La mascarade référendaire du 7 avril 2013 en Alsace

L’Alsace, marque à vendre comme une bretzel. Contrairement à Philippe Richert, président du Conseil Régional, je ne me reconnais pas dans ce ridicule.

 

Dimanche prochain 7 avril, nous avons paraît-il rendez-vous avec l’Histoire.  Grand H. Eh bien je n’y serai pas ! D’abord parce que l’Histoire ne donne pas de rendez-vous. Les rencontres entre l’histoire et la géographie ne se décrètent pas. Ensuite parce qu’on ne peut appeler « histoire » le bricolage institutionnel sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer.

Je n’ai pas reçu à ce jour, nous sommes le 1er avril – je sais, je sais, ce n’est pas un poisson – le moindre document officiel mais la machine de propagande, elle, est en route depