Paul Jorion : Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de séparer réflexion et action

L’anthropologue économiste Paul Jorion était au Théâtre du Rond-Point le vendredi 22 février pour y présenter sa “trousse de secours en période de crise”.
S’il est devenu impossible de dire que ce monde n’est pas le nôtre, il ne nous reste plus qu’à le transformer. Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de séparer réflexion et action. Ci dessous un aperçu de sa conférence que l’on peut retrouver en intégrale sur son site. Pour les amateurs de mondes parallèles.

Voir aussi ici et là.

Loi bancaire : les contribuables ne doivent pas payer pour la finance

Par Jacques Sapir, Jacques Généreux, Dominique Taddei

” Nous, économistes, pensons que le projet de loi de séparation bancaire présenté à l’Assemblée nationale ne fait pas ce qu’il prétend et ne protègera pas plus qu’avant les dépôts des ménages français. En réalité, il laisse libre cours aux activités spéculatives des banques et sauvegarde leur pouvoir.

L’objectif affiché du projet consiste à sécuriser les dépôts et, pour cela, à séparer les activités de marché dangereuses des activités de crédit-dépôt. L’intention est bonne, compte tenu de l’hypertrophie des banques françaises. En effet, les actifs bancaires français représentent 340% du PIB (contre 85% aux États-Unis). Il existe au moins quatre banques dont la faillite peut entraîner la chute de l’ensemble du pays, contrairement à l’Allemagne qui n’en compte qu’une. Ces banques sont à la fois trop grosses pour qu’il soit possible de les laisser faire faillite (too big to fail) et « trop grosses pour être sauvées » (too big to save).

Le secteur bancaire français présente un niveau de risque systémique parmi les plus élevés du monde : Dexia a déjà coûté 12 milliards d’euros aux contribuables français et belges et l’État vient d’y ajouter 85 milliards en garantie. Le Crédit agricole prévoit des pertes record en 2012, voisines de 6 milliards d’euros et la Société générale aurait perdu 11,9 milliards en 2008 sans le secours du contribuable américain.

Par ailleurs, le « modèle » français se révèle défaillant dans sa tâche de financement de l’économie : seuls 10% du bilan de nos banques sont consacrés aux prêts aux entreprises non financières et 12% aux prêts aux particuliers. Le reste relève d’opérations de marché essentiellement spéculatives : sur les 200 milliards d’obligations émises par le secteur bancaire français en 2012 pour « financer les prêts hypothécaires », seuls 22 milliards ont été distribués aux ménages et 27 milliards aux entreprises. Et combien consacrés à l’emploi, la recherche et l’investissement ?

En supprimant la garantie publique implicite sur les produits bancaires hautement profitables et risqués que proposent les marchés, la séparation des activités spéculatives des activités dites commerciales, engagement de campagne n°7 de François Hollande, permettrait aux secondes de se consacrer intégralement au financement de l’économie réelle. En isolant les banques commerciales des humeurs des marchés, une vraie séparation permettrait de réduire le coût du financement des ménages et des entreprises. Elle ne pénaliserait que les quelques 9 000 traders et leurs dirigeants.

Or, que fait le projet de loi actuel ? Il oblige les banques à loger certaines activités spéculatives dans des filiales, mais seulement 0,75 % à 2 % du produit net bancaire des banques est concerné par cette mesure. Toutes les activités interdites à la maison-mère (les prêts aux fonds spéculatifs, le trading à haute fréquence, etc.) sont accompagnées d’exception qui vident la loi de son contenu. Les amendements déposés pour élargir ce périmètre demeurent largement insuffisants. Le projet français reste très en-deçà de ce qui est envisagé ailleurs dans le monde, y compris dans les pays anglo-saxons ! Il est beaucoup plus faible, en particulier, que le rapport Liikanen de l’Union européenne, qui, bien que timide, a au moins le mérite d’exiger la filialisation de toutes les activités de « tenue de marché ».

