Pour ne pas voter idiot (3) / Education et présidentielle : qu’y a-t-il de neuf docteur ?

in http://www.vousnousils.fr/2012/01/11/les-medecins-des-profs-disent-merci-a-sarkozy-519653

 

Grande proposition de réforme de l’Education Nationale pour le prochain quinquennat : permis de conduire gratuit pour tous au lycée !!!

Tout le monde connaît le niveau actuel de déliquescence de notre système éducatif et sa production croissante des inégalités. Mais d’analyse de fond, pratiquement point. Des propositions sortant de l’omerta et à la hauteur des réels enjeux ? Il n’est guère possible de trouver dans les programmes une vision globale susceptible de porter une réforme de fond enthousiasmante. L’avenir ne pourrait-il  s’éclaircir que d’une vraie mobilisation (révolution) de terrain ?   Mais comment serait-elle possible dans ce climat délétère dans lequel il devient de plus en plus difficile de recruter, où le burn-out (in french l’épuisement) concerne les enseignants plus que tout autre métier (17% contre 11% dans les autres professions, étude consultable ici), où penser est une grande faute, dire l’inadmissible vraie  transgression,  où intellectuel est devenu un vrai gros mot, et où politiques  mais aussi enseignants, élèves et parents sont, pour des raisons diverses et parfois très consciemment, complices du système.

Il est certain que l’enseignement tel qu’il était praticable il y a encore quelques années ne l’est plus aujourd’hui dans la plupart des cas. Dans un certain nombre d’établissements, seuls 4 ou 5 élèves par classe, parfois moins, comprennent ce que dit leur professeur ou ce qui est écrit dans leur manuel. Toutes les solutions pratiquées dans d’autres pays  ne sont pas transposables. Mais toute résistance, et résistance il doit y avoir face à la destruction actuelle du système, ne peut se transcender que dans l’action. Les solutions ne viendront que de l’utopie, c’est-à-dire de ce qui sera possible demain, ce qui reste à inventer.  Il est en tout cas vain de vouloir éluder toute analyse des éléments internes, et surtout externes, qui ont amené l’école là où elle en est aujourd’hui.

Et il serait légitime d’attendre des candidats à la présidentielle qu’ils ne se contentent pas de cacher la poussière sous les tapis !

Structure de l’école

L’autonomie des établissements est à l’ordre du jour.  « Free schools»  britanniques,  « charter schools » américaines, le modèle  anglo-saxon fait rêver certains. Le système Eclair pourrait n’en être qu’un avatar et la privatisation, qui en est la ligne bleue des Vosges, en reste un grand risque. Poser les problèmes en termes d’autonomie des établissements ne résoudra rien. Par contre, repenser l’organisation générale du système sur la base d’une école obligatoire jusqu’à 15 ans, réunissant donc école et collège, comme dans le système Finlandais et comme le propose d’une manière certes un peu différente  P. Meirieu, serait une piste à laquelle sérieusement réfléchir. A condition bien sûr que les acquis fondamentaux soient validés sérieusement  en fin de cursus, ce qui n’est absolument pas le cas actuellement, 80% d’une classe d’âge au bac obligeant. Toute souplesse pourrait être mise en œuvre pour une telle validation (unités de valeurs indépendantes permettant des rythmes différents par exemple). Mais éviter que de trop nombreux  élèves passent entre 3 et 5 ans, non motivés et sans les acquis nécessaires  pour pouvoir comprendre le minimum (capacités de lecture notamment), pour un bac qui n’a plus aucun sens,  me parait une priorité, étant donné la souffrance que cela procure à tous. Une vraie valorisation des filières professionnelles et techniques permettrait une entrée au lycée sur la base d’une vraie sélection, basée sur des acquis mais aussi une vraie motivation, notamment pour des apprentissages théoriques en ce qui concerne l’enseignement technologique ou général. Si tant est que l’enseignement technologique puisse survivre, ce qui est le non-dit le plus frappant de l’institution. Il est intéressant de lire à ce propos l’article paru dans Courrier International « Mais comment font-ils ces Finlandais ?» de Dagens Nyheter de Stockholm

