Le fruit du mois : La pomme ou le mystère oublié.

Magie et poésie de la pomme

Quoi de plus banal qu’un pomme dans sa grande surface. Pomme déchue, monotone, portant son ennui, achetée sans grand respect, dégustée sans grand enthousiasme, ramassée avant maturité et conservée industriellement au froid et sous atmosphère contrôlée plusieurs mois, presqu’une année pour certaines. Cela dit, la pomme est un des très rares fruits disponibles toute l’année. Et dans les périodes de creux fruitier de fin d’hiver, elle est quand même plutôt la bienvenue. Pourtant, il existe, mais en leur saison, de très nombreuses variétés, dont un grand nombre très gouteuses. La pomme est en effet un des fruits les plus anciens et dont l’histoire, notamment symbolique, est extrêmement riche.

Il ne sera pas question ici de revenir sur les différentes mythologies qui lui sont liées et qui courent, très souvent au mot près, de nombreux sites. N’était-ce pas, dans la légende, le premier fruit ? De son rôle avec Eve, qui ne put s’empêcher de vouloir « savoir », avec toutes les conséquences que l’on sait, à celui, impressionnant quoiqu’indirect, que lui fait jouer la mère de Marlène dans le Conte du genévrier de Grimm, en passant par la pomme de discorde ou celle de Blanche Neige, on aurait parfois plutôt intérêt à passer son chemin. Et pourtant elle est aussi pomme d’Api et pomme d’amour, liée au mariage, à la fécondité et, dans ce sens, à la magie blanche (philtre d’amour).

« La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari, qui était près d’elle, et il en mangea. Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent. » Genèse III-6

Le fils de l’homme (or nous sommes tous fils d’Adam) l’aurait-il reçu en plein poire ?

Magritte dit lui-même de cette oeuvre :« Toute chose ne saurait exister sans son mystère. C’est d’ailleurs le propre de l’esprit que de savoir qu’il y a le mystère. (…) Une pomme, par exemple, fait poser des questions. (…) Chaque chose que nous voyons en cache une autre, nous désirons toujours voir ce qui est caché par ce que nous voyons. Il y a un intérêt pour ce qui est caché et que le visible ne nous montre pas. Cet intérêt peut prendre la forme d’un sentiment assez intense, une sorte de combat dirais-je, entre le visible caché et le visible apparent. » (Les mots et les images “La Révolution surréaliste”)

Pomum est le nom générique pour fruit en latin. Pomme se dit malum. Comme quoi il a toujours été mal de vouloir ouvrir son intelligence ! Si cela est vrai dans la bible (Ve siècle) et a donc marqué l’humanité religieuse de son sceau, cela reste bien vrai aussi dans nos sociétés néolibérales de gestion des ressources humaines.

Voilà donc bien l’ambiguïté magique de la pomme, symbole féminin par excellence, pomme offerte en guise de rose rouge, pentagramme des magiciens, salut de santé chez les pythagoriciens, pomme d’or du jardin des Hespérides, porteuse d’immortalité, ou pomme d’or des alchimistes, sans oublier celle de Blanche Neige et encore moins celle du Conte du genévrier de Grimm déjà citées.

La pomme a également beaucoup inspiré les poètes, de Prévert, dit par Yves Montand (La promenade de Picasso qu’on peut entendre sur le site de l’INA ) à Raymond Queneau (« C’est mon po »).

C’est mon po – C’est mon po – mon poème
Que je veux – que je veux – éditer
Ah je l’ai – ah je l’ai – ah je l’aime
Mon popo – mon popo – mon pommier

Oui mon po – mon po – mon poème
C’est à pro –à propos d’un pommier
Car je l’ai – car je l’ai, car je l’aime
Mon popo – mon popo – mon pommier

Il donn’des – il donn’des – des poèmes
Mon popo – mon popo – mon pommier
C’est pour ça – c’est pour ça – que je l’aime
La popo – la popomme – au pommier

Je la sucre – et j’y mets – de la crème
Sur la po – la popomme – au pommier
et ça vaut – ça vaut bien – le poème
Que je vais – que je vais – éditer

Raymond Queneau – Le chien à la mandoline -1965 Gallimard Ed.

Magie de la nutrition et de la santé

La pomme est nutritionnellement intéressante par ses apports en pectine, régulatrice du transit intestinal et piège pour un certain nombre de molécules dont le cholestérol et les sels biliares, en vitamines (C mais aussi E, procarotène ou folacine, en proportions variant malheureusement de 1 à 10 selon les cultivars, surtout contenues dans la peau pour la majorité) et en antioxydants. Mais on lui a attribué, comme à beaucoup d’autres d’ailleurs également, des bienfaits sont on peut se demander s’ils ressortent du domaine scientifique ou de son inconscient magique. C’est notamment le cas de son effet sur le cholestérol dont elle permettrait une baisse dans le sang de seulement 10%, ce qu’on semble imposer à une quantité de personnes dont les taux sont très loin d’être en fait problématiques ! Cela dit, les pommes reviennent moins cher au citoyen que les statines, et elles peuvent être largement meilleures. Alors pourquoi pas ?

