Tous sur les ponts (du Rhin)

Fukushima Fessenheim

Il n’est pas sûr au vu des derniers échos qui nous parviennent que nous aurons la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et encore moins celle d’autres centrales au terme de la loi sur la transition énergétique si tant est qu’elle s’appellera ainsi. Il vaut mieux le savoir avant d’aller voter. A ce propos, comment se fait-il que les candidats aux élections municipales de Mulhouse fassent silence sur cette question ? Ne sommes-nous par concernés ? Qui va nous distribuer de l’iode ? Où sont d’ailleurs les stocks nécessaires ?
Non seulement le lobby nucléaire est loin d’avoir cessé son activisme intense à l’instar de Henri Proglio, PDG d’Edf, qualifié par Delphine Batho de « ministre fantôme de l’énergie », il a ses soutiens au sein même du gouvernement. A coup de modifications des éléments de langage et de changement de critères temporels, il risque d’en aller sur cette question comme de celle de l’inversion de la courbe du chômage où contre toute évidence a été maintenue jusqu’au bout une affirmation dont on savait pertinemment qu’elle ne sera pas tenue.

Le Monde écrivait récemment :

« M. Martin, ministre de l’écologie, a beau avoir l’énergie dans son portefeuille, le dossier est directement piloté par l’Elysée qui organise des réunions où sont aussi conviés Pierre Moscovici (économie), Bernard Cazeneuve (bugdet) et Arnaud Montebourg (redressement productif).
Décidé à faire de la France un pays « sobre en carbone » et à diversifier son mix énergétique – notamment en faisant monter en puissance les énergies renouvelables –, M. Hollande s’est engagé à réduire de 75 % à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire d’ici à 2025 et à fermer la plus ancienne centrale française, Fessenheim, en Alsace. Autant de promesses saluées par Europe Ecologie-Les Verts qui, du coup, parie sur la fermeture d’une vingtaine de réacteurs.
Le plan concocté à l’Elysée risque fort de les décevoir. Son principe reprend l’esprit de l’une des phrases du discours prononcé en septembre 2013 par le chef de l’Etat, lors de la deuxième conférence environnementale : « La loi sur la transition énergétique se bornera à poser le principe d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire. »
Nombre d’observateurs ont considéré alors que le président de la République précisait les choses concernant la fermeture des deux réacteurs alsaciens – prévue fin 2016, mais compensée par la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche). En réalité, la démarche se veut plus large. »
Cf Le Monde : Nucléaire : les manœuvres de l’Elysée

C’est là que la question du changement de langage refait son apparition :
1° Il n’a jamais été dit que des centrales nucléaires fermées ne seraient pas remplacées par d’autres centrales nucléaires d’autres générations :

« Plusieurs autres centrales pourraient être fermées, celles dont le prolongement au-delà de quarante ans coûterait trop cher à EDF sommé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de les mettre aux normes post-Fukushima. « Nous savons bien que l’ASN mettra son veto au prolongement de certains réacteurs, sauf à y réinvestir des sommes énormes. Autant devancer, par conséquent… », confirme un industriel proche du dossier.
Des centrales stoppées donc, mais remplacées, sur les mêmes sites (ce qui permet de bénéficier du réseau des lignes à haute tension déjà en place), par des EPR de troisième ou quatrième génération, afin de maintenir une puissance du parc constante. Quant à la chute à 50 % de l’atome dans le mix électrique d’ici à 2025, le raisonnement du PDG d’EDF, Henri Proglio, a visiblement fait mouche auprès de plusieurs ministres : la part relative du nucléaire diminuera mécaniquement en raison de la hausse de la consommation d’électricité liée aux nouvelles technologies et à une population forte de 6 millions d’habitants supplémentaires”.

2) Remplaçons l’expression transition énergétique par stratégie bas carbone

“Cette confiance renouvelée dans l’atome permet, selon les arguments développés par les ministères de l’économie et du redressement productif, de continuer à booster la compétitivité du tissu industriel français grâce à un prix de l’électricité inférieur à celui de nos voisins européens. Qui plus est, la construction de nouveaux EPR va faire de l’Hexagone une vitrine pour les champions industriels de la filière nucléaire (Areva, EDF, Vinci, Alstom, etc.) en quête de marchés à l’exportation. « Enfin, explique un conseiller ministériel, l’atome s’inscrit parfaitement dans la logique de la transition énergétique puisque le nucléaire est une énergie qui n’émet pas de CO2. » Les éléments de langage ont été peaufinés : la loi sur la transition énergétique est ainsi devenue « une loi sur la stratégie bas carbone ».
Cf Le Monde même article

Consommez, consommez, faites fi des économies d’énergie, plus vous consommerez, plus, mécaniquement, la part du nucléaire baissera.

