Le fruit du mois : La pomme ou le mystère oublié.

Magie et poésie de la pomme

Quoi de plus banal qu’un pomme dans sa grande surface. Pomme déchue, monotone, portant son ennui, achetée sans grand respect, dégustée sans grand enthousiasme, ramassée avant maturité et conservée industriellement au froid et sous atmosphère contrôlée plusieurs mois, presqu’une année pour certaines. Cela dit, la pomme est un des très rares fruits disponibles toute l’année. Et dans les périodes de creux fruitier de fin d’hiver, elle est quand même plutôt la bienvenue. Pourtant, il existe, mais en leur saison, de très nombreuses variétés, dont un grand nombre très gouteuses. La pomme est en effet un des fruits les plus anciens et dont l’histoire, notamment symbolique, est extrêmement riche.

Il ne sera pas question ici de revenir sur les différentes mythologies qui lui sont liées et qui courent, très souvent au mot près, de nombreux sites. N’était-ce pas, dans la légende, le premier fruit ? De son rôle avec Eve, qui ne put s’empêcher de vouloir « savoir », avec toutes les conséquences que l’on sait, à celui, impressionnant quoiqu’indirect, que lui fait jouer la mère de Marlène dans le Conte du genévrier de Grimm, en passant par la pomme de discorde ou celle de Blanche Neige, on aurait parfois plutôt intérêt à passer son chemin. Et pourtant elle est aussi pomme d’Api et pomme d’amour, liée au mariage, à la fécondité et, dans ce sens, à la magie blanche (philtre d’amour).

« La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari, qui était près d’elle, et il en mangea. Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent. » Genèse III-6

Le fils de l’homme (or nous sommes tous fils d’Adam) l’aurait-il reçu en plein poire ?

Magritte dit lui-même de cette oeuvre :« Toute chose ne saurait exister sans son mystère. C’est d’ailleurs le propre de l’esprit que de savoir qu’il y a le mystère. (…) Une pomme, par exemple, fait poser des questions. (…) Chaque chose que nous voyons en cache une autre, nous désirons toujours voir ce qui est caché par ce que nous voyons. Il y a un intérêt pour ce qui est caché et que le visible ne nous montre pas. Cet intérêt peut prendre la forme d’un sentiment assez intense, une sorte de combat dirais-je, entre le visible caché et le visible apparent. » (Les mots et les images “La Révolution surréaliste”)

Pomum est le nom générique pour fruit en latin. Pomme se dit malum. Comme quoi il a toujours été mal de vouloir ouvrir son intelligence ! Si cela est vrai dans la bible (Ve siècle) et a donc marqué l’humanité religieuse de son sceau, cela reste bien vrai aussi dans nos sociétés néolibérales de gestion des ressources humaines.

Voilà donc bien l’ambiguïté magique de la pomme, symbole féminin par excellence, pomme offerte en guise de rose rouge, pentagramme des magiciens, salut de santé chez les pythagoriciens, pomme d’or du jardin des Hespérides, porteuse d’immortalité, ou pomme d’or des alchimistes, sans oublier celle de Blanche Neige et encore moins celle du Conte du genévrier de Grimm déjà citées.

La pomme a également beaucoup inspiré les poètes, de Prévert, dit par Yves Montand (La promenade de Picasso qu’on peut entendre sur le site de l’INA ) à Raymond Queneau (« C’est mon po »).

C’est mon po – C’est mon po – mon poème
Que je veux – que je veux – éditer
Ah je l’ai – ah je l’ai – ah je l’aime
Mon popo – mon popo – mon pommier

Oui mon po – mon po – mon poème
C’est à pro –à propos d’un pommier
Car je l’ai – car je l’ai, car je l’aime
Mon popo – mon popo – mon pommier

Il donn’des – il donn’des – des poèmes
Mon popo – mon popo – mon pommier
C’est pour ça – c’est pour ça – que je l’aime
La popo – la popomme – au pommier

Je la sucre – et j’y mets – de la crème
Sur la po – la popomme – au pommier
et ça vaut – ça vaut bien – le poème
Que je vais – que je vais – éditer

Raymond Queneau – Le chien à la mandoline -1965 Gallimard Ed.

