la fois lait et sperme, féminin et masculin, c’est donc bien, en fin de compte, une symbolique de l’énergie vitale universelle qui est portée par l’arbre et son fruit.
Mais, au delà de cette forte symbolique, les figues ont aussi toujours représenté un aliment nutritionnellement important. On comptait ainsi 300 chapelets de figues dans le repas d’un pharaon de la XIXe dynastie ; du pharaon et de sa suite ! (Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari – Histoire de l’alimentation – Fayard Ed. – 1996).
L’intérêt nutritionnel
L’intérêt de ces fruits réside surtout dans les apports minéraux (potassium, calcium, phosphore, magnésium…) et en vitamines (notamment C). Elles sont connues pour leur apport en calcium (54 mg/100g en frais, 200mg/100g pour la figue sèche). Attention cependant aux apports en potassium en cas d’insuffisance rénale.
L’abondance des fibres ainsi que la présence de polyphénols ou d’anthocyanes (pigments violets antioxydants) en font aussi un fruit intéressant, les variétés rouge vif et violettes en contenant davantage .
Les recettes
En dessert : le Déjeuner sur l’herbe de Manet
Au premier degré, le Déjeuner sur l’herbe pourrait évoquer des recettes de pique-nique. Pourtant, les références qu’il contient et sa sensualité m’orientent plutôt vers un dessert à l’assiette qui rappelle à la fois la symbolique (une figue ouverte) et la structure dans la disposition des éléments sur l’assiette (la figue sur sa nappe de jus au miel et les dents de loup en regard) : des figues rôties au miel, accompagnées d’une glace aux épices sur biscuit à la cardamome.
Glace aux épices : préparer 500 ml de crème anglaise parfumée avec quelques graines d’anis, un bâton de cannelle, un tout petit clou de girofle et une demi gousse de vanille. Laisser refroidir. Rajouter 20 cl de crème fouettée ferme (utiliser une vraie crème liquide entière). Mettre en sorbetière.
Dents de loup : pour 4 personnes, prévoir un œuf, 65g de sucre et 50g de farine. Battre ensemble le jaune et le sucre avec une cuillère à café de fleur d’oranger et des graines de cardamome. Rajouter la farine en pluie. Mélanger jusqu’à obtenir une pâte homogène. Battre le blanc très ferme (en bec d’oiseau) et le rajouter très délicatement à la pâte. Disposer sur plaque 4 cercles de 5 cm de diamètre.. Cuire au four à 200°C environ une dizaine de minutes. Le reste de la pâte pourra être cuite sur une plaque à dents de loup.
Préparation finale : au dernier moment, couper les figues en deux. Les rôtir dans une poêle avec beurre et miel de châtaigner. Lorsqu’elles sont prêtes, dresser les assiettes de la manière suivante : napper l’assiette du jus de cuisson des figues éventuellement détendu à l’eau ; en haut à gauche disposer une figue, sommet découpé en quatre, partie charnue au-dessus; poser un disque de biscuit sur lequel on dresse une boule de glace ; dresser à côté deux dents de loup ; sur la partie libre parsemer un peu de basilic ciselé pour rappeler le vert de l’herbe.
La figue fait partie également de ces fruits qui accompagnent très bien un plat central.
Cuisses de lapin à la sauge, au romarin et aux figues
Dans une cocotte faire revenir les cuisses de lapin (une par personne) dans un fond d’huile d’olive. Singer (saupoudrer de farine en retournant les pièces). Lorsque les cuisses sont bien dorées les retirer. Faire revenir deux gousses d’ail entières mais légèrement écrasées. Déglacer avec un verre de vin blanc du type aligoté. Remettre les cuisses de lapin. Eventuellement ajouter vin ou eau jusqu’à moitié. Saler et poivrer. Ajouter une branche de romarin et quelques feuilles de sauge. Laisser cuire 30 à 40 mn à feu doux pour obtenir une viande moelleuse. Ajouter les figues (deux par personne et découpées en à leur sommet) 10 mn avant la fin de la cuisson.
Pierre-Marie Théveniaud