LA TASSE A THÉ…

…et sa recette de larmes au thé matcha, pomme caramélisée et jus au jasmin, accompagné d’un palet à la fleur d’oranger et de thé Tuocha à la fleur de lotus.

La tasse à thé, roman d’Albert Kaempfen (auteur du XIXe siècle né deux ans avant Jules Vernes, nous emmène dans une série d’aventures dont on n’a pas envie de sortir avant la fin. Tout tourne autour d’une tasse à thé particulière cassée par maladresse et qui va emmener sir Edmund Broomley dans un voyage presqu’initiatique jusqu’en Chine où il espère ainsi retrouver cette tasse ancienne, ce qui lui permettra de reconquérir et d’épouser enfin sa très intransigeante fiancée. (La tasse à Thé – Albert Kaempfen – illustrations de Worms, préface de Gilles Brochard – Connaissance et mémoires Européennes)

Dessin tasse à thé“Miss Aurora s’approcha de sir Edmund Broomley et lui présenta une tasse de thé.
Sir Edmund avança la main ; mais, ses doigts
ayant effleuré ceux de miss Aurora, sa main trembla légèrement, de sorte que la tasse lui échappa au moment où il la prenait, et se brisa en petits morceaux sur le parquet.
M.
Simpson, qui dormait sur le Times, et Mme Simpson, qui dormait sur son tricot, relevèrent la tête en même temps et laissèrent échapper tous deux cette courte phrase : «Oh ! qu’est-ce que cela?»
Sir Edmund était resté muet, les yeux fixés à terre.
Il secouait machinalement sa main droite sur laquelle le thé brûlant s’était répandu.
« En vérité ! vous êtes d’une maladresse, sir
Edmund ! s’écria miss Aurora avec une vivacité extrême : voilà la plus admirable demi-douzaine de tasses qu’on eût jamais fabriquée en Chine, dépareillée par votre faute. Sir Edmund, je vous le jure, je ne serai pas votre femme avant que vous ne m’ayez rapporté une tasse exactement semblable à celle que vous venez de casser, dussiez-vous aller jusqu’à Pékin pour la trouver.
– Oh !   c’est un   peu loin,   mon   enfant,   dit
Mme Simpson.
– C’est même   beaucoup   trop loin, » ajouta
M. Simpson.

Sir Edmund Broomley ne fit aucune réflexion, ramassa tranquillement les débris de la tasse, les mit soigneusement dans sa poche, causa de l’insurrection de l’Inde avec M. Simpson, et, à l’heure accoutumée, se leva, salua gravement son futur beau-père et sa future belle-mère, baisa fort délicatement le bout des doigts de miss Aurora et se retira.

Le lendemain, dès huit heures du matin, il prit un cab, courut pendant toute la journée les magasins de chinoiseries de Londres, ne rentra chez lui qu’à l’heure du dîner, mangea de bon appétit, et, son repas achevé, écrivit le billet suivant :

« Miss Aurora,
Je n’ai pas découvert à Londres de tasse à thé
exactement semblable à celle que j’ai eu le malheur de casser hier. Je vais à Paris; si mes recherches n’ont pas un meilleur résultat qu’à Londres, je m’embarquerai pour la Chine, suivant votre désir. Attendez-moi deux ans, et si je ne reviens pas, ne songez plus à moi.
Votre fidèle ami et fiancé,
Edmund Broomley.
»

Sir Edmund relut le billet et le cacheta avec un cachet portant sa devise qui était : Décision. Puis il sonna son valet de chambre. Celui-ci entra :
« Robert ! lui dit-il, je pars dans une heure, faites
ma malle et mon sac de nuit. Vous mettrez dans mon nécessaire de toilette six rasoirs au lieu de deux, parce qu’il se pourrait que j’allasse jusqu’en Chine. » Tendant ensuite la lettre au domestique, il ajouta : Demain, à dix heures du matin, vous porterez ce pli à son adresse.

— Bien, Monsieur,” dit Robert qui prit la lettre et se retira.

