L’absinthe des poètes maudits…

… et son sabayon à l’absinthe pour accompagner des quetsches rôties au miel, glace à l’amande

Les deux personnages représentés par Degas ne sont pas ceux qu’on pourrait imaginer : une comédienne Ellen Andrée, et un ami proche de Degas : Marcellin Desboutin, graveur, tous les deux fort sobres.« Nous étions là comme deux andouilles » a affirmé plus tard Ellen André. Mais grâce à cette pose le tableau de Degas, exposé au Musée d’Orsay, est censé rendre compte de l’alcoolisme des marginaux buveurs d’absinthe.

Déguster une absinthe c’est donc se prendre un peu pour un poète, maudit ou non.

Ode à l’Absinthe

Salut, verte liqueur, Némésis de l’orgie!
Bien souvent, en passant sur ma lèvre rougie,
Tu m’as donné l’ivresse et l’oubli de mes maux;
J’ai vu plus d’un géant pâlir sous ton étreinte!
Salut, sœur de la Mort! Apportez de l’absinthe;
Qu’on la verse à grands flots!

Il est temps à la fin que je te remercie:
Celui qui ne sait pas toute la poésie
Qu’un flacon de cristal peut porter en son flanc,
Celui-là n’a jamais près d’une table ronde,
Vu d’un œil égaré les globes et le monde
Valser en grimaçant.

Il ne soutiendra pas sans que son cœur défaille
Qu’il n’est pas sur la terre une chose qui vaille
De l’ivrogne absinthé le sommeil radieux,
Qui peut, quand il lui plaît, durant son rêve étrange,
Quittant le corps humain, sentir des ailes d’ange
L’emporter dans les cieux.

Moi, je t’aime! Aux mortels ta force est plus funeste
Que la foudre, le feu, la mitraille, la peste,
Et je te vis souvent terrasser le soldat,
Insoucieux de tout, contentant son envie,
Quoique sachant trop bien qu’il te donne sa vie
Qu’épargna le combat.

J’aime ta forte odeur et ton flot d’un vert sombre
Qui laisse s’élancer, au milieu de son ombre
Des feux couleur de sang tout le long du cristal,
Comme si le Seigneur, en signe de prudence,
Avait voulu mêler à ton vert d’espérance
Quelque signe fatal.

Belle comme la mer, comme ses flots cruelle,
Tu peux quand tu le veux aussi, cacher comme elle,
Sous un calme apparent tes instincts irrités,
Et ton flux fait tourner un océan de têtes,
Qui battent en riant, les soirs des jours de fêtes,
Les portes des cités.

Pour moi, qui ne veux pas atteindre la vieillesse,
Je veux contre ta force essayer ma faiblesse,
Combattre contre toi, t’étreindre corps à corps.
Je veux voir, aujourd’hui, dans un duel terrible,
Si tu peux soutenir ton titre d’invincible:
Notre témoin sera la mort!

Attribué à Alfred de Musset, poème qu’il aurait écrit sur un coin de table dans un café et recopié par un certain M. Dubois (source ici ).

Mais c’est aussi retourner dans l’histoire, respecter un rituel, celui du sucre sur la cuillère, qui atténue l’amertume de la plante et, dans son propre imaginaire, s’exclure d’un monde peuplé de trop d’interdits pour se replonger dans un passé, lui aussi imaginaire, prendre un peu de cette nécessaire folie dont l’absinthe était soi-disant le prix. Le rêve éveillé peut s’aborder sans crainte, thuyone n’étant plus, ou n’étant plus considérée comme toxique, et méthanol n’étant plus ajouté pour une absinthe qui n’est plus frelatée.

Rêvons donc d’une fée qui nous prenne par la main…

… et laissons nous prendre par la main par la fée Barbara (extrait, intégrale ici) :

Sans oublier la fée (verte ?) de Verlaine (La bonne chanson – chant III).

 

Recette : Quetsches rôties au miel, glace à l’amande et sabayon à l’absinthe.

