Quoi de plus banal qu’une carotte ? Les livres de nos grands chefs sont d’ailleurs souvent silencieux à ce sujet. Mais deux facteurs viennent changer un peu la donne de ce légume de base de l’alimentation humaine depuis la plus haute antiquité : les bienfaits pour la santé, de plus en plus soulignés, et l’apparition sur les marchés de variétés anciennes comme la Blanche de Kuttingen ou la jaune obtuse du Doubs. Il existe d’ailleurs une association des Croqueurs de Carottes. Elle œuvre dans le cadre de la sauvegarde de la biodiversité et du patrimoine végétal en liaison avec un groupement de producteurs de semences issues de l’agriculture biologique et biodynamique (Biaugerme).
Si on peut considérer comme positif la sauvegarde de variétés anciennes, il est bon aussi, en tant que consommateur, d’éviter les pièges de la mode. On peut en effet trouver sur certains marchés bobos de la Région parisienne ces blanches, jaunes ou violettes à des prix prohibitifs ! Alors même que l’intérêt gustatif n’est pas forcément à la hauteur du prix ! N’oublions pas non plus que la carotte rouge, celle qu’on consomme habituellement, peut être très différente d’une variété à l’autre (environ 500 variétés sont au catalogue officiel et donc commercialisables), d’une saison à l’autre, d’un terrain à l’autre, d’une région à l’autre. La carotte des sables par exemple, en primeur, a une texture fondante, une saveur sucrée et une fraîcheur qui en font un peu un archétype de la carotte. Mais on peut aussi lui préférer une carotte d’hiver (la carotte résiste bien au gel), en terre plus argileuse, plus ferme de texture mais aussi plus goûteuse, à condition cependant qu’elle ne soit pas ligneuse. A chaque saison, donc, sa carotte.
Parmi les variétés anciennes revenues au goût du jour, on peut préférer la jaune, assez sucrée avec cependant un arrière fond d’amertume ou la blanche qui peut, elle, amener beaucoup de fraîcheur du fait de sa jutosité. La violette sera surtout utilisée pour sa couleur violette à l’extérieur et orange à l’intérieur. Attention cependant à la cuire séparément : elle déteint !
Les bienfaits pour la santé
La grande richesse de la carotte est sa teneur en caroténoïdes, anti-oxydants et précurseurs de la vitamine A. En tant qu’antioxydants, ces molécules s’opposent à l’agression des cellules par les fameux radicaux libres. En régulant l’apoptose (mécanisme de mort programmée des cellules, l’apoptose intervient donc dans le contrôle de la prolifération cellulaire en assurant la mort des cellules en surnombre ou anormales), elles seraient un bon élément de prévention d’un certain nombre de cancers (lymphomes, cancers colorectaux par exemple).
L’autre grand intérêt des carottes est la teneur et la nature des fibres alimentaires. Composées de pectine et de cellulose, outre la régulation du transit intestinal, elles seraient aussi un facteur de prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers colorectaux en piégeant sels biliaires, acides gras et molécules carcinogènes. Cela dit, il faudrait, pour une action efficace et selon les études, en consommer 200g crues par jour ! A vos carottes, mes lapins ! Et si vous saturez, d’autres fruits et légumes viendront compléter votre ration en caroténoïdes : tomates, abricots, etc.
Mais que cela ne fasse pas oublier que les molécules fournies par les aliments agissent en synergie et que rien ne remplace la consommation du légume lui-même, pas même des compléments alimentaires de synthèse. Par ailleurs, comme tous les légumes, la carotte est suffisamment riche en eau pour fournir un faible apport énergétique (33 Kcal pour 100 g). Quant aux minéraux, leur apport est proche de ses autres compagnons légumes.
Les recettes
Chacun connaît l’utilisation classique des carottes en légumes d’accompagnement. Elles sont présentes aussi bien dans le pot-au-feu que dans le couscous ou dans le classique bœuf braisé aux carottes ! Et que dire de joues de veau braisées doucement sur un fond de vin rouge un peu tannique, les carottes étant rajoutées en petit tronçons en fin de braisage (compter une demi-heure), deux ou trois feuilles de sauge corsant un peu le tout d’une saveur un peu plus sauvage ?
Le grand Escoffier, dans son guide culinaire publié en 1931, nous en donne une recette républicaine, les carottes Marianne, qu’il convient de citer en mémoire d’une cuisine souvent oubliée, et pour cause : “tailler des carottes nouvelles en grosse julienne ; étuver cette julienne au beurre en y ajoutant moitié de son poids de mousserons sautés au beurre ; au dernier moment rouler le tout dans un beurre à la maître d’hôtel additionné de glace de viande et dresser en timbale”.
La grande simplicité convient également, qui permet de les consommer crues, accompagnées d’une crème légèrement fouetté avec un peu de vinaigre de Xérès et additionnée de ciboulette. Elles peuvent alors se consommer en apéritif à la place des classiques et plus mornes cacahuètes grillées.
Ingrédients :
200 g de carottes par personne huile d’olive
épices (épices à couscous par exemple)
fleur d’oranger
coriandre en feuilles ou à défaut graines pilées
Préparation :
Dans une sauteuse assez large, verser un fond d’huile d’olive ; ajouter les carottes et laisser quelques minutes à feu assez vif sans cependant les colorer ; ajouter alors les épices et la coriandre ; baisser le feu et mouiller avec quelques centilitres de fleur d’oranger ; laisser fondre les carottes à feu doux jusqu’à la cuisson voulue (compter environ 20 mn suivant la fermeté désirée) en mouillant légèrement avec la fleur d’oranger si nécessaire.
Présentation simple, tiède ou froide, en coupelles ou sur petite assiette carrée, en parfumant éventuellement de nouveau avec quelques gouttes de fleur d’oranger et en parsemant de coriandre ciselée.
P.M. Théveniaud