Fondamentaux et programmes

Les fondamentaux ! Tout le monde en parle ! Mais la réalité dépasse la fiction ! Il arrive maintenant que des classes entières de lycée soient incapables de diviser un nombre par 10 et confondent multiplication et addition (8×5=13 !). Certaines facultés imposent un rattrapage de français avant de suivre les cours de première année et il est nécessaire de passer du temps à apprendre à lire et à compter dans certaines formations post-bac. Or les programmes actuels vont en majorité dans le sens du marketing pédagogique, voire du marketing tout court,  et de la destruction des savoirs, surtout dans les sections dont on sait pertinemment qu’elles ne sont pas appelées à former des élites. La personnalisation de l’enseignement, censée être la solution,  est la grande tarte à la crème qui permet d’éviter soigneusement que les vraies questions ne soient posées. L’accompagnement soit disant personnalisé, donné en lycée à des groupes de 15 à 20 sur des séquences de quelques heures hebdomadaires et censé rattraper  ce qui n’a pas été acquis à l’école et au collège ne résoudra certes pas le problème. Le césar de la langue de bois, ou de la clarté si on sait lire, est attribué à … Luc Chatel, actuel ministre de l’  « Éducation Nationale » et porteur apparent d’un projet quinquennal  :

« Notre vision à nous est celle d’une école républicaine capable d’offrir une solution à chaque élève à la sortie, de faire du sur-mesure, de personnaliser la pédagogie, de rendre les établissements plus autonomes, de responsabiliser les enseignants, de restaurer leur autorité… Passer d’une école pour tous à une école pour chacun. Il faut arrêter de plaquer un programme et une pédagogie sur une classe entière. C’est cela l’échec du système éducatif, qui explique pourquoi tant d’élèves le quittent sans diplômes. On n’enseigne pas de la même façon lorsque que l’on a 10% d’une classe d’âge dans la classe comme dans les années 50, et 70% comme aujourd’hui. » Luc Chatel, Ministre de l’Education Nationale pour le projet du candidat Sarkosy dans Libération.

On ne peut pas mieux exprimer l’institutionnalisation d’un enseignement à plusieurs vitesses si on se rappelle que, dans le programme ECLAIR, liberté pédagogique est donnée aux établissements. A chacun son école ! Dieu reconnaîtra les siens ! Il suffit de jeter un coup d’œil sur le classement des lycées pour en découvrir la réalité cachée ! Si la notion d’école démocratique, voire la notion de démocratie elle-même, avait encore besoin d’être achevée, elle aurait sans doute là son coup de grâce. Sur ECLAIR, voir ici

Un témoignage parmi beaucoup d’autres d’un enseignant en lycée professionnel cité par MediaPart

«Jusque-là quand on accueillait les secondes on faisait de la remédiation. C’est un public qui a besoin qu’on leur redonne confiance. Nos élèves sont souvent très angoissés. Notre première mission c’était de refaire du français, de leur apprendre à s’exprimer correctement. Cela nous prenait trois à six mois. On n’a plus ce temps là aujourd’hui. On leur demande d’aller tout en haut de l’échelle mais on a retiré des barreaux!» (souligné par moi)

Les nouvelles technologies nous offrent une chance inespérée de sauver l’intelligence. L’e-école doit permettre de mettre fin à sa marchandisation. Le numérique doit être au service de l’école et non l’école au service du numérique et des industries scolaires. (La question a été abordée par Vincent Peillon dans sa présentation de l’e-école  à l’occasion du colloque   « Le numérique, moteur du changement » organisé par l’Institut Edgar Quinet au Sénat ; il serait bien qu’il en sorte un débat moins confidentiel !) Voir nos précédents articles et notamment Une chance pour sauver l’école

L’organisation institutionnelle de la toute puissance des élèves.

Cette question n’est jamais abordée, sauf sous l’angle d’une pseudo-restauration de l’autorité sur fond d’accusation plus qu’archaïque d’un mai 1968 appartenant déjà pourtant à l’antiquité. Cette question de l’autorité chère à la droite politique  n’est là que pour cacher le vrai mal. Le sentiment de toute puissance infantile va à l’encontre totale du développement psychique. Il ne peut se résoudre que dans la confrontation au réel, notamment à celle posée là par l’adulte. Et une telle confrontation ne se fait pas nécessairement dans la violence. Mais l’angoisse générée par la toute puissance en est un grand promoteur. Or, et c’est là un fait de grande gravité, toute l’institution va dans le renforcement de cette toute puissance. Actuellement, sauf violence physique (et encore !) l’élève est pratiquement toujours soutenu contre l’enseignant. Beaucoup l’expriment d’ailleurs  dans leurs reproches à la hiérarchie en interne ou sur la toile. Et il n’est certes pas interdit de penser là que les chefs d’établissements ont reçu des consignes en conséquence. Le doigt sur la couture du pantalon ?