À défaut de prévenir une crise, le projet de loi laisse-t-il au moins espérer que nous aurions les moyens de la guérir ? Non. Selon ce projet, les maîtres d’œuvre de l’éventuel démantèlement d’une banque française seront le gouverneur de la Banque de France et le directeur général du Trésor. Ils décideront seuls si l’État français devra aller au secours d’une banque (quitte à ruiner les Français) ou s’il conviendra de la laisser faire faillite.

Les décisions seront prises sans obligation de consulter le Parlement, à l’aveugle, et au détriment du contribuable. Les 3,7 milliards prélevés sur les citoyens néerlandais, sans avoir été consultés, pour sauver sans conditions SNS Reaal, quatrième banque des Pays-Bas, sont un cas d’école qui risque de se généraliser.

De même, les détenteurs d’obligations ne seront pas nécessairement sollicités financièrement avant que les contribuables français aient à mettre la main à la poche. Le projet de loi considère que c’est une possibilité, mais non une obligation. Pire encore : pendant l’opération de réanimation cardiaque, le versement de dividendes aux actionnaires de la banque en détresse ne sera pas interdit. Rien n’est prévu non plus pour mettre à contribution les créanciers. Les dirigeants de la banque en détresse responsables de la déroute pourront-ils se voir supprimer définitivement le versement de leurs rémunérations ? Pas davantage.

Ce projet revient donc à maintenir dans la loi le parachute dont rêvent les banques « universelles » et leurs alliés, les fonds spéculatifs, pour pouvoir continuer leurs opérations spéculatives en toute quiétude. Il préserve leur liberté d’utiliser les dépôts de leur clientèle comme base pour accorder des crédits à leurs filiales spéculatives.

Comment, dans ces conditions, peut-on prétendre séparer les activités dangereuses du crédit, et sécuriser les dépôts ? Le sujet est suffisamment complexe pour que le Parlement britannique, qui s’engage vers une séparation bien plus stricte prenne un an pour légiférer.

Le gouvernement français, lui, prétend régler la question en un mois, alors même que la Commission européenne s’apprête elle-même à légiférer dans le sens du rapport Liikanen.

Ce projet de loi du gouvernement ne résout rien. Au contraire, il laisse la porte ouverte à une nouvelle crise. La crise a montré la nécessité d’une séparation stricte entre les activités bancaires utiles à l’économie et celles qui lui sont néfastes. Nous, économistes, appelons à une modification profonde de ce texte de loi, sous peine d’ébranler une nouvelle fois la confiance dans le processus démocratique”.

Signataires :

Michel Bellet, Université de Saint-Etienne Nicolas Beniès, université populaire de Caen,
Olivier Berruyer, économiste, animateur de les-crises.fr,
Paul Boccara, économiste, historien,
Laurent Cordonnier, Université Lille 1,
Ghislain Deleplace, Professeur, Université Paris VIII – Saint-Denis,
Denis Durand, économiste,
Guillaume Étievant, expert économique auprès des CE,
Bernard Friot, Université Paris-X, institut européen du salariat,
Jean Gadrey, professeur, Université Lille I,
Jacques Généreux, professeur, IEP de Paris,
Jean-Pierre Gilly, Université Toulouse I,
Gaël Giraud, CNRS, Centre d’Economie de la Sorbonne, Ecole d’Economie de Paris,
Jérôme Gleizes, économiste,
Bernard Guerrien, SAMM, Centre d’économie de la Sorbonne,
Olivier Gossner, directeur de recherche CNRS, Paris School of Economics,
Alain Grandjean, économiste,
Jean-Marie Harribey, maître de conférences, Université Bordeaux IV,
Pierre Khalfa, membre du Conseil économique, social et environnemental,
Philippe Légé, Université de Picardie,
Alain Lipietz, économiste,
Frédéric Lordon, directeur de recherche, CNRS,
Christiane Marty, économiste,
Alain Morin, directeur de la revue Economie et Politique
François Morin, professeur, Université Toulouse I,
André Orléan, directeur de recherche, CNRS-EHESS,
Dominique Plihon, professeur, Université Paris XIII,
Jean-Paul Pollin, Université d’Orléans Christophe Ramaux, Université Paris I,
Romain Rancière, professeur associé à Paris School of Economics
Frédéric Rauch, économiste, rédacteur en chef de la revue Économie et Politique,
Gilles Raveaud, Institut d’Études Européennes, Université Paris VIII-Saint-Denis
Jacques Sapir, directeur du CEMI-EHESS,
Dominique Taddéi, ancien président d’université, ancien président de la Caisse des dépôts et consignations,
Bernard Teper, membre Haut Conseil de la famille et du Réseau Éducation Populaire
Bruno Tinel, Université Paris I, Centre d’économie de la Sorbonne,
Stéphanie Treillet, économiste

