La cerise sur le cake

Le temps des cerises est enfin arrivé. On finissait par ne plus y croire, repensant aux beaux jours de début d’été où, enfants, des heures se passaient perchés en haut des cerisiers à tacher ses vêtements. Les cerises du haut, noires et juteuses étaient bien sûr les meilleures puisque c’était celles que dévoraient les oiseaux. Les hautes branches, fragiles, suscitaient bien évidemment les hauts cris de la gente parentale et grand parentale qui laissaient cependant faire, en ces années qui n’étaient pas encore de précaution.

Une belle légende dit d’ailleurs que ce sont eux, les oiseaux, qui, du lointain orient, nous ont amenés dans leurs becs les fertiles noyaux. En en laissant tomber de place en place, ainsi seraient nés nos cerisiers.
Le temps des cerises est aussi celui de la chanson que tous connaissent, et donc aussi celui de la Commune de Paris comme la chante Riton la Manivelle (Riton la Manivelle chante la Commune – spectacle des Merles Moqueurs – mai 2013)


Pierre Sansot l’évoque également merveilleusement :

« Un arbre de liberté et d’espoir, d’une espérance que l’on pressent fragile. Nous chantions, enfants, Le Temps des cerises. Nos parents et grands-parents en connaissaient les paroles, et pourtant la chanson n’avait pas vieilli. Ainsi la liberté n’a-t-elle jamais été inaugurée et renaît-elle à chaque instant, à chaque génération du monde. Il y avait cependant de la mélancolie dans sa partie musicale. Nous paraissions disposer d’un avenir, mais notre présent rejoignait déjà un passé où il s’abolirait à titre d’images. C’est pourquoi je ne fus pas étonné quand j’appris que cette chanson avait été celle des communards. Je savais déjà que nous étions destinés à voir nos espoirs déçus. Je continuais cependant à confondre dans mon esprit le goût de la liberté, celui des bonheurs simples et l’image du peuple. »
(Pierre Sansot Jardins publics Petite bibliothèque Payot Pages 220-226

Au vu de la brièveté de la saison, la cerise est le fruit de cueillette par excellence. C’est celui qu’on rapporte de son jardin aux amis, voire collègues de travail, le fruit du clafoutis, de la tarte aux cerises. C’est un fruit connu depuis le paléolithique. Les cerises auraient alors pu être pressées pour en faire un vin. On a retrouvé également les traces d’une telle pratique en Turquie au VIe siècle avant J-C. Pratique vite abandonnée au profit du raisin.

Les cerises ont été toujours été appréciées, de l’antiquité à nos jours, en passant par le Moyen-âge et le XVIIe siècle. Elles étaient particulièrement appréciées de Louis XIV. Monet en cite trois recettes dans ses carnets de cuisine dont une, le pain de cerises, qui ne peut être plus simple.

Malheureusement, comme pour l’ensemble des fruits, s’il en existe 200 variétés, une douzaine seulement est cultivée et peu sont mises sur le marché. En fait, très globalement, on distingue trois catégories principales : les bigarreaux (dont l’incontournable Burlat), fermes et juteuses, les griottes, plus acides, et les merises, la saison s’étalant de mi-mai à mi-juillet.
Les cerises ont toujours été connues pour leurs propriétés diurétiques (tisane de queues de cerises de nos grand-mère), voire dépuratives comme l’écrit déjà Pline l’ancien :

« Les cerises relâchent le ventre, et ne valent rien pour l’estomac; sèches, elles resserrent le ventre et sont diurétiques. Suivant certains auteurs, si le matin l’on mange des cerises toutes couvertes de rosée, et dont on avale le noyau, cela procure des évacuations alvines qui dissipent la goutte des pieds. »
PLINE L’ANCIEN HISTOIRE NATURELLE. TOME SECOND. LIVRE XXIII Traduction française : É. LITTRÉ LXXII. 1.

Recettes

Palette de porc à la broche, aubergines à l’origan frais et cerises au vinaigre

Cerises au vinaigre

Pour 1 Kg de cerises
Faire bouillir 1/2 litre de vinaigre (blanc ou vinaigre de vin) avec 400 g de sucre, un bâton de cannelle, 2 clous de girofle et deux ou trois lames de zeste de citron. On peut éventuellement ajouter d’autres épices à son goût. Laisser bien infuser. Laisser tiédir.
Equeuter les cerises en laissant 1 cm de pédoncule. Bien les laver et les ranger dans un bocal en verre (qui puisse éventuellement être stérilisé). Verser dessus le vinaigre, passé éventuellement au chinois, et fermer hermétiquement. Attendre une à deux semaines avant consommation.
Pour une conservation un peu plus longue, il est recommandé de pasteuriser les bocaux 5 mn à l’autocuiseur.

Cuisson de la palette

Dans un bol, préparer un mélange de miel, de nuoc-man ou de sauce soja et de poivre de Sichuan. Embrocher la palette fraîche et entière. Bien la badigeonner de ce mélange au pinceau. Cuire pendant ¾ d’heure à 300°C en arrosant régulièrement. Baisser ensuite la température à 200°C et laisser cuire encore ½ heure à ¾ d’heure suivant grosseur.

Cuisson des aubergines

Tailler les aubergines dans le sens de la longueur en tranches de 1 cm d’épaisseur. Les passer à l’huile d’olive rapidement sur les deux faces dans une sauteuse très chaude. Baisser le feu, rajouter deux ou trois gousses d’ail écrasées et de l’origan ciselé. Laisser fondre doucement (en rajoutant toutefois un peu d’eau si nécessaire pour éviter un brunissement trop important) mais de façon à les garder encore relativement fermes.

Dressage

Sur une assiette, disposer trois tranches de palettes, deux tranches d’aubergine et six cerises au vinaigre. Déposer de l’origan frais (en feuilles ou ciselé) sur les aubergines.

Cake aux griottes et au pavot

Ingrédients pour un cake de 28 cm :

100 g de pavot bleu
200 g de beurre
300g de farine
½ sachet de levure chimique
150 de sucre
4 œufs
500g de griottes au sirop (à défaut de bigarreaux fermes)

Pour les cerises :

Les griottes au sirop peuvent être achetées directement dans le commerce. Sinon, bien les laver, les équeuter, les dénoyauter et les pocher dans un sirop dense (500g de sucre pour 300 ml d’eau). Porter le sirop à ébullition pendant 10 minutes. Eteindre le feu. Mettre les cerises dans le sirop et les laisser refroidir.

Pour le cake :

Bien mélanger la farine avec la levure et 75g de pavot.
Faire ramollir le beurre. Bien le mélanger au sucre et ajouter les œufs un à un. Ajouter le mélange de farine. Bien mélanger. Ajouter ensuite les cerises bien égouttées et enrobées d’un peu de farine pour une bonne répartition dans la pâte. Verser le tout dans un moule à cake préalablement beurré. Répartir uniformément en surface le pavot restant.

Enfourner dans un four préchauffé à 250°C et baisser la température immédiatement à 180°C.
Au bout de 10 mn à 1/4 d’heure, lorsque la surface commence à croûter, la fendre avec une lame préalablement trempée dans du beurre fondu, de façon à ce que le gâteau se développe bien. Poser alors un griotte au centre. Laisser cuire encore une bonne heure en vérifiant la cuisson (la lame d’un couteau doit ressortir sèche). Sortir le cake du four. Laisser refroidir et démouler. Garder de préférence deux jours avant consommation.

Pierre-Marie Théveniaud

Les voleurs d’ombre et de temps du Parc Steinbach

Selon les projets de la Municipalité de Mulhouse, le Parc Steinbach

..... sera bientôt transformé en hyper rond point transparent d’un introuvable hyper centre après avoir été déclassé en catimini de son statut d’espace boisé protégé.

Les adversaires du Parc Steinbach ont marqué un grand point sur le terrain même qu’ils avaient adopté, celui de la conservation du patrimoine. Le commissaire enquêteur  vient de rendre ses conclusions sur l’enquête publique. Son avis est très clairement défavorable. Le projet de transformation (aplanissement + déboisement + ouverture) du parc constituerait selon ses termes “une atteinte grave non seulement au patrimoine historique de la Ville de Mulhouse, mais aussi à la mémoire de Georges Steinbach”.

Je voudrais pour ma part participer à ce débat en essayant de montrer que l’on peut contester la transformation du parc à partir d’une démarche autre que celui de la pure conservation du patrimoine. Même si, dans ce cas particulier, il est efficace, je trouve que le conservatisme patrimonial devient pesant. Je parviendrai cependant moi-aussi à une conclusion finalement conservatrice pour une raison simple : s’il s’agit de remplacer ce qui existe et qui témoigne d’une certaine noblesse par une vulgaire esthétique de rond-point, mieux vaut garder l’ancien. On comprend d’autant mieux l’attachement patrimonial  que l’on n’a rien de convainquant à mettre  à la place, c’est là que le problème est culturel.

Quelques attendus du Commissaire enquêteur :

« on ne peut que rester dubitatif sur l’opportunité d’utiliser le Square Steinbach pour « renforcer les connexions piétonnes entre la gare et l’hypercentre, entre la Place de la Paix et le centre piétonnier… ».
L’acception du mot « Square », les conditions de la donation et la volonté des donateurs ressortant de l’acte notarié conclu le 27 septembre 1894 s’opposent ostensiblement à la création d’un « espace où les limites de la ville et celles du jardin seront diffuses » et à la constitution « d’une nouvelle plateforme d’accès à l’hypercentre ».
Loin du « réenchantement » attendu par les initiateurs du projet, il apparaît clairement que la transformation du lieu en zone piétonnière urbaine végétalisée, constituerait une atteinte grave non seulement au patrimoine historique de la Ville de Mulhouse, mais aussi à la mémoire de Georges STEINBACH que ses héritiers ont voulu honorer par leur donation. Elles sont en tous cas incompatibles avec les conditions énoncées dans l’acte notarié et acceptées par délibération du Conseil Municipal de Mulhouse le 28 septembre 1894.
Le projet présenté à l’enquête publique constitue indubitablement un changement d’affectation de l’espace boisé classé du Square Steinbach. […]
En conclusion sur le fond, une levée de la protection d’espace boisé classé reposant sur le Square Georges STEINBACH ne peut être regardée que comme un changement d’affectation et de mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements existants ».