Du point de vue santé, à en croire l’ensemble des informations reprises intégralement par l’ensemble des sites, un pomme par jour permettrait d’éviter cancer colorectal, du sein, des poumons, maladies cardio-vasculaires, asthme, bronchites chroniques, hypertension, diabète, goutte, arthrite et autres maladies d’Alzheimer.
Certaines sont intéressantes, quoiqu’à à pratiquer avec modération : « Le fameux « trou normand », le petit verre de Calvados que l’on avale au milieu d’un repas plantureux pour « faire de la place » a fait ses preuves. L’acide malique qu’il contient provoque un afflux biliaire qui libère l’estomac des graisses qui l’encombrent. »
D’autres posent plus de questions : « La silice qu’elle contient en fait un fortifiant des ongles et des cheveux. »
Mais, Dieu merci aussi «elle purifie l’haleine » !
Ouf ! Sauvé !
Si certains effets sont réellement à prendre en compte du fait de la composition en antioxydants, pectine, polyphénols et vitamines, mais à condition d’en manger tous les jours, pas n’importe quelle variété et avec la peau, il est donc souvent très amusant de lire les discours pseudo scientifiques liés aux diverses études présentés dans ces sites et on ne peut, dans ce sens, que les recommander. Là, croquer la pomme n’ouvre certainement pas l’intelligence ! Pourtant, c’est bien ce que propose l’un d ‘entre eux qui va jusqu’à s’appeler Ventre plat, un Magazine Pour Les Personnes Intelligentes Et Belles ! Femmes,jeunes ou moins jeunes, puisque c’est surtout à vous que le discours s’adresse, à juste ou à mauvais titre, vous voyez ce qu’il vous reste à faire !
Il est vrai que dans la médecine populaire, elle pouvait aussi soigner magiquement les hémorroïdes !

Recettes

Pomme en entrée :
Tranche de foie gras sur pomme et céleri

Ingrédients pour quatre personnes : 4 tranches de céleri rave d’un demi centimètre d’épaisseur et de 7 centimètres de diamètre (ou diamètre d’une demi-pomme ; deux pommes (de préférence grany smith pour l’acidité) ; une tranche de foie gras d’un diamètre correspondant à celui de la pomme. Julienne de carotte (une carotte pour quatre) pour la décoration ; eau de fleur d’oranger.

Préparation :
Couper la carotte en fine julienne ; les fondre à la poêle à feu doux avec épices douces (à couscous par exemple) en déglaçant avec un peu d’eau de fleur d’oranger en faisant attention de garder la couleur et un certain niveau de fermeté. Avant de servir, rajouter un peu d’eau de fleur d’oranger fraîche pour renforcer l’arôme.
Cuire les tranches de céleri à l’eau citronnée de façon à les garder assez fermes (environ 20mn). Peler les pommes et en couper, dans le plus grand diamètre, 4 tranches épaisses d’un centimètre. Les poêler doucement au beurre sans trop les colorer et en les assaisonnant de poivre de séchuan (environ 5 à 6mn sur chaque face). Les réserver au chaud. Poêler les tranches de foie gras 45 secondes de chaque côté dans une poêle très chaude de façon à bien les saisir et à perdre un minimum de matière.

Dressage :
Sur une assiette disposer une tranche de céleri, puis, au dessus, la pomme et, enfin, la tranche de foie gras. Disposer la julienne de carottes régulièrement autour du dispositif. Servir chaud.

Pomme en dessert  :
Tartelettes de pommes à l’anis et cardamone, sorbet au citron

Ingrédients (pour 8 tartelettes) : 240g de farine, 180g de beurre, 50 ml de lait, un jaune d’œuf, une cuillérée à café de sel, une de sucre, anis vert, quatre pommes (reine de reinette, canada, chanteclerc ou autre golden par exemple)

Préparation :
Malaxer le beurre (mis à température ambiante) avec l’anis vert, le sel et le sucre jusqu’à obtention d’une crème bien homogène ; rajouter alors le lait par petite quantité puis le jaune d’œuf jusqu’à homogénéité; rajouter enfin la farine sans pétrir jusqu’à obtention d’une boule. Laisser reposer au moins deux heures au frais.
Etaler la pâte et garnir le fond des moules à tartelette.
Couper les pommes en deux ; de chaque moitié enlever une fine tranche ; peler chaque moitié et en déposer une sur chaque moule. Garnir éventuellement les espaces libres avec les tranches pelées et coupées en très petits morceaux.
Cuire 10mn à 220°C.
Pendant ce temps préparer le flan en battant 60g de sucre avec 2 œufs puis en un mélange de 50ml de lait et 150ml de crème.
Sortir les tartelettes du four, ajouter le flanc en prenant garde de bien soulever les demi-pommes pour que le flanc pénètre en dessous et de bien les recouvrir pour obtenir une belle coloration.
Continuer la cuisson un quart d’heure à vingt minutes suivant le goût.
Laisser refroidir.
Servir avec une quenelle de sorbet citron (voir Citron : l’exotisme dans la banalité)

Ces tartelettes supportent bien la congélation et peuvent ainsi être conservées quelque temps sans problème.

Pierre-Marie Théveniaud

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