Magie de la nutrition et de la santé

La pomme est nutritionnellement intéressante par ses apports en pectine, régulatrice du transit intestinal et piège pour un certain nombre de molécules dont le cholestérol et les sels biliares, en vitamines (C mais aussi E, procarotène ou folacine, en proportions variant malheureusement de 1 à 10 selon les cultivars, surtout contenues dans la peau pour la majorité) et en antioxydants. Mais on lui a attribué, comme à beaucoup d’autres d’ailleurs également, des bienfaits sont on peut se demander s’ils ressortent du domaine scientifique ou de son inconscient magique. C’est notamment le cas de son effet sur le cholestérol dont elle permettrait une baisse dans le sang de seulement 10%, ce qu’on semble imposer à une quantité de personnes dont les taux sont très loin d’être en fait problématiques ! Cela dit, les pommes reviennent moins cher au citoyen que les statines, et elles peuvent être largement meilleures. Alors pourquoi pas ?

Du point de vue santé, à en croire l’ensemble des informations reprises intégralement par l’ensemble des sites, un pomme par jour permettrait d’éviter cancer colorectal, du sein, des poumons, maladies cardio-vasculaires, asthme, bronchites chroniques, hypertension, diabète, goutte, arthrite et autres maladies d’Alzheimer.
Certaines sont intéressantes, quoiqu’à à pratiquer avec modération : « Le fameux « trou normand », le petit verre de Calvados que l’on avale au milieu d’un repas plantureux pour « faire de la place » a fait ses preuves. L’acide malique qu’il contient provoque un afflux biliaire qui libère l’estomac des graisses qui l’encombrent. »
D’autres posent plus de questions : « La silice qu’elle contient en fait un fortifiant des ongles et des cheveux. »
Mais, Dieu merci aussi «elle purifie l’haleine » !
Ouf ! Sauvé !
Si certains effets sont réellement à prendre en compte du fait de la composition en antioxydants, pectine, polyphénols et vitamines, mais à condition d’en manger tous les jours, pas n’importe quelle variété et avec la peau, il est donc souvent très amusant de lire les discours pseudo scientifiques liés aux diverses études présentés dans ces sites et on ne peut, dans ce sens, que les recommander. Là, croquer la pomme n’ouvre certainement pas l’intelligence ! Pourtant, c’est bien ce que propose l’un d ‘entre eux qui va jusqu’à s’appeler Ventre plat, un Magazine Pour Les Personnes Intelligentes Et Belles ! Femmes,jeunes ou moins jeunes, puisque c’est surtout à vous que le discours s’adresse, à juste ou à mauvais titre, vous voyez ce qu’il vous reste à faire !
Il est vrai que dans la médecine populaire, elle pouvait aussi soigner magiquement les hémorroïdes !

Recettes

Pomme en entrée :
Tranche de foie gras sur pomme et céleri

Ingrédients pour quatre personnes : 4 tranches de céleri rave d’un demi centimètre d’épaisseur et de 7 centimètres de diamètre (ou diamètre d’une demi-pomme ; deux pommes (de préférence grany smith pour l’acidité) ; une tranche de foie gras d’un diamètre correspondant à celui de la pomme. Julienne de carotte (une carotte pour quatre) pour la décoration ; eau de fleur d’oranger.

Préparation :
Couper la carotte en fine julienne ; les fondre à la poêle à feu doux avec épices douces (à couscous par exemple) en déglaçant avec un peu d’eau de fleur d’oranger en faisant attention de garder la couleur et un certain niveau de fermeté. Avant de servir, rajouter un peu d’eau de fleur d’oranger fraîche pour renforcer l’arôme.
Cuire les tranches de céleri à l’eau citronnée de façon à les garder assez fermes (environ 20mn). Peler les pommes et en couper, dans le plus grand diamètre, 4 tranches épaisses d’un centimètre. Les poêler doucement au beurre sans trop les colorer et en les assaisonnant de poivre de séchuan (environ 5 à 6mn sur chaque face). Les réserver au chaud. Poêler les tranches de foie gras 45 secondes de chaque côté dans une poêle très chaude de façon à bien les saisir et à perdre un minimum de matière.