On trouvera la documentation  sur le blog du cercle républicain

Si l’on comprend bien la légalité même du projet est discutable. Cela n’empêche pas le maire avec son autoritarisme devenu habituel de passer outre avec une parfaite langue de bois arguant d’un simulacre de concertation. Voir chez l’ami Eric.

Il s’agit donc de dissoudre le parc, de l’ouvrir sur son environnement bref d’en accélérer le passage. Il faut aller plus vite et en ligne droite d’un commerce à l’autre, on n’est pas là pour flâner, souffler, prendre son temps, faire halte ce qui est la caractéristique même d’un parc ou d’un jardin public, ou encore d’un square.

Pour le philosophe des jardins publics et de l’éloge de la lenteur, Pierre Sansot :

 « Le jardin public est un lieu de flânerie. On y vient pour rien, mais aussi pour une autre chose. Cette autre chose peut être la rencontre fortuite ou provoquée, ou bien un moment volé à une quelconque occupation, que sais-je encore! J’aime bien regarder comment un banc est partagé entre des habitués, souvent des vieux, à moins qu’il ne s’agisse d’une jeune mère et de son enfant, et des “nouveaux”; ou comment des amoureux s’approprient, à la Brassens, ce banc public et se le partagent comme on partage un pain. Car on ne vient pas dans un jardin public sans une petite faim de l’autre… Ce sont des lieux publics où la vie se découvre, se déploie sous des jours inconnus, des hasards perturbant des emplois du temps, et des trajets trop rigides ».

Pierre Sensot /Propos recueillis par Thierry Paquot,
Institut d’urbanisme de Paris juillet 1996.

C’est cela que le projet des voleurs de temps veut tuer.

Le Parc Steinbach a comme caractéristique de ne pas être conçu selon des formes géométriques. Avec ses courbes, ses légères bosses, ses arbres non alignés, il a même quelque chose d’anarchiste. Oh mon Dieu ! mon Dieu ! On va nous aplanir tout ça, en voisin, on n’est pas chirurgien pour rien.

Et puis il y a l’ombre, les recoins d’intimité et de cachette dont les voleurs d’ombre veulent nous priver. Cet espace est un point de rencontre entre jeunes gens à mi chemin entre le Lycée Montaigne et le Lycée Jeanne d’Arc. On peut  les voir se bécoter dans les renfoncements des portes du Théâtre de la Sinne. Insupportable au regard oblique des passants honnêtes ! J’extraie de ce que j’avais écrit, en avril 2011, dans l’ancien wagges qui a malheureusement disparu, le passage suivant :

« Concernant le projet  du grand centre, il est révélateur à mes yeux de constater que ceux qui ont réfléchi –si l’on peut utiliser ce terme – à la question avaient oublié qu’un Théâtre se situait dans le périmètre et, quand ils en ont aperçu le bâtiment, ils ont oubliés de se demander par qui il était fréquenté. Révélateur aussi me semble-t-il le projet de rendre le parc Steinbach  transparent. Au « regard oblique des passants honnêtes » comme chantait Brassens à propos des amoureux sur les bancs publics ? Supprimer l’ombre, la nuit, l’obscur, c’est supprimer la vie.»

En bonne logique devrait suivre, après la mise en transparence du parc, l’installation dans un premier temps de caméras de surveillance chère à M. Paul Quin en attendant la mise en place de dispositifs de sommations automatiques envers ceux qui traverseraient le parc trop lentement, prélude au contrôle des comportements dans l’espace public.

Le lifting radical (= qui s’en prend aux racines – des arbres) nous vole un peu de vie.

Il y a une pétition à signer. Je n’en approuve pas tous les termes notamment parce qu’elle réclame des places de parkings. Et s’il s’agit de trouver une autre affectation aux sommes qui seront inutilement dépensées, on pourrait envisager de réduire les tarifs d’accès exorbitants (13 euros l’été)  à un autre parc, zoologique, lui où les arbres et les bancs sont sponsorisés.

Nous avons reçu le message suivant de l’Association Engelmann :

Une visite musicale  du Parc aura lieu samedi 13 octobre  partir de 15h 15 côté Théâtre sous l’arbre de la liberté face au Musée. Daniel Muringer jouera de l’accordéon et chantera pour essayer de rassurer les arbres centenaires menacés par le Grand Arboritueur.  Venez rire un bon coup avec nous. “Les amis du Parc “
S’il pleut vraiment  samedi ce s’ra dimanche même heure et lieu.