Empêcher la privatisation du domaine public

Nous relayons ici un appel lancé par Philippe Aigrain concernant la menace qui pèse sur notre patrimoine menacé de privatisation par la numérisation.

« Dans un communiqué diffusé par le ministère de la Culture, Louis Gallois (Commissaire général à l’investissement) et Bruno Racine (président de la Bibliothèque nationale de France) annoncent la signature de deux nouveaux partenariats public‐privé en matière de numérisation du patrimoine physique détenu par la bibliothèque. Ces accords se caractérisent par une privatisation (droits d’exploitation commerciale exclusive pour 10 ans) d’un patrimoine appartenant pour tout (les livres anciens) ou partie (les enregistrements sonores 78 et 33 tous) au domaine public. Ironiquement, cette annonce s’effectue alors que dans ses vœux aux personnels de la culture, la ministre prononçait un discours dans lequel elle a répété que la culture ce sont les biens communs, c’est le bien commun de tous. Elle n’a sans doute pas fait le rapport».

Lire la suite sur le blog de Philippe Aigrain

Postscriptum. Voir aussi le communiqué commun de l’association COMMUNIA, l’Open Knowledge Foundation France, La Quadrature du Net, Framasoft et SavoirsCom1  ainsi que le Manifeste pour le domaine public qui définit le sens et les principes de protection du domaine public.

 

 

L’eldorado malien

Mansa Musa, empereur du Mali au 14ème siècle, tel qu'il est représenté dans l'Atlas catalan,une mappemonde de la même époque

 On connaît cette curieuse propension à classer les riches et les célébrités. Un classement qui permet de savoir – si l’on peut parler de savoir – qui de Bill Gates ou de Waren Buffet a dépassé l’autre de quelques milliards.
Mais à côté du plus riche de l’année, il y a le plus riche de tous les temps. Celui qui les évince tous est en effet Musa 1er du Mali appelé aussi Mansa Musa.

« Cet homme né en 1280, qui régnait sur les actuels Ghana, et Mali, était à la tête d’une fortune estimée à 400 milliards de dollars à sa mort en 1337. D’où provenait une telle somme ? De la production considérable de sel et d’or qui représentait d’ailleurs plus de la moitié des réserves mondiales. Avec tout cet argent, qui sera dilapidé après sa mort par ses héritiers qui n’arriveront pas à empêcher des guerres civiles et repousser les envahisseurs, Mansa Musa a construit d’immenses mosquées qui existent encore aujourd’hui, près de 700 ans après sa mort”.
Source

Le sous-sol malien est toujours riche :

« Depuis les années 1990, les activités d’exploration et d’exploitation minière se multiplient et s’intensifient au Mali. Le pays attise les convoitises des grosses compagnies indépendantes, des entreprises multinationales et des puissances régionales et mondiales en raison de son fabuleux potentiel (bien documenté au cours des dernières décennies) en ressources minières et en hydrocarbures de grande qualité : l’or, la bauxite, l’uranium, le cuivre, le plomb, le zinc, le vanadium, le marbre, le calcaire, le phosphate, le fer, manganèse, le calcium, le gypse, l’étain, la platine, le lithium, le lignite, les sables de verrerie, la terre rare, le kaolin, le grenat, la calcédoine, la préhenite, le diamant, le pétrole, le gaz, etc. » , notait Many Camara chargé des relations internationales pour l’initiative citoyenne ARACF – Association des Ressortissants et Amis de la Commune de Faléa dans un article de novembre 2009.

Le village de Faléa compte 21 hameaux se trouve au sud-ouest du Mali proche de la frontière vers le Guinée et le Sénégal. Cette partie de l’Afrique de l’Ouest est connue aussi pour être le château d’eau – la région des sources qui sont à l’origine des grands fleuve comme le NIGER et le SENEGAL. Une contamination des eaux de cette région peut avoir des conséquences inconcevables. D’où cette initiative citoyenne qui milite contre l’ouverture d’une mine d’Uranium dans la région et qui avait, en 2011,  reçu la visite de Mmes Eva Joly et Michèle Rivasi.

Car, ajoutait Many Camara, dans la montée en puissance de l’exploration et de l’exploitation des ressources naturelles, l’uranium et la bauxite occupent désormais une place de choix.