Sir Edmund ouvrit alors un album relié en cuir de Russie, et y écrivit ces lignes :

« 27 décembre 1859.
« Je n’ai pas trouvé la tasse. Je pars ce soir pour le continent. S’il le faut, j’irai jusqu’en Chine, et miss Aurora comprendra qu’elle a eu tort et qu’il n’est pas bien de prononcer certaines paroles. Peut-être, à mon retour, aura-t-elle épousé quelque fat assez doué de sang-froid pour ne pas trembler en la regardant, et ne pas casser ses tasses. S’il en est ainsi, ce sera la preuve qu’elle ne m’aimait pas
véritablement, et alors j’aurai eu raison d’aller en Chine.”

La tasse à thé – A. Kaempfen – extrait

 

Sir Edmund Broomley a-t-il eu raison d’aller en Chine ? Hors de ce questionnement, le dénouement, qui pourrait se trouver surprenant a priori, pousse à une bien autre réflexion.

Recette

Les thés proposés dans cette recette, comme les fleurs de jasmin, se trouvent dans toutes les bonnes boutiques de produits asiatiques. Le Thé matcha est un thé vert en poudre qui peut donc facilement se rajouter aux aliments. Il est fait de feuilles de thé cultivées à l’ombre et cuites à la vapeur. A l’abri de la lumière du soleil, les feuilles deviennent plus sombres mais aussi plus chargées en caféine.

Le thé Tuocha de Yunnan développe des arômes plus puissants, d’autant plus que parfumé à la fleur de lotus, et prend une couleur rouge à l’infusion.

Larme matcha 3

Cette recette est très facile à réaliser, même si plusieurs préparations sont à réaliser.

Pana cotta au thé macha

Faire bouillir 400 ml de crème. Rajouter 6 cuillérées de thé matcha. Bien fouetter. Rajouter 10g de gélatine (préalablement hydratée pendant 5 mn et en faisant attention de ne pas l’incorporer dans la crème bouillante). Bien mélanger. Laisser refroidir. Avant la prise définitive, couler dans un cadre en forme de larme dont le fond est éventuellement garni avec un demi centimètre de biscuit (même pâte que les palets et à cuire dans le même temps) et les parois bien graissées. Laisser prendre au froid pendant quatre heures au moins.Cadre larmeJus au jasmin

Préparer un petit sirop avec 200ml d’eau et 25g de sucre. Rajouter une petite poignée de fleurs de jasmin séchées. Laisser infuser. Filtrer ou passer au chinois.

Palet à la fleur d’oranger

Ingrédients pour environ 15 palets (suivant la taille) : 1 œuf, 60g de sucre, 60g de farine, une demi-sachet de levure chimique, une cuillerée à café de fleur d’oranger.

Séparer le blanc du jaune et réserver le blanc au froid. Battre le sucre et le jaune d’œuf, rajouter la fleur d’oranger puis la farine à laquelle on a mélangé la levure chimique. Battre les blancs en neige très ferme. Les rajouter délicatement à l’appareil précédent. A l’aide d’une poche à douille ou d’une cuillère à café, disposer des petits tas sur une plaque de cuisson. On peut aussi couler de la pâte dans le fond d’un cadre en forme de larme, ce qui permettra de garnir le fond avant moulage de la pana cotta (humecter alors ce fond avec un peu de crème afin d’éviter le durcissement). Cuire à 180°C pendant une petite dizaine de minutes, suivant la coloration souhaitée (brunissement plus ou moins prononcé).

Pomme caramélisée

Dans une poêle, mettre à fondre beurre et sucre. Faire revenir les demi pommes côté coupe. Laisser caraméliser jusqu’à blondeur en arrosant régulièrement le dessus convexe du fruit. La servir plutôt tiède.

Dressage :

Sur une assiette, disposer la larme sur laquelle on pose une fleur de jasmin, la demi pomme caramélisée, un palet et un peu de jus au jasmin entre ces éléments. Servir avec une tasse de thé Tuocha.

Pierre-Marie Théveniaud