30 signataires supplémentaires :
Daniel Bachet, Université d’Evry, Mathieu Béraud, Université de Lorraine, Eric Berr, Université Bordeaux IV, Pierre Bitoun, INRA, Frédéric Boccara, maître de conférences, université de Paris XIII, Marc Bousseyrol, économiste, Claude Calame, EHESS Gabriel Colletis, université de Toulouse, Pierre Concialdi, économiste-sociologue, Jean-Paul Domin, Université de Reims-Champagne-Ardenne, Véronique Gallais, Cadre dans l’économie sociale, Patrick Gianfaldoni, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse Ozgur Gun, Université de Reims, Andrée Kartchevsky, Université Paris VIII – professeure, URCA et LADYSS, Robert Kissous, statisticien-économiste, consultant auprès des CE, Pierre Le Masne, Université de Poitiers, Marc Mangenot, Directeur de recherche, CNRS, Jonathan Marie, CEPN – CNRS, Université Paris XIII, Antoine Math, économiste, IRES, Jérôme Maucourant, Economiste, Université Jean Monnet (IUT Saint-Etienne), Thierry Méot, Statisticien-Economiste, Sandrine Michel, Université Montpellier I, Catherine Mills, économiste, Gilles Orzoni, ingénieur-économiste Henri Philipson, économiste, Jean-François Ponsot, Université de Grenoble, Bertrand Rothé, Université de Cergy-Pontoise, Gilles Rotillon, Université Paris X – Nanterre, Jean-Marie Roux, syndicaliste

Pour ne pas voter idiot (4) : Sortir de la résistance à TINA pour inventer l’impossible

“Les usines ferment, les profits explosent. La République est piétinée.”
Extrait de la contribution de Michaël Gaumnitz,  cinéaste, graphiste et peintre au Journal à cent voix, de Télérama qui rassemble jusqu’au 1er tour de l’élection présidentielle le journal de campagne collectif de cent personnalités du monde culturel.

La palme de la question la plus stupide qu’il m’a été donné de lire au cours de cette navrante campagne électorale d’épiciers (ou de vieux pépés comme dit Michel Serre) revient au journal Le Monde qui se demandait si un Président de la République devait être cultivé. Non seulement le Président mais l’ensemble des hommes et femmes politiques se doivent de l’être. Et non seulement eux mais chaque citoyen. Sinon à quoi sert l’école ? Le Monde confond d’ailleurs  cultivé et amateur d’arts premiers ou d’art moderne.  Il n’y a pas forcément besoin de cela pour être capable de dire quelque chose de sensé et de sensible lorsque qu’une tragédie frappe le pays. Ce qui n’a malheureusement pas été le cas récemment. Voir ici.
Il y a désormais des “journées citoyennes” pendant lesquelles il est loisible aux citoyens de participer au fleurissement de leur quartier. Rien contre. Le problème est que pour leur engagement démocratique pour le vivre ensemble dans la cité, ils repasseront. Car, à mesure que l’on crée des journées citoyennes, on crée des instances qui s’éloignent délibérément des citoyens ces potentiels empêcheur de décider en rond et qui installent une réalité post démocratique. C’est vrai en démocratie locale comme ailleurs.
Il y a un moment déjà que la question de l’indignation me taraude. Nous sommes quotidiennement appelés à nous indigner : Donnez-nous notre indignation quotidienne. Et on saute d’une indignation à l’autre…Il est vrai qu’il y a de quoi… Et puis, un clic de souris au bas d’une pétition, ne prend pas beaucoup de temps. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Mais après ? Il en va de même pour les appels à la résistance. Depuis le temps que ça résiste, n’est-il pas temps d’un petit bilan ?