Dressage :
Sur une assiette disposer une tranche de céleri, puis, au dessus, la pomme et, enfin, la tranche de foie gras. Disposer la julienne de carottes régulièrement autour du dispositif. Servir chaud.

Pomme en dessert  :
Tartelettes de pommes à l’anis et cardamone, sorbet au citron

Ingrédients (pour 8 tartelettes) : 240g de farine, 180g de beurre, 50 ml de lait, un jaune d’œuf, une cuillérée à café de sel, une de sucre, anis vert, quatre pommes (reine de reinette, canada, chanteclerc ou autre golden par exemple)

Préparation :
Malaxer le beurre (mis à température ambiante) avec l’anis vert, le sel et le sucre jusqu’à obtention d’une crème bien homogène ; rajouter alors le lait par petite quantité puis le jaune d’œuf jusqu’à homogénéité; rajouter enfin la farine sans pétrir jusqu’à obtention d’une boule. Laisser reposer au moins deux heures au frais.
Etaler la pâte et garnir le fond des moules à tartelette.
Couper les pommes en deux ; de chaque moitié enlever une fine tranche ; peler chaque moitié et en déposer une sur chaque moule. Garnir éventuellement les espaces libres avec les tranches pelées et coupées en très petits morceaux.
Cuire 10mn à 220°C.
Pendant ce temps préparer le flan en battant 60g de sucre avec 2 œufs puis en un mélange de 50ml de lait et 150ml de crème.
Sortir les tartelettes du four, ajouter le flanc en prenant garde de bien soulever les demi-pommes pour que le flanc pénètre en dessous et de bien les recouvrir pour obtenir une belle coloration.
Continuer la cuisson un quart d’heure à vingt minutes suivant le goût.
Laisser refroidir.
Servir avec une quenelle de sorbet citron (voir Citron : l’exotisme dans la banalité)

Ces tartelettes supportent bien la congélation et peuvent ainsi être conservées quelque temps sans problème.

Pierre-Marie Théveniaud

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Le citron : l’exotisme dans la banalité

« Plus un citron est pressé, plus il se dépêche… »
Pierre Dac

Le citron est un fruit d’une grande banalité. Dans le citron tout est bon : dans toutes sortes de plats, du zeste parsemé sur l’osso bucco au jus, en passant par les quartiers eux-mêmes ajoutés dans une salade fraîcheur. Ses arômes ont malheureusement souvent été dévoyés jusque dans beaucoup de produits de nettoyage (avec le bonheur qu’on connaît !), là où traditionnellement il était utilisé traditionnellement comme anticalcaire du fait de son acidité. Dans le même temps, comme beaucoup de ses congénères fruitiers, il était et est toujours porteur de qualités médicinales (y compris en prévention du cancer) dont un des derniers avatars est le régime citron. Mais : « Très populaire chez les stars hollywoodiennes, le régime citron n’est pas basé sur la privation. Il consiste au contraire à revoir son alimentation et à combiner celle-ci à la consommation de citron. » dit le journal féminin en cause qui, par contre, ne dit rien de la couleur du teint après un tel régime ! Enfin… les femmes en deviendront toujours des stars hollywoodiennes !!!

Comme beaucoup de fruits « exotiques » le citron, hybride de cédrat et d’oranger bigaradier, vient d’Orient. Sans doute né en Inde, il aurait gagné la Chine, la Perse, puis la Mésopotamie, puis le monde arabe pour enfin arriver en Espagne et en Italie. Il s’est particulièrement bien adapté au climat méditerranéen puisqu’on le trouve dans la totalité de ce bassin.