Ingrédients (pour 4 personnes) :

Sabayon : 4 jaunes d’œuf, 100g de sucre en poudre, 100 ml d’eau et 60 ml de liqueur d’absinthe verte à 65°GL

Quetsches rôties : 7 demi quetsches par personne, 30g de beurre et 4 cuillérées de miel (acacia, herbes, framboisier, oranger, ou plus corsé type sapin)

Glace à l’amande : 300ml de crème liquide à 30%, 150ml de lait, 4 jaunes d’œufs, 100g de poudre d’amende, 80g de sucre

Brioche : 4 ronds de brioches découpés à l’emporte pièce

Préparation :

glace à l’amande (à préparer la veille) : mélanger les jaunes d’œufs et le sucre jusqu’à blanchiment ; mettre à bouillir 200 ml de crème, 150ml de lait et la poudre d’amande en fouettant bien ; ajouter le mélange aux oeufs en fouettant et cuire à 65°C en mélangeant bien comme pour toute bonne crème anglaise qui se respecte ; laisser refroidir ; fouetter 150ml de crème ; incorporer à la crème anglaise en mélangeant doucement ; mettre en sorbetière ou turbiner.

Sabayon à l’absinthe : faire chauffer l’eau et l’absinthe jusqu’à évaporation de l’alcool ; dans un cul de poule porté au bain-marie, mélanger œufs et sucre jusqu’à ce que le mélange fasse le ruban ; ajouter alors l’absinthe et fouetter jusqu’à homogénéisation.

Quetsches rôties (au dernier moment) : couper les fruits en deux ; dans une poêle ou une sauteuse, mettre le beurre et le miel ; laisser fondre et faire rôtir les fruits, pile et face, en les retournant délicatement, la peau ayant tendance à se défaire.

Brioche : tartiner les ronds de brioche du même miel qu’utilisé pour les fruits ; les passer rapidement sous le gril.

Dressage :

Remplir de sabayon des petits pots à crème. Poser les ronds de brioche tièdes au centre de l’assiette, entourer de 7 demi quetsches pour former une fleur et poser une boule de glace su centre sur la brioche.

Pierre-Marie Théveniaud

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Asli Erdogan, symbole de toutes les libertés d’expression baillonnées et assassinées

La Maison éclose demande la libération d’Aslı Erdoğan

Depuis le 1 décembre, chaque jour à 18 heures et le samedi à 16 heures, dans toutes les librairies de France qui participent (Voir la carte des librairies solidaires), avec le soutien d’Amnesty International, a lieu une lecture d’un passage de son livre “Le bâtiment de Pierre”.

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Le wagges s’associe à ce mouvement et participera par une lecture ce

jeudi 22 décembre à 18 heures à la Librairie 47° Nord,

Maison Engelmann 8b rue du Moulin à Mulhouse.

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Asli Erdogan, écrivaine turque internationalement connue, a été arrêtée à son domicile dans la nuit du 16 au 17 août en même temps que les autres membres de la rédaction du journal dans lequel elle chroniquait. Elle est emprisonnée et risque la perpétuité pour ses idées, ses écrits et son engagement pour une société démocratique.

Dans ce bâtiment de pierre, prison d’Istambul, où officient les sbires du régime, prisonniers politiques, intellectuels et autres enfants des rues ne perdent pas que leurs corps mais leur moi qui, pour survivre, est obligé de se fracturer. C’est de cette fracture en plusieurs moi dont il est question dans ce large poème où se superposent, se répètent, s’isolent ces strophes qui rendent compte de cette destruction de l’humain.

Mais si nous n’oublions pas les dizaines de milliers de personnes emprisonnées en Turquie, et dans tant d’autres pays, pour les mêmes raisons qu’Asli Erdogan, nous n’oublions pas non plus qu’il n’y a pas que des dirigeants qui commandent mais aussi des hommes, dans la banalité de leur quotidien et de leur haine profonde, pour dénoncer, frapper, torturer et violer. En ces temps difficiles, ne l’oublions pas. Le risque est partout et commence tôt et petitement.

“Je vous l’avais bien dit !” reprit une voix calme, bien assurée, sûre de son bon droit et chargée soudain d’une haine naïve et implacable. “Il sait très bien où est son copain. Mais il faut faire vite.Ne le laissez pas filer.” Bien entendu, l’homme ne soupçonnait même pas qu’il avait accumulé en lui une telle haine de la vie… (P. 78)

(L’homme en question vient de faire arrêter un enfant qui, après la violence exercée par le policier qui l’arrête, va rejoindre la colonne des enfants torturés dans la même prison qu’Asli Erdogan.)

Un recueil de ses chroniques parues au cours des dix dernières années dans le journal Özgür Gündem, quotidien soutenant les revendications kurdes, Le silence même n’est plus à toi, paraîtra le 4 janvier prochain.

Une pétition pour sa libération circule qui peut être signée ici.

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