Commençons par le constat. Nous l’emprunterons à un texte d’Annie Lebrun, préface à la réédition de son livre Appel d’Air. (Editions Verdier Poche). Qu’il fasse plaisir ou non, il faut bien admettre qu’on en arrive à quelque chose comme un constat d’échec :

« Car, au cours des vingt dernières années, force est de le constater, rien n’est venu s’opposer véritablement à l’ordre des choses. A tel point que presque tous ceux qui prétendaient mener une critique sociale ne se sont nullement rendu compte de l’anachronisme de leurs armes. Trop occupés à sacrifier au rituel de leur rhétorique dont le succès aura été inversement proportionnel à son peu de prise sur le présent, ils ont continué de ne pas s’apercevoir que la donne avait complètement changé. Il ne leur est même pas venu à l’esprit de considérer que la donne avait complètement changé ».

On peut toujours dire que cela aurait pu être pire. Mais, avouons-le, il y a bien longtemps que nous n’avons pas eu le sentiment de remporter une victoire aussi petite fut-elle.

Cet ordre des choses que l’on veut rendre caduque par une révolution, quel est-il ? Quand on lance un appel à la révolution, il faut dire ce qui doit être révolu et par quoi on souhaite le remplacer. Ou du moins y travailler. On chante sur un air de flamenco, « ce n’est pas la crise, c’est le capitalisme ». C’est dansant, ludique, festif. C’est toujours ça. Mais quel rapport avec la réalité ? Qu’était alors le capitalisme des 30 glorieuses ?  La question à se poser tourne bien sûr autour de l’identification, la caractérisation de cette crise. Qui est systémique. Ne vaut-il pas  mieux prendre conscience que nous sommes confrontés comme le signale Michel Aglietta est une « crise d’irréversibilité », ce qui signifie qu’on ne reviendra pas à la situation antérieure, à la bonne vieille croissance dont nous avons tous la nostalgie.

Qu’est-ce qui est révolu ?

« Ce qui désormais tombe en ruine est la société industrielle fondée sur l’opposition fonctionnelle entre, d’un côté, des producteurs prolétarisés, c’est-à-dire privés de savoir-faire, et de l’autre côté, des consommateurs eux-mêmes prolétarisés parce que structurellement privés de leurs savoir-vivre : ceux-ci sont remplacés par les modèles comportementaux que standardise le marketing – et qui généralisent l’irresponsabilité. Emportés dans l’organisation systématique de l’obsolescence et de la “jetabilité”, soumis à une constante pression à la baisse exercée sur le coût d’un emploi qui n’a plus rien à voir avec un travail, producteurs et consommateurs sont devenus inexorablement insolvables »

Bernard Stiegler : Capables et incapables

Dans un article intitulé Victor Hugo maintenant !, Annie Lebrun reprend son sujet  et évoque la question de l’absence d’alternative. Elle parle du « champ politique, où, de la droite à la gauche, il ne fait désormais aucun doute qu’il n’y a pas d’alternative à une crise, permettant de justifier toutes les conduites d’acceptation, voire de soumission, pour finalement ne s’occuper que de gérer une situation calamiteuse que, par là même, on travaille à installer ».
Et ce quelles que soient les appels incantatoires à la révolution.

TINA (There is no alternative)

L’anthropologue et économiste Paul Jorion explique :

« Lorsque  Margaret Thatcher prononça son fameux TINA, There is no alternative !, son propos avait au moins pour lui une certaine plausibilité : la social-démocratie avait pris ses aises et une bureaucratie satisfaite régnait sur une économie que tout dynamisme avait fui. Le TINA thatchérien, rapidement rejoint par son cousin reaganien, entendait signaler la résurrection de l’initiative individuelle, le retour triomphal de l’ “entrepreneur” et du rentier, qui annonçaient ensemble des lendemains qui chantent ».