Sa banalité est telle que les consommateurs n’en connaissent pas les différentes variétés (très peu sont d’ailleurs sur le marché) et n’ont donc souvent aucun autre choix dans le domaine que les citrons indiqués comme espagnols et autres argentins, pays producteurs les plus importants. Mais : « Non, un citron n’est pas qu’un petit fruit jaune, lisse et acide ! Sautant d’une serre à l’autre avec une voiturette électrique, le pépiniériste, un couteau à la main, en entaille un d’un bon kilo, à la peau grumeleuse, puis un autre à la pulpe orange et légèrement acidulée, avant de nous montrer une variété striée de différents verts, d’ouvrir une coque violette remplie de pulpe ressemblant à des œufs de poisson, puis de nous faire croquer dans un petit modèle allongé à la chair acide et à la peau sucrée. » Le monde .fr – 27 janvier 2013 – GASTRONOMIE : Aux citrons tu cèderas ! Eus (Pyrénées-Orientales) Envoyé spécial La plus vertigineuse collection d’agrumes se trouve au pied du Canigou, où Michel et Bénédicte Bachès cultivent, pour leurs clients et les grands chefs, des fruits d’exception.
De quoi faire rêver ! Loin des citrons anonymes (provenance exceptée) qu’on peut trouver en grande distribution !

Le citron de Menton, lui, est particulièrement renommé du fait notamment de La grande richesse de sa peau en huiles essentielles, donc de son parfum. Sa période optimale couvre les mois de janvier et de février et sa renommée n’est pas usurpée. Elle est toute entière contenue dans la légende fondatrice de la ville que cite, entre autres, l’office de tourisme de Menton :  « Eve, chassée du paradis terrestre avec Adam, en emporta un fruit d’or. Adam, redoutant la colère divine, lui demanda de jeter ce fruit. Après avoir franchi des montagnes, des vallées et des plaines, ils aperçurent la baie de Garavan. Le golfe, la douceur du climat, la végétation luxuriante… tout rappelait à Eve la douceur de l’Eden. Elle y enterra le citron. En ce lieu naquit un petit paradis, Menton… »

Un peu d’art

Le citron est représenté dans un certain nombre  d’oeuvres. On le retrouve notamment dans des peintures des XVIIe et XVIIIe flamand et hollandais. Il est représenté plusieurs fois à côté d’un verre. On le trouve aussi dans des représentations des vanités. C’est le cas de la Nature morte au citron pelé, de Jan Davidsz de Heem (années 1650), au Louvre, qui nous montre la peau desséchée du citron avec le même rappel par un grain de raisin pourri. Vanitas vanitatum, omnia vanitas !

Saison et conservation

Le citronnier est un remontant : il fleurit plusieurs fois dans l’année. Le citron est donc un fruit hors saison ; chaque cultivar a sa période de plus intense fructification même si la période optimale, pour la plupart des variétés, se situe autour du mois de janvier. On peut même avoir régulièrement des citrons chez soi, sans bien sûr que la récolte puisse fournir une consommation régulière et suffisamment importante pour une utilisation quotidienne. Le citronnier présenté ici est élevé en intérieur en petit bac, orienté au nord-est et donne des régulièrement d’assez nombreuses fleurs et quelques citrons aux arômes intéressants.

Le citron peut se conserver au moins un mois après récolte dans le bac à légumes du réfrigérateur sans déshydratation trop importante, une semaine à température ambiante. Par contre, il est possible de conserver le jus au congélateur. En avoir dans des bacs à glaçons permet une utilisation à volonté » assez pratique.

Intérêt nutritionnel :

Le citron est connu pour ses teneurs importantes en vitamine C, teneur bien réelle puisqu’il en apporte 52 mg pour 100g là où les apports conseillés en vitamine C sont de 60 mg par jour. Il apporte également des antioxydants autre que la vitamine C, sous forme de vitamine E et de polyphénols spécifiques des agrumes (flavonols) dont le rôle peut ne pas être effectivement négligeable, mais à la condition, comme toujours, d’une consommation régulière. (A consommer quotidiennement !)

