Folle évaluation, orientations et servitude volontaire

« Les chiffres sont là pour nous faire taire alors qu’ils devraient être là pour nous faire parler et s’il n’y a pas de dialogue, s’il n’y a cette possibilité pour le citoyen de parler, de comprendre, d’analyser de manière souveraine, alors on en vient, au nom des chiffres finalement, à produire une servitude volontaire, une soumission sociale librement consentie. » Continuer la lecture

La transition du nucléaire au … nucléaire

Nous vivons dans un pays formidable, on ne le dit pas assez.
Non seulement nos douaniers arrêtent les nuages radioactifs -à défaut de débusquer les trafiquants de viande de cheval – mais nos ingénieurs – des Ponts et Chaussées – ne ferment que des centrales nucléaires absolument sûres.
Qu’on se le dise !
Quant à nos députés UMP locaux, quand ils sortent de leur hibernation, ils vont enfin se préoccuper de faire rouler les trains à pleine vitesse.
Nous avons déjà dit l’essentiel de ce que nous a révélé Francis Rol-Tanguy, délégué interministériel en charge d’organiser la fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim.
En résumé, le lobby nucléaire a remporté une victoire en imposant à François Hollande un changement d’argumentaire. Désormais, on ne ferme plus la Centrale nucléaire de Fessenheim en raisons de faiblesses et de fragilités aggravés par sa présence problématique dans une zone sismique, en contrebas du Canal, et parce qu’il devient absurde d’accumuler des travaux dispendieux mais parce qu’il faut introduire un rythme de fermeture conjointement à des ouvertures de centrales atomiques. D’ici à ce qu’on fasse coïncider la fermeture de Fessenheim avec l’ouverture de l’EPR de Flamanville dont l’échéance impérative est celle d’avril 2017 !
Voilà définie la transition énergétique.

« Francis Rol-Tanguy, écrit le journal l’Alsace (23 février2013), balayant d’un revers de main ironique la référence du candidat Hollande au risque sismique, en rappelant qu’il était en campagne, il estime que les raisons de la fermeture sont claires, au moins depuis le 12 décembre : la transition énergétique, la nécessité d’anticiper le vieillissement du parc nucléaire français. 48 des 58 réacteurs actuels ayant été mis en service entre 1977 et 1989, il s’agit d’étaler dans le temps des fermetures inévitables, afin de pouvoir faire face aux investissements nécessaires à leur remplacement ».

Exit le risque sismique ! Ce n’était qu’une blague de campagne électorale ! Sont marrons ceux qui ont cru qu’elle(la campagne) était sérieuse.
Repousser les échéances, comme on le fait, impose de faire faire les travaux de sécurisation exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire. Ce qui serait franchement ubuesque mais dans la logique de la méthode proposée.
Il y a une autre étrangeté dans le discours que l’on nous sert. Elle consiste à faire comme si l’Etat n’avait plus rien à dire au Conseil d’administration d’EDF. Tout de même surprenant, non ? Quand on sait que dans la répartition du capital d’EDF, l’Etat détient 84,5 %. Et on fait comme si on ne pouvait pas demander dès maintenant à l’entreprise d’électricité d’y mettre du sien ?
On en vient à se demander si ne règne pas, dans le domaine nucléaire, la même « stupidité ou bêtise fonctionnelle » que celle relevées dans la gestion des finances.
Sur ces entrefaites voici que débarquent, sortis tout droit de leur hibernation, nos trois députés UMP locaux. Michel Sordi, Eric Straumann et Antoine Herth.
Contentons-nous de relever le chantage assez vulgaire auquel s’est livré ce dernier :

« Selon Antoine Herth, écrit le journal L’Alsace (24 février 2013) l’arrêt de la centrale de Fessenheim fragilisera les grandes usines installées dans la bande rhénane, grosses consommatrices d’énergie électrique. Au point que certaines, qu’il refuse de citer, s’interrogeraient sur leur avenir dans la région. La ligne de chemin de fer entre Strasbourg et Bâle pourrait aussi souffrir de cette baisse de la production locale. « Le réseau est déjà faiblard du côté de la Suisse, ce qui empêche les trains de rouler à pleine vitesse. » Enfin, si la centrale ferme, « il faudra construire une seconde ligne à haute tension pour acheminer l’électricité importée d’autres régions. Or ce sujet n’a pas été évoqué jusqu’à présent, et cela posera un problème paysager pour la population. »

Zorro est arrivé. !
Où était-il pendant les 99 jours (du 30 juillet au 06 novembre 2011) où les deux réacteurs de Fessenheim étaient à l’arrêt ? Les grosses entreprises “tenues secrètes” par A. Herth étaient certainement à l’arrêt, elles aussi, et en chômage technique ! Et le train entre Bâle et Strasbourg n’a sans doute pas roulé une seule fois !
Qu’a fait alors Monsieur Herth ? Etait-il en hibernation ?
Qu’entreprend-il d’ailleurs pour faire en sorte que les trains circulent et que les usines soient alimentées malgré les arrêts si fréquents et le peu de rendement de la centrale ?