On sait ce qu’il en advint : privatisations et dérégulation, profits réquisitionnés par les actionnaires, pour les autres redistributions des gains de productivité en stagnation, installant une démesure dans l’écart des revenus au profit d’une inflation de crédits.

« TINA nous promettait un avenir meilleur et cet espoir lui assurait sa légitimité. De manière absurde, TINA est à nouveau invoqué mais pour justifier cette fois le cauchemar qui accompagne l’échec cuisant du même programme néo-libéral. Il n’existait paraît-il aucune alternative à celui-ci dans sa phase triomphante, et il n’existerait aucune alternative à sa déconfiture dans sa phase actuelle d’effondrement : austérité, rigueur et éradication de l’État-providence devraient être accueillies avec les mêmes hourrahs qui avaient salué le retour sur le podium de l’entrepreneur et du rentier ».

Bernard Stiegler, dans son dernier livre, Etats de choc, Bêtise et savoir au XXIè siècle (Essai Mille et une nuits), établit un couplage entre la logique de résistance et le programme TINA qui liquidera le temps de socialisation de la technologie en organisant l’incurie de la puissance publique.

« TINA fut la déclaration de guerre économique faite par les puissances financières internationales à la terre entière mais aussi et d’abord à la pensée et à la raison que l’on a décidé de congédier en mettant en place un entendement automatique – celui qui nous a conduits à la déraison présente ».

Tous les appels à la résistance n’y font rien et pour cause.

« Ces discours de la résistance que l’on entend encore si souvent de nos jours étaient de fait comme la confirmation  qu’il n’y a pas d’alternative : ils disaient et disent toujours de nos jours que, en quelque sorte, oui, en effet, il n’y a pas aucune alternative, aucune invention à opposer à cet état de fait calamiteux, il n’y a plus rien à inventer, alors résistons tant que nous le pourrons – chacun cultivant sont petit coin de potager philosophique, artistique, etc (…) Ce dont a besoin de nos jours la jeunesse déclassée et indignée de l’être, c’est d’une pensée nouvelle, et non d’une répétition inévitablement fantasmatique de slogans historiques qui se vident d’emblée de tout contenu – c’est-à-dire de tout crédit ».

Il faut donc passer de la la logique stérile d’enfermement dans la résistance à l’invention. Qu’est ce qu’inventer ? Trouver quelque chose de nouveau. Ce qui nécessite un passage par l’imagination. Se débarrasser de son esprit borné pour libérer la vie. Pour inventer quoi ? Inventer des possibles

A moins qu’il ne faille inventer l’impossible

J’en étais arrivé là de mon texte, inventer des possibles, au sens où l’on dit aujourd’hui  qu’ « une monde possible est autre » qu’est arrivée la nouvelle revue de Michel Butel L’impossible comme pour nous signifier le manque d’utopie de nos possibles. Dans le premier numéro, Yann Moulier Boutand nous annonce que « l’impossible est en cours » en nous rappelant une  valeur essentielle qui nous rassemble : impossible n’est pas français.

« Les marges où nous enferment les divers sophismes du possible sont devenues si frêles et si déprimantes qu’on ne risque pas grand-chose à parier sur l’impossible. Non par bravade romantique, par goût aristocratique du panache mais “par un long, immense et raisonné dérèglement des tous les sens” qui nous permette d’arpenter ce qui se passe sous nos yeux ».

Cet impossible serait alors un ensemble de possibles déjà là mais que nous ne remarquons pas tout comme on ne voit pas la Lettre volée.

Le sociologue Immannuel Wallerstein avait défini la crise en s’appuyant sur la notion de bifurcation telle que l’utilise le physicien et chimiste Ilya Prigogine :

« Quand un système, biologique, chimique ou social, dévie trop et trop souvent de sa situation de stabilité, il ne parvient plus à retrouver l’équilibre et l’on assiste alors à une bifurcation. La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui dominaient jusqu’alors, et l’on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui  va le remplacer (c’est moi qui souligne). Je réserve l’usage du mot crise à ce type de période ».
Immanuel Wallerstein  ( Le Monde 11/10.2008)

Il y a des luttes à mener à l’intérieur même de ce qui est entrain de naître.