Recettes

Sorbet au citron

Ajouter 125 g de sucre à un mélange de 25cl d’eau et de 25 cl de vin blanc (choisir un vin aux arômes d’agrumes, certains bourgogne aligoté ou coteaux du Giennois font parfaitement l’affaire). Faire bouillir dix minutes. Laisser refroidir. Ajouter le jus de 6 citrons. Faire commencer à prendre en sorbetière. Rajouter alors deux blancs d’œuf battus en neige (ou une meringue italienne obtenue avec deux blancs d’œuf et 65 g de sucre mené en sirop au boulé). Remettre en sorbetière. Laisser brasser jusqu’à consistance voulue. Laisser 4 heures au congélateur avant de consommer. Ce sorbet, servi en boules, peut être accompagné d’une madeleine au chocolat ou de palets au zeste de citron. (Pour la recette des palets voir le fruit du mois consacré à la grenade.)

Citrons confits

Préparation

Couper les citrons (non traités) en quarts. Bien les laver ou les blanchir 2 mn à l’eau bouillante. Les déposer dans une terrine ou un bocal en alternant couches de citron et couches de gros sel. Disposer entre deux couches un feuille de laurier et des graines de coriandre. Ajouter le jus d’un citron. Bien couvrir et laisser macérer au réfrigérateur une journée ou deux.

Dans un deuxième temps, prélever les quartiers, les rincer et les disposer dans un bocal préalablement stérilisé. Bien les tasser. Rajouter deux ou trois gousses d’ail rose et des graines de coriandre.  Recouvrir le tout d’une huile d’olive fruitée. Refermer hermétiquement le bocal. Secouer de façon à ce que l’huile d’olive pénètre les quartiers. Refaire éventuellement le niveau. Bien refermer le bocal. Conserver au réfrigérateur. Consommer à partir d’une semaine.

Carré de veau aux olives et au citron

Ce carré pourra être accompagné de gnocchis de pompadour et d’endives braisées au citron ou de panais.

Carré de veau

Ingrédients pour quatre personnes :
Carré de veau : 1Kg 200
1 citron ou 4 quartiers de citron confit
Deux douzaines d’olives  vertes (picholines de Noyon ou olives de Lucques)

Préparation :

Dans un cocotte en fonte, faire revenir le carré sous toutes ses faces dans un fond d’huile d’olive ou, mieux, dans un fond de gras de veau qu’on aura laissé fondre à feu doux. Rajouter les olives qu’on aura au préalable rincé pour les dessaler légèrement. Déglacer avec le jus d’un citron. Rajouter un citron coupé en quatre, un peu d’origan. Saler légèrement et poivrer avec un poivre noir bien aromatique. Laisser braiser à feu moyen une heure et quart.

Gnocchis de pompadour au safran.

Ingrédients : 2 grosses pommes de terre, 20g de farine, un jaune d’œuf, 20 g de parmesan râpé.

Cuire les pommes de terre dans leur peau 40 mn dans une eau bouillante salée. Les éplucher. Les écraser au tamis. Rajouter le safran, la farine, le parmesan et le jaune d’œuf. Bien mélanger jusqu’à homogénéité. Sur un plan de travail fariné, faire des rouleaux avec la pâte, couper en tronçons et façonner les gnocchis. Les pocher à l’eau salée. Les placer dans un plat allant au four, les couvrir de quelques noisettes de beurre. Au dernier moment, rajouter dans le plat du jus de braisage du veau et les passer au four 5 mn à 190°C.

Endives braisées au citron

Rincer les endives. Les placer dans une petite cocotte ou dans une casserole à fond épais sur un fond d’huile d’olive. Les retourner sous toutes les faces. Déglacer avec un jus de citron. Laisser braiser à feu moyen 30 à 40 mn selon grosseur.

Dressage :

Découper le cœur du carré. Les chairs le long de l’os seront utilisées avec bonheur à un autre repas dans un salade composée par exemple.

Sur une assiette large déposer le veau découpé en carré. Saupoudrer de zestes de citron et d’orange. Placer trois gnocchis, cinq olives et une endive braisée. On peut rajouter éventuellement un quart de citron confit, voire un des quarts de citrons de la cuisson si ceux-ci ne sont pas trop vidés de leur pulpe.