Aux arguments « économiques » viennent de s’ajouter des arguments juridiques. Notamment celui qui voudrait que la loi ne peut intervenir pour ordonner la fermeture d’une centrale pour un motif autre que de sécurité. Or l’on sait qu’officiellement la centrale de Fessenheim est “sûre”.

M. Jean-Michel Malerba, nouveau délégué général pour la fermeture de Fessenheim, a indiqué qu’un troisième motif de fermeture pourrait être la politique énergétique, à l’initiative de l’Etat… la réduction de la part du nucléaire à 50% à horizon 2025 relève de la politique énergétique.
Le ministre de l’Ecologie M. Philippe Martin a pour sa part déclaré que « la loi sur la transition énergétique prendra les dispositions pour que cette fermeture soit effective. Il est temps que les responsables politiques reprennent la main sur les décisions énergétiques de la France ».
Le lobby nucléaire a reçu sur ce plan un renfort juridique : Mounir Meddeb, Avocat à la Cour nous explique qu’ « une loi ne pourrait pas fonder la décision de fermer une centrale nucléaire pour des raisons politiques » :

« Dans l’esprit de M. Malerba et de M. Martin, il semble paraître évident qu’une loi est de nature à permettre la fermeture d’une centrale pour des motifs autres que la sécurité.
Rien pourtant ne semble moins évident.
Qu’une loi régisse les modalités d’une fermeture d’une centrale nucléaire et de son démantèlement pour des raisons liées à la sécurité, cela n’est pas contestable.
En revanche, ce qui est contestable, est qu’une loi décide de cette fermeture pour des motifs autres que la sécurité.
En effet, une telle loi viendrait ordonner la destruction d’un actif industriel, propriété d’une société privée pour des motifs politiques.
L’Etat est décisionnaire en matière de choix stratégiques concernant la politique énergétique en général et le mix énergétique en particulier.
A ce titre, l’Etat peut réorienter ses efforts en matière de financement, de recherche et développement ou de soutien vers telle ou telle filière.
L’Etat peut également accroitre les conditions pour autoriser la construction d’une centrale nucléaire ou même décider que, désormais, aucune autorisation ne sera octroyée pour la construction de telles centrales.

En revanche, par le biais d’une loi, l’Etat ne pourrait ordonner la fermeture d’une centrale parce que le mix énergétique doit être recomposé.
Une telle loi irait en effet à l’encontre du droit même de propriété tel que garanti constitutionnellement.

En effet, l’article XV II de la déclaration des droits de l’homme dispose que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Or, cette nécessité publique n’est pas démontrée. »
Source

C’est pas beau ça ? On nous affirme d’abord que la politique doit reprendre ses droits pour nous expliquer ensuite que ah mais non, elle ne peut pas toucher au droit sacré de la propriété privée.
Nous avons déjà souligné ici combien la politique ultralibérale a précisément consisté à priver la politique de ses attributs notamment dans le domaine économique. Pour ce qui est de la reprise en main de l’énergie par la politique, on attendra les lendemains d’élection pour voir ce qu’il en sera.

A Fukushima, cela fait trois années que la catastrophe n’en finit pas de finir. Il faut le rappeler sans cesse aux autruches qui nous gouvernent, la tête dans le sable.

Pour cela, rendez-vous sur les ponts du Rhin.

Pour toutes les infos, voir le flyer  : Flyers-mars-2014-7-ponts

La transition énergétique : du nucléaire au nucléaire (2)

 Pendant que les élus d’Europe Ecologie les Verts s’évertuent à réclamer de la transparence, nous nous proposons de commencer par lire ce qui est déjà exprimé. Nous avions déjà évoqué l’idée que se prépare une transition énergétique du nucléaire au … nucléaire. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français, dans un entretien au journal Le Monde, le confirme, en évoquant l’intérêt d’un “changement de paradigme” pour la conception des centrales tout en restant dans le cadre de l’énergie nucléaire. En voici l’extrait pour mémoire :

“Le nucléaire a-t-il encore un avenir ?
Fukushima ne remet pas en cause l’utilisation de la fission nucléaire comme source d’énergie. Mais il faut des technologies éliminant les risques d’accident aussi grave. Cela demande peut-être de changer de paradigme, d’imaginer d’autres types de réacteurs et d’arrêter la course à la puissance.
L’EPR français est pourtant plus puissant que les réacteurs actuels.
N’est-il pas plus sûr ?
Il est plus sûr parce que sa conception tient compte des accidents graves et prend en compte la gestion de tout son cycle de vie, démantèlement compris. Ses innovations expliquent en partie, comme pour tout prototype, l’augmentation des coûts et des délais. Mais, avec une puissance thermique de plus de 5 000 mégawatts , on arrive à des quantités gigantesques d’énergie stockées dans le coeur du réacteur. Pourquoi ne pas réfléchir pour l’avenir, à côté de l’EPR, à des réacteurs plus petits dont le combustible, même très endommagé, resterait confiné dans la cuve en cas d’accident ?”

