L’itinéraire pictural de Louis Kolmer

Expo Louis KolmerDans un premier temps, il ne s’agira ici que d’une modeste contribution pour corriger autant que faire se peut le caricatural déficit d’information autour d’une exposition du peintre Louis Kolmer. Est-ce lui faire du tort que de préciser qu’il est mulhousien ?

Il expose au Musée des Beaux Arts de la ville pour ses 80 ans sous le titre Itinéraire pictural 1955-2015. Ce n’est pas une rétrospective puisqu’il qu’il s’agit d’une œuvre qui  encore de la perspective. J’en parlerai plus amplement quand je l’aurai revue tranquillement. La première chose qui m’a frappé est qu’il s’agit d’une œuvre qui assume être en prise avec les questions de son temps.

Le journal l’Alsace s’est donné les moyens de réaliser une page entière ce matin sur l’exposition Gauguin à la Fondation Beyeler de Bâle. Pas d’objection, évidemment. Et puis c’est le marché de l’art ! Le marché d’abord. Mais pourquoi rien sur l’exposition Kolmer dans le supplément week-end du même journal ? Quand on s’aperçoit ensuite que l’exposition n’est même pas annoncée sur le site du musée, on se demande s’il ne s’agit pas alors de l’incurie des services de l’adjointe à la culture, pardon au patrimoine culturel qui n’a par ailleurs pas témoigné d’un grand intérêt pour ce qu’elle inaugurait en représentant la ville lors du vernissage. Ceci confirmerait cela.

Si, si l’adjoint à la culture existe, je l’ai rencontré. Mais, depuis que Jean Rottner est maire de Mulhouse, la culture vivante telle qu’elle peut s’exposer parfois aux Beaux Arts, qui n’a pas d’identité claire, ou s’emprunter dans les bibliothèques est entré dans la catégorie “patrimoine culturel”.

Mais, je vous l’assure Louis Kolmer, qui fut mon prof de dessin au Lycée Albert Schweizer, est bel et bien vivant !

Allez le rencontrer. Vous avez jusqu’au 22 mars. Et c’est gratuit. C’est peut-être un tort. Chez Beyeler, on paye et on se donne les moyens pour qu’il y ait du monde. A Mulhouse, non ! On s’en fout.

L’école embarquée (embedded)

Il n’est pas trop tard pour revenir sur l’épisode étonnant provoqué par Nathalie Kosciusko-Morizet dont le mensonge grossier a suscité un élan de patriotisme local à Mulhouse et a vu les enseignants, les syndicats, l’inspection académique et les partis de gauche faire corps pour reprocher à la dirigeante de l’UMP de donner une image négative de la ville. L’épisode s’est conclu dans la dénégation de tout problème avec l’extraordinaire complicité du journal L’Alsace qui a su organiser ce moment de patriotisme municipal et s’instaurer en instance de vérité. Est vrai ce qui résulte de l’enquête du quotidien.
Nathalie Kosciusko-Morizet avait affirmé s’appuyer sur un témoignage du maire pour déplorer qu’à Mulhouse des enfants arriveraient en retard à l’école pour des raisons confessionnelles. Jean Rottner, dont il faut rappeler qu’il s’est déclaré en guerre, au lieu de l’envoyer paître s’est enferré dans un semi-démenti.
Le maire de Mulhouse se vante de beaucoup consulter. On en connaît maintenant le résultat. Chacun de ceux qui le rencontrent désormais sait que ce qu’il lui dira pourra finir au bureau politique de l’UMP pour y être dévoyé par quiconque aura envie de se pousser du coude à peu de frais. C’est ce qui vient de se passer.
C’est ainsi que s’effondre la velléité de refonder un vivre ensemble qui se ferait avec ou qui passerait par la municipalité.
Et Mulhouse se révèle comme un laboratoire du candidat UMP à l’élection présidentielle.
Au delà du mensonge dont elle a du s’excuser, l’erreur majeure qu’a commise la dirigeante de l’UMP est d’être sortie du cadre du politiquement correct de l’après Charlie. d’avoir brisé l’unanimisme de façade. Se sont alors malheureusement installées la dénégation et l’omerta là où l’on voulait – admettons-le un instant, du moins dans les intentions du Maire de Mulhouse – que les bouches s’ouvrent. Belle réussite du « territoire hautement citoyen » qui se dégonfle lui aussi comme un vulgaire gadget marketing.
Laissez-nous dormir et ronronner en rond a dit en substance un syndicat enseignant. Tout va bien, pas de problème a dit l’inspection académique.Et le parti socialiste et les autres partis de gauche ont réagi comme s’ils étaient l’office du tourisme.
Alors tout va bien, on se rendort ?
On se rendort …
et on se laisse embarquer.
Le 4 février dernier, le préfet du Haut-Rhin réunissait les responsables de collèges et de lycée aux côtés de ceux de la police, de la gendarmerie et de la justice autour du tous unis chacun à sa place contre “la” radicalisation. Radicalisation de qui, de quoi ? On ne le saura pas. Radicalisation point.
Voici donc l’école embarquée (embedded) au sens militaire dans une guerre qui ne dit pas son nom contre une notion particulièrement floue et fourre-tout alors que sa première tâche serait de rendre aux mots leur sens. Le Larousse définit le mot radicaliser de la façon suivante : « Rendre un groupe, son action, plus intransigeants, plus durs, en particulier en matière politique ou sociale » et donne comme exemple : En déclenchant la grève, le syndicat radicalise ses revendications. Contre quelle radicalisation va-t-on se battre ? Au même moment, gauche et droite étaient unis au parlement pour criminaliser les actions de Greenpeace dans les centrales nucléaires plutôt que de se demander pourquoi on y entre si facilement.
Ajoutons qu’une des fonctions principales de l’école serait d’apprendre aux élèves à acquérir une pensée radicale c’est à dire qui prend les choses à leur racine.
François Hollande dans sa conférence de presse a délibérément manipulé le langage guerrier en parlant de l’école. Il n’a pas seulement repris le terme radicalisation. L’usage délibéré de l’expression militaire de « réserve citoyenne » est elle aussi destinée à évoquer une guerre intérieure et à rassembler autour du chef . La réserve citoyenne est un corps de volontaire collaborant au ministère de la défense. « Développer ce corps de la réserve citoyenne est une vieille proposition, écrit le Monde (6 février) qui précise qu’elle vient de la droite : . « En 2013, la sénatrice UMP des Français de l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam, proposait de la renforcer pour mieux s’adresser à « une jeunesse déboussolée en quête de repères, de sens et d’engagement », notamment chez les expatriés français ». Même si la proposition du Président de la République n’est pas la même, il n’est pas indifférent de savoir d’où elle vient.« Il s’agirait, précise encore le Monde de faire appel à des volontaires qualifiés de par leur parcours ou leur profession pour intervenir dans les écoles et évoquer la citoyenneté ».

On pourrait par exemple proposer aux jeunes ceci : Ne t’attaque pas au système, démode-le ; ou encore ceci : Si Dieu existe.

Voir aussi Ce qu’en dit Victor Hugo et Etre Charlie à l’Education Nationale ou le refus de marcher au pas

Ce qu’en dit Victor Hugo

Pour un petit garçon de 8 ans fiché à vie,
pour les enseignants,

Ce texte de Victor Hugo

(…)
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;
La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.
(…)

Victor Hugo : A ceux qu’on foule aux pieds
(L’année terrible 1872)

Une partie de ce texte est cité par Bernard Stiegler dans son livre Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue/ de la pharmacologie (Flammarion) à propos de ce nouveau bouc émissaire qu’est devenu l’enfant.