P.M. Théveniaud

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La grenade, fruit mystique, mythique, mythologique

Grenade, mythologie et religions

Il existe un certain désaccord sur  l’origine du grenadier. Certains affirment qu’il vient d’Inde, d’autres en situent l’origine plutôt en Perse. Toujours est-il qu’il s’agit d’un fruit dont la signification symbolique a parcouru siècles et religions.

La grenade n’a-t-elle été pas désignée comme le fruit de l’arbre de la connaissance ? De même, la pomme que Pâris remit à Aphrodite était en fait une grenade, dit-on. D’ailleurs la légende ne dit-elle pas aussi que le grenadier est né à Chypre sous le pied d’Aphrodite ? Et ne sont-ce pas grâce à des grains de grenade (ingérés de force ?) qu’Hadès a gardé aux enfers six mois de l’année sur douze  Perséphone, alors devenue femme et épouse ?

En tout cas, la grenade a toujours été un symbole de fécondité, de richesse et de puissance, sans doute du fait de son grand nombre de grains, les fleurs étant, elles, symbole d’un amour brûlant. La couleur rouge sang des graines et des fleurs est bien sûr la porteuse essentielle de telles symboliques. Si elle est sans doute déjà apparue 4000 ans avant notre ère, on la trouve en Inde dès 2000 avant JC. Et dès 1550 on en trouve de nombreuses représentations en Égypte, qui consommait d’ailleurs déjà un vin de grenade assez lourd et épais pour certains, assez léger pour d’autres. Pour les Hébreux, elle était, avec la figue, un symbole de fertilité, caractéristique notamment de la Palestine, et avait une grande importance dans le décor des bas-reliefs et piliers du temple de Salomon. La grenade est d’ailleurs le fruit le plus cité dans la bible. Dans la chrétienté, elle représente antre autres l’Eglise en tant que communauté de croyants et est représentée dans de nombreux tableaux, notamment des XVe et XVIe siècles. Elle est souvent associée à la vierge et à l’Enfant Jésus. L’importance est la même aussi bien dans l’Islam (fruit du paradis, Jardin de l’Essence, symbole comme dans la religion chrétienne de la multiplicité dans l’unité). Pour Bouddha également, la grenade était le fruit le plus précieux (celui notamment que lui offrit une femme pauvre).

La grenade est donc un symbole universel.

De l’Egypte, la grenade a envahi l’Afrique du Nord, et était très prisée notamment à Carthage dont elle était le symbole de la déesse tutélaire. De nombreuses terres cuites en avaient la forme. Le nom romain de la grenade était d’ailleurs la malum punicum (Pline l’ancien). De là, et à travers les siècles, elle a conquis Rome, l’ensemble du Maghreb puis, par l’influence culinaire arabe, la Sicile, l’Espagne et la France, notamment à partir du XVIe siècle dans la littérature culinaire.

Les grandes régions actuelles de production, outre la Turquie et les pays du Moyen-Orient, sont le Maghreb (Tunisie et Maroc surtout), la Grèce, l’Espagne et l’Italie. Quelques grenadiers ont été plantés dans le sud de la France mais la production reste comparativement limitée. Il existe plusieurs dizaines de variétés de grenades, variables suivant ces régions, variétés proprement inconnues du consommateur.

L’histoire de la grenade est très riche. Plusieurs sites lui sont consacrées où sont développés avec intérêt toute son aventure. Et la symbolique n’a jamais quitté ce fruit qu’on retrouve même chez Dali :

 

 

 

Salvador Dalí. « Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade une seconde avant l’éveil ». Musée Thyssen-Bornemisza. Madrid

 

 

 

Choix et conservation de la grenade

Une grenade est à bonne maturité lorsque l’écorce vire nettement au rouge. Elle doit être lisse et brillante, sans taches brunes. La jutosité du fruit se mesure à son poids : un fruit juteux est lourd.