La financiarisation de l’industrie agroalimentaire

Alors que l’on nous présente comme une découverte le fait que la production de viande soit devenue une industrie, je vous invite à lire l’intégralité d’un article fort intéressant publié sous le nom de Zébu par le blog de Paul Jorion. Il a pour titre « On achève bien les chevaux ».Nous en publions ci-dessous un extrait.  Il met en exergue la question de la financiarisation de l’industrie agroalimentaire y compris dans sa forme coopérative qui singe le modèle dominant. L’entreprise Spanghero, par qui le scandale est arrivé, appartient en effet à une coopérative.

La gesticulation gouvernementale, les approximations médiatiques ont largement contribué à noyer le poisson, si l’on peut dire, au point de faire passer une fraude économique pour un scandale sanitaire, comme le montre l’exemple du quotidien régional L’Alsace.

La falsification d’une étiquette n’a rien à voir avec un principe de précaution qui est d’ordre sanitaire.

La fraude et le fraudeur, explique à juste titre l’article de Zébu, sont des produits d’un système auxquels ils servent en même temps d’exécutoire pour lui permettre de perdurer. On tient un coupable. Il l’est en effet. Mais le désigner exclusivement efface toute une chaîne d’irresponsabilités sur laquelle repose tout un système qui s’est financiarisé.

Venons-en à ce qui nous paraît être le cœur de l’article :

 « Quel est le point commun entre Findus, Comigel, Lur Berri et même Picard ? En dehors du fait qu’ils ont été à des degrés divers concernés par l’affaire de la viande de cheval, c’est une expression : ‘Leveraged Buyout’ (LBO). « Le LBO, de l’anglais «Leveraged Buyout », est un terme générique désignant un montage juridico-financier de rachat d’entreprise par effet de levier (« leverage »), c’est-à-dire par recours à un fort endettement bancaire. ». Findus y est passé, par Lion Capital Investments en 2008, après CapVest en 2004 et EQT en 2000, pour être finalement restructuré au profit de banques. Picard, la réputée chaîne de surgelés, fait par ailleurs partie elle aussi des ‘cibles’ restructurées par Lion Capital, après avoir été cédé par Carrefour en 2001 à un autre fonds d’investissement en LBO, comme en 2004 ensuite. Comigel a elle été acquise par un fonds d’investissement français en 2007, Céréa Capital, quand Lur Berri, propriétaire de la désormais fameuse entreprise Spanghero, utilisa les services de LBO France (par ailleurs actif dans l’agroalimentaire : Materne, Pom’ Alliance, Poult, EVS) pour acquérir Labeyrie en 2012.

L’agroalimentaire a donc connu une véritable financiarisation au travers de cette ‘technique’, laquelle fonctionne de cette manière : des investisseurs investissent leurs surplus de liquidités en acquérant des sociétés dites ‘cibles’ (correspondant à leurs critères d’investissement), créent une holding spécifiquement dédiée pour ce faire, laquelle est constituée des apports de liquidités des investisseurs et de crédits, majoritaires, le plus souvent bancaires. En apportant ainsi 1€, ils ‘lèvent’ 1, 2 ou 3€ complémentaires auprès de banques afin d’acquérir des entreprises, lesquelles devront ensuite ‘produire de la valeur’ afin de rembourser les créditeurs : en clair, produire des bénéfices qui seront reversés sous forme de dividendes aux ‘actionnaires’ de la holding. Dans ce cadre là, on parlera alors de ‘ROE’, Return On Equity, le taux de profit sur les capitaux propres. Et plus ceux-ci seront faibles par rapport à la somme totale, et plus ce ‘ROE’ sera important, soit sa capacité à produire du profit pour les investisseurs. D’où la ‘nécessité’ d’avoir recours au maximum au crédit afin d’optimiser ce ‘taux de profit’, lequel tourne autour des 15% annuels en moyenne mais peut atteindre des niveaux stratosphériques (25% et +).

C’est à cette ‘logique’ là que le secteur agroalimentaire ou tout du moins une bonne partie s’est livré dans les années 2000 en France, afin d’accéder au Graal promis aux entreprises financiarisées : la liquidité.

La liquidité permet toutes les audaces et aussi tous les investissements, comme Lur Berri en fit l’expérience, en acquérant à tour de bras foultitudes d’entreprises devenues autant de filiales. Elle permet la croissance du chiffre d’affaire et même, selon l’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance), l’augmentation du nombre de salariés. Que demander de plus dès lors ?

Le problème, c’est que si le LBO ‘produit de la valeur’ comme on aime à le répéter dans ces milieux là, c’est uniquement au bénéfice des investisseurs, lesquels, non content de recevoir des dividendes, récupèrent aussi de potentielles plus-values phénoménales lorsque ladite entreprise est revendue à un prix supérieur à celui de l’achat : c’est le second niveau de ‘leviérisation’.

Le problème est aussi que la masse salariale ne voit que très rarement la couleur de la ‘chaîne de valeur’ mais bien plutôt celle des conflits sociaux, du fait de l’augmentation de la productivité pour produire toujours plus de dividendes, pour des salaires identiques. »

L’intégralité de l’article avec notamment la réflexion sur le système coopératif se trouve sur le site de Paul Jorion