« Le plus important potentiel d’uranium se trouve dans la Commune rurale de Faléa, située à l’Ouest du Mali, avec une estimation de 5000 tonnes sur un bassin Mali-Sénégal-Nord Guinée couvrant 150km2. Dans la région de Gao, au nord-est du Mali un gisement estimé à plus de 200 tonnes a été également découvert à Samit par la Bayswater Uranium Corporation qui a vendu sa licence portant sur1000 kilomètres carrés à la Cascade Resources Ltd. En outre, à Kidal, dans l’Adrar des Iforas, la compagnie minière australienne Uranium Limited (également présente au nord du Niger), a identifié un important gisement pour un investissement de 610 000 euros. L’exploitation couvrira une superficie de 19,930 km2. ».

Ces ressources ne sont certes pas encore en exploitation. André Bourgeot, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Afrique saharo-sahélienne, précisait dans un chat du journal Le Monde,  qu’il y avait parmi les enjeux géostratégiques de l’actuelle intervention française au Mali,

«les enjeux sur les ressources extractives, à savoir notamment le pétrole et le gaz sur le site de Taoudenni qui se trouve à cheval sur trois pays, Mauritanie, Mali et Algérie. Ensuite, l’uranium puisqu’il en a été découvert dans l’Adar des Iforas. Mais ces trois ressources extractives ne sont pas encore en état d’exploitation. En revanche, le Mali est le troisième producteur d’or sur le continent africain. Ce sont là les enjeux géostragégiques ».

 Heureusement que « nous n’avons pas d’intérêt dans la région » (François Hollande).

 

 

Prochain rendez-vous à Fessenheim

Même si le mot résistance ne nous paraît pas approprié car ce dont il s'agit ici c'est de commencer à inventer un monde différent, le wagges sera de tout cœur avec eux.

« La censure du Conseil Constitutionnel sanctionne ainsi moins une mesure qu’une politique de faux-semblants et d’amateurisme »

J’aime bien cette idée de Jacques Sapir à propos de la décision du Conseil constitutionnel sur l’imposition à 75 % des plus hauts revenus qu’il interprète comme la sanction d’une volonté peu affirmée et claire ayant présidé à l’élaboration de la proposition de loi. Une taxation, dont on se plaisait en outre à répéter et souligner du côté du gouvernement le caractère « provisoire ». La taxation des plus aisés est provisoire, celles des moins aisés, elle, est durable. Et puis les promesses ne s’usent que si l’on s’en sert. La preuve d’ailleurs, celle dont il est question resservira pour 2014.
J’aime bien l’idée pour sa portée générale. Au-delà de l’économie et du social, on peut en effet craindre aussi les atermoiements ou la confusion dans le domaine de la transition énergétique et bien sûr en ce qui concerne la fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim où, contrairement à ce qu’il pourrait paraître, le temps est compté si l’on veut qu’elle soit effective au terme du quinquennat. Le gouvernement peut s’appuyer sur les syndicats pour l’aider à faire traîner les choses. Ces derniers ont récemment interdit l’entrée du site au représentant désigné par l’Etat pour examiner les conditions de la fermeture alors qu’Edf a eu le feu vert pour entamer des travaux de maintien en activité.
Y aura-t-il donc, comme pour la finance, une capitulation masquée devant le lobby nucléaire qui n’arrête pas de nous seriner avec le chœur des syndicats : « Les centrales nucléaires sont sûres » « Les centrales nucléaires sont sûres » ?
Allelujah, les centrales nucléaires sont sûres. C’est vrai. Jusqu’à l’accident. Après l’accident, elles redeviennent sûres, alors même qu’on n’en a pas mesuré toutes les conséquences. Sûres jusqu’à l’accident suivant. Et ainsi de suite …. Les trains sont toujours à l’heure jusqu’au moment où ils commencent à être en retard.

Le contexte a un peu changé tout de même. Le consensus autour du nucléaire est en crise.

« Ni Three Mile Island en 1979 ni Tchernobyl en 1986 n’avaient délié les langues à ce point-là. Il a fallu attendre la catastrophe nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011 pour que les défenseurs de l’atome, même parmi les plus acharnés, se mettent à douter de l'”excellence” d’une énergie qu’ils ont longtemps défendue les yeux fermés », écrivait récemment le journal Le Monde dans un éditorial.(28.12.2012).