La grenade est un fruit d’hiver. On la trouve d’octobre à février. Elle peut être stockée pendant 4 mois dans un local frais dont la température se maintiendra aux alentours de 5°C, mais alors seule : du fait d’un éventuel dégagement d’éthylène, elle peut en effet accélérer le mûrissement de fruits qui seraient conservés à ses côtés. A température ambiante elle peut se conserve une à deux semaines, dans le bac du réfrigérateur un mois. La grenade ne supporte ni congélation ni conserve.

Par contre il est toujours possible d’essayer l’une des méthodes proposées par Columelle :

« En effet, on peut creuser à la maison de petites fosses de trois pieds dans un terrain très sec. Après y avoir déposé un peu de terre bien divisée, on y enfonce de jeunes branches de sureau; ensuite, par un beau temps, on cueille les grenades avec leurs queues que l’on insère dans le sureau, parce que cet arbre est pourvu d’une moelle accessible et d’une substance assez lâche pour admettre facilement la queue des fruits.
Toutefois, il faudra veiller à ce que ces fruits soient éloignés de la terre d’un intervalle de quatre doigts, et qu’ils ne se touchent pas entre eux. Alors on place sur la fosse que l’on a faite un couvercle que l’on enduit tout autour avec du mortier paillé, et on amoncèle par-dessus la terre provenant de l’excavation. On peut faire la même chose dans un tonneau que l’on remplit à moitié, soit de terre bien divisée, soit, comme quelques personnes le préfèrent, de sable de rivière, en terminant l’opération ainsi que nous l’avons enseigné. »

Columelle : de Re Rustica (Economie rurale – trad. nouvelle par M. Louis Du Bois – C. L. F. Panckoucke, 1846. Bibliothèque latine-française. Seconde série)

Grenade et santé

La grenade est un fruit connu pour ses propriétés antioxydantes. Elle fait actuellement l’objet de recherches concernant des pathologies aussi éloignées qu’arthrite, maladies cardiovasculaires (influence sur le rapport HDL/LDL), leucémie, cancer du sein ou cancer de la prostate du fait de sa grande richesse en polyphénols et en phyto-oestrogènes. On peut renvoyer là à l’intéressante thèse en pharmacie soutenue en 2009 à l’Université Henri Poincaré de Nancy 1 par Elodie Wald : Le grenadier (Punica granatum) : plante historique et évolutions thérapeutiques récentes.
Mais, on a de tout temps trouvé un intérêt majeur à la grenade en termes de santé. C’est ainsi que des applications de graines de grenades sur les parties génitales étaient censées guérir les femmes malheureusement atteintes de stérilité ! L’histoire ne dit pas si le taux de réussite était meilleur ou plus faible que celui de la fécondation in vitro !
Pline l’ancien, pour ne cesser de le citer, écrit :

« LVIII. 1. Avec les grenades acerbes on fait une composition appelée stomatice, très bonne pour les affections de la bouche, des narines, des oreilles, pour l’obscurcissement de la vue, pour les ptérygions, pour les maladies des parties génitales, pour les ulcères rongeants, pour les fongosités des plaies, contre le venin du lièvre marin. Elle se fait ainsi : Après avoir dépouillé la grenade de son écorce, on pile les grains et on fait cuire le jus jusqu’à réduction du tiers, avec safran, alun de roche, myrrhe, miel attique, de chaque, demi-livre.

2. D’autres la font de la manière suivante : On pile plusieurs grenades aigres, on en fait cuire le jus dans une chaudière neuve, jusqu’à consistance de miel. On l’emploie pour les affections des parties génitales et du siège, et pour tout ce que le lycium (XIII, 15; XXIV, 77) guérit, écoulements purulents par l’oreille, fluxions commençantes des yeux, taches rouges. Une branche de grenadier tenue à la main met en fuite les serpents. L’écorce d’une grenade bouillie dans du vin, en topique, guérit les engelures. Une grenade pilée dans trois hémines (0 litr.,81) de vin, qu’on fait bouillir jusqu’à réduction des deux tiers, délivre des tranchées et des vers intestinaux. Une grenade mise dans un vase neuf et bien luté, brûlée dans un four, puis pulvérisée et bue dans du vin, arrête le cours de ventre et dissipe les tranchées. »
Pline l’Ancien : Histoire naturelle : livre XXIII (traduction)