L’élève a d’autant moins de limites que, du point de vue intellectuel non plus, il ne rencontre pas d’obstacles,  n’ayant souvent pas à faire preuve d’acquis, même de base (lecture, calcul, connaissances …), pour poursuivre des études qui pourtant les nécessitent, notamment en lycée. L’incompréhension des discours qui en résulte face à des programmes déstructurés et incompréhensibles par eux-mêmes renforcent encore souffrance et violence.

Dans un contexte général de destruction de la différence des générations et d’attaque systématique du transgénérationnel il est alors absolument impossible à la plupart des élèves d’accepter une quelconque transmission, ce que certains expriment très clairement,  et ce d’autant plus qu’ils souffrent de ce qu’il perçoivent comme une incapacité à percer le plafond de verre.

Quel candidat aurait l’analyse et le cran pour aborder ces problèmes qui remettent en cause fondamentalement notre type de société financière et marchande ? Il vaut mieux, électoralement parlant, assurer verbalement qu’il faut rétablir soit l’autorité, soit le dialogue !!!

La formation des enseignants

La formation des enseignants est la partie la plus sacrifiée par l’actuel gouvernement qui n’a pas hésité à faire passer en force avant l’élection présidentielle un texte retoqué par le Conseil d’Etat et ce malgré un très sévère rapport de la Cour des Comptes sur la masterisation. En fait, la privatisation de la formation des enseignants est déjà une réalité, depuis quelques années. Il suffit pour le savoir de chercher sur internet les sites de préparation aux concours de professeurs. Certains proposent même des semaines de coaching aux débutants ! Ce qui n’est pas toujours dit, c’est qu’y participent et l’organisent des cadres de l’Education Nationale qui trouvent là l’occasion d’une rémunération horaire de bien plus du double de celle analysée ci-dessous.

L’exemple Finlandais peut donner là encore à penser  et fait rêver tout enseignant français qui peut lire (article de Courrier International cité plus haut): « Lorsque, frais émoulus de leur formation, les enseignants finlandais commencent à travailler, les élèves et les parents d’élèves les savent compétents et reconnus comme tels. Qui chercherait des noises au champion du monde ? Ce qui, à son tour, incite des personnes de bon niveau à s’orienter vers le milieu d’enseignant. »  Or en France, actuellement, un nombre d’élèves loin d’être négligeable s’étonne que leurs professeurs ont fait quelques années d’étude supérieure ! Quant aux concours, ils ont surtout eu pour vocation de vérifier l’adéquation du discours du candidat au discours officiel, même si celui-ci, dans certaines rares disciplines, pouvait aller jusqu’à être faux.

Supprimer le IUFM était une action purement idéologique. Beaucoup, beaucoup était à redire dans la formation des enseignants, notamment quant aux contenus dans certaines disciplines. Mais si beaucoup est à redire, c’est qu’il ya beaucoup aussi à dire ! Rétablir une vraie formation, exigeante,  est une impérieuse nécessité.

Il serait bien d’entendre les candidats à l’élection présidentielle prendre de réelles positions de fond sur le sujet.

Le grand mensonge : travailler plus pour gagner plus pour une classe déjà largement privilégiée

C’est dans ce domaine que l’art de la démagogie et la manipulation s’exprime le plus. Cela sous-entend que les enseignants ne travaillent que 18 heures par semaine (pour un certifié). Certains vont même jusqu’à entendre qu’ils ne travaillent que 18 heures dans le mois ! Pari réussi pour l’humiliation et la dévalorisation de ces personnels. De 18 à 25 heures=7heures de plus! De 1700 euros de base de salaires approximativement 25% en plus=420 euros 7 heures sups = 420 euros =60 euros de l’heure et défiscalisées Les profs savent compter et l’enseignent, à l’élève de le retenir, ce qui est le cas présent! » C’est là le commentaire suite à un article qu’on peut trouver sur le site de l’Express. Or sur un mois, cela fait quand même entre 32 et 36 heures, ce qui ramène la rémunération horaire à un tarif horaire allant de 11€50  à 13€, la lune quoi !!! Ce qui n’est finalement pas très loin de la rémunération horaire statutaire actuelle qui est de 14,75€, sur la base d’un temps de travail annualisé correspondant au statut de 1950. A travailler 8 heures de plus par semaine, un enseignant en viendrait donc à gagner 15cts de l’heure en moins !!! Travailler plus pour gagner plus !!! Et ils se plaignent !!! Et on se demande pourquoi, pour ce prix là, beaucoup, à bac + 5 ou plus, n’acceptent pas un travail tel qui a pu être souvent décrit,  ne serait-ce que dans « Entre les murs » !!!

Le Gypaète barbu

 

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