La rédaction du quotidien ajoutait :

«  Dernier en date à s’interroger : le directeur de l’agence belge de sûreté nucléaire, Willy De Roovere. “Nous devons nous demander si le risque nucléaire est encore acceptable. En toute honnêteté, si je considère ce risque, je choisirais d’autres formes d’énergie…”, a-t-il déclaré la veille de Noël, alors qu’il quitte ses fonctions à la fin de l’année. »

Dommage qu’il faille attendre que ces gens-là partent à la retraite pour qu’ils le disent. Mais mieux vaut tard que jamais. Enfin, toujours dans l’éditorial du Monde :

« En France, où le nucléaire fait encore l’objet d’un large consensus, le dogme de l’infaillibilité de l’atome n’est plus de mise. Y compris chez certains X-Mines, artisans de son développement. “Malgré les précautions prises, un accident nucléaire ne peut jamais être exclu”, convenait en janvier 2012 André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté. L’un de ses pairs, Jacques Repussard, directeur de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, indiquait que Fukushima obligeait “à imaginer l’inimaginable”. »

Alors pourquoi jouer avec le feu, alors que le consensus s’effrite et  que le maintien sous perfusion permanente de la plus vieille centrale finit par coûter inutilement fort cher. Certes elle nous manquera un peu car elle nous fait bien rire parfois. Elle a du être arrêtée récemment une nouvelle fois parce que la température de l’air était trop …clémente.

L’Autorité de sûreté nucléaire a donné le 18 décembre son feu vert pour le renforcement du radier envisagé par EDF. Le radier du réacteur 1 de Fessenheim ne fait que 1,5 mètre d’épaisseur, contre 2,5 à 3 mètres pour les autres réacteurs du parc français. Aussi, l’ASN a-t-elle demandé de renforcer le radier du réacteur avant le 30 juin 2013, afin d’augmenter sa résistance au corium en cas d’accident grave avec percement de la cuve. EDF envisage d’épaissir de 50 cm le radier dans le local “puits de cuve” et de “permettre en cas d’accident grave avec percement de la cuve, via un tunnel ménagé à cet effet, un étalement du corium sur le radier du réacteur dans une zone de collecte [elle-même épaissie]”

Le coût annoncé est de 15 à 20 millions d’euros, chiffres à manier avec précaution.

Encore ne s’agit-il là que des questions que pose le réacteur n°1. La question du n°2 est en suspend. Et il y a d’autres questions. Physicien nucléaire, professeur à Polytechnique pendant 35 ans, Jean-Louis Basdevant rappelle :

La centrale de Fessenheim est située sur une faille en zone sismique (l’implantation la plus dangereuse de France à cet égard).
Elle s’alimente en eau froide dans le grand canal d’Alsace, qui la surplombe de 9 mètres, toute perturbation grave de ce canal (chute d’avion) risquerait de noyer la centrale. Elle est, tout comme une autre, exposée au risque d’un « accident normal des systèmes complexes ». Dans un système complexe, un accident grave peut provenir de la conjonction inattendue et imprévisible de défaillances élémentaires, anodines en elles-mêmes.
Un accident nucléaire à Fessenheim aurait des conséquences plus que dramatiques. Elle est située à l’aplomb de la plus grande nappe phréatique de France, d’une capacité de 35 milliards de mètres cubes sur sa partie alsacienne, qui se prolonge en Allemagne. Et, pour corser le tout, elle est également à l’aplomb de la vallée du Rhin qui, entre Bâle et Rotterdam, est la région la plus peuplée, active, industrielle de l’Europe. Cela signifie qu’en cas d’accident avec fusion partielle du cœur, une fois la dalle percée, le Rhin serait contaminé, jusqu’à Rotterdam. Un accident nucléaire grave y serait une catastrophe dramatique pour toute l’Europe, un coup de poignard qui anéantirait la vie dans cette région pendant plus de 300 ans.
Arrêter Fessenheim est, pour moi, une application du principe de précaution, tant évoqué, qui relève d’un devoir moral vis-à-vis des habitants de l’Europe.

Voir aussi

Alors pourquoi jouer avec le feu ? Pourquoi continuer à expérimenter en prolongeant sa durée de vie alors qu’elle pourrait si bien servir pour expérimenter une mise à l’arrêt.

S’il faut bien sûr là aussi se préoccuper du sort des salariés directs les moins menacés et indirects les plus menacés sans compter bien sûr les problèmes posés aux villages alentour qui vivent de la manne nucléaire, il n’est pas acceptable de mettre le risque nucléaire comme alternative à la préservation des emplois.