Le vin de grenade

La grenade était employée comme additif aromatisant pour les vins de Grèce et de Rome. Mais les égyptiens élaboraient déjà un vin de grenade. En effet, le jus de grenade, du fait de sa teneur en sucre, fermente tout seul. Michel Bouvier, grand spécialiste des vins de l’antiquité, en a mené l’expérience en 1999. Il affirme : « Le résultat est tout-à-fait satisfaisant et même imprévu avec un vin rose clair de 16,38° d’alcool, présentant un goût un peu sec qui ne rappelle en rien celui de la grenade. Ce serait un beau piège pour les dégustateurs de rosé ! » Michel Bouvier – Les vins de l’Antiquité A la recherche des saveurs d’autrefois – Jean-Paul Rocher Ed.

Les recettes :

Recette dessert
Larmes de panna cotta à la fleur d’oranger et à la gelée de grenade.

Ce dessert est très facile et très rapide à réaliser.

Ingrédients (pour 4 personnes) :
40 cl de crème liquide épaisse
30 grammes de sucre
5 feuilles de gélatine
4 cl d’eau de fleur d’oranger
le jus de deux grenades

Mettre à tremper dans l’eau 3 feuilles de gélatine. Pendant ce temps, faire bouillir la crème 5 mn, rajouter l’eau de fleur d’oranger et bien mélanger. Laisser la température redescendre jusqu’à 65° environ. ajouter la gélatine et de nouveau bien mélanger. Laisser refroidir jusqu’à léger épaississement. Couler alors la panna cotta, jusqu’à un cm du bord, dans des cadres en forme de larmes préalablement bien graissés en vue du démoulage (avant remplissage, bien les refroidir ainsi que le support sur lequel ils seront posés). Laisser prendre.

Lorsque la panna cotta est prise, préparer la gelée de grenade en donnant un léger bouillon à 25 cl de jus de grenade (ne pas faire réduire pour garder le plus d’arôme et d’acidité). Laisser baisser légèrement la température et ajouter 2 feuilles de gélatine préalablement trempée et essorées. Laisser refroidir jusqu’à léger épaississement et couler sur la panna cotta jusqu’au bord des larmes. Décorer de trois grains de grenade.

Laisser prendre. Démouler avant de servir.

Sur assiette, on peut rajouter éventuellement un filet de jus de grenade réduit qui rappelle la gelée. Le dessert peut être servi avec des petits palets.

En cas de présentation en verrines, on peut légèrement diminuer la quantité de gélatine utilisée.

Recette salée :
Fricassée de cailles au miel et à la grenade

Ingrédients : une caille et demi par personne. 2 grenades, deux cuillérées à soupe de miel d’acacia.

Préparation :

Lever les cuisses et les suprêmes (blanc avec uniquement la partie la plus grosse de l’aile qui reste attachée au blanc) des cailles. Oter éventuellement la peau. Utiliser les carcasses pour un fond de volaille réutilisable pour une autre recette (le congeler éventuellement).

Presser le jus des grenades après en avoir prélevé quelques grains pour la décoration.

Dans une poêle verser un peu d’huile d’olive. Faire revenir les cailles en commençant par les cuisses puis en rajoutant les suprêmes. Cuire à feu pas trop vif une petite dizaine de minutes. Les réserver. Faire fondre le miel dans la poêle. Déglacer avec le jus de grenade. Réduire aux 2/3. Remettre les cailles dans la sauce obtenue. Réserver au chaud jusqu’au moment de servir.

Servir à l’assiette trois cuisses et trois filets par personne, un filet de sauce et 3 ou 5 grains de grenades sur les morceaux pour la décoration. On peut servir comme accompagnement de légumes des panais ou, mieux, des lamelles de chou blanc blanchies avec juste ce qu’il faut de croquant.

P.M. Théveniaud

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