Extrait de Nucléaire : “Il faut arrêter la course à la puissance et imaginer d’autres types de réacteurs”. LE MONDE |

La transition du nucléaire au … nucléaire

Nous vivons dans un pays formidable, on ne le dit pas assez.
Non seulement nos douaniers arrêtent les nuages radioactifs -à défaut de débusquer les trafiquants de viande de cheval – mais nos ingénieurs – des Ponts et Chaussées – ne ferment que des centrales nucléaires absolument sûres.
Qu’on se le dise !
Quant à nos députés UMP locaux, quand ils sortent de leur hibernation, ils vont enfin se préoccuper de faire rouler les trains à pleine vitesse.
Nous avons déjà dit l’essentiel de ce que nous a révélé Francis Rol-Tanguy, délégué interministériel en charge d’organiser la fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim.
En résumé, le lobby nucléaire a remporté une victoire en imposant à François Hollande un changement d’argumentaire. Désormais, on ne ferme plus la Centrale nucléaire de Fessenheim en raisons de faiblesses et de fragilités aggravés par sa présence problématique dans une zone sismique, en contrebas du Canal, et parce qu’il devient absurde d’accumuler des travaux dispendieux mais parce qu’il faut introduire un rythme de fermeture conjointement à des ouvertures de centrales atomiques. D’ici à ce qu’on fasse coïncider la fermeture de Fessenheim avec l’ouverture de l’EPR de Flamanville dont l’échéance impérative est celle d’avril 2017 !
Voilà définie la transition énergétique.

« Francis Rol-Tanguy, écrit le journal l’Alsace (23 février2013), balayant d’un revers de main ironique la référence du candidat Hollande au risque sismique, en rappelant qu’il était en campagne, il estime que les raisons de la fermeture sont claires, au moins depuis le 12 décembre : la transition énergétique, la nécessité d’anticiper le vieillissement du parc nucléaire français. 48 des 58 réacteurs actuels ayant été mis en service entre 1977 et 1989, il s’agit d’étaler dans le temps des fermetures inévitables, afin de pouvoir faire face aux investissements nécessaires à leur remplacement ».

Exit le risque sismique ! Ce n’était qu’une blague de campagne électorale ! Sont marrons ceux qui ont cru qu’elle(la campagne) était sérieuse.
Repousser les échéances, comme on le fait, impose de faire faire les travaux de sécurisation exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire. Ce qui serait franchement ubuesque mais dans la logique de la méthode proposée.
Il y a une autre étrangeté dans le discours que l’on nous sert. Elle consiste à faire comme si l’Etat n’avait plus rien à dire au Conseil d’administration d’EDF. Tout de même surprenant, non ? Quand on sait que dans la répartition du capital d’EDF, l’Etat détient 84,5 %. Et on fait comme si on ne pouvait pas demander dès maintenant à l’entreprise d’électricité d’y mettre du sien ?
On en vient à se demander si ne règne pas, dans le domaine nucléaire, la même « stupidité ou bêtise fonctionnelle » que celle relevées dans la gestion des finances.
Sur ces entrefaites voici que débarquent, sortis tout droit de leur hibernation, nos trois députés UMP locaux. Michel Sordi, Eric Straumann et Antoine Herth.
Contentons-nous de relever le chantage assez vulgaire auquel s’est livré ce dernier :

« Selon Antoine Herth, écrit le journal L’Alsace (24 février 2013) l’arrêt de la centrale de Fessenheim fragilisera les grandes usines installées dans la bande rhénane, grosses consommatrices d’énergie électrique. Au point que certaines, qu’il refuse de citer, s’interrogeraient sur leur avenir dans la région. La ligne de chemin de fer entre Strasbourg et Bâle pourrait aussi souffrir de cette baisse de la production locale. « Le réseau est déjà faiblard du côté de la Suisse, ce qui empêche les trains de rouler à pleine vitesse. » Enfin, si la centrale ferme, « il faudra construire une seconde ligne à haute tension pour acheminer l’électricité importée d’autres régions. Or ce sujet n’a pas été évoqué jusqu’à présent, et cela posera un problème paysager pour la population. »

Zorro est arrivé. !
Où était-il pendant les 99 jours (du 30 juillet au 06 novembre 2011) où les deux réacteurs de Fessenheim étaient à l’arrêt ? Les grosses entreprises “tenues secrètes” par A. Herth étaient certainement à l’arrêt, elles aussi, et en chômage technique ! Et le train entre Bâle et Strasbourg n’a sans doute pas roulé une seule fois !
Qu’a fait alors Monsieur Herth ? Etait-il en hibernation ?
Qu’entreprend-il d’ailleurs pour faire en sorte que les trains circulent et que les usines soient alimentées malgré les arrêts si fréquents et le peu de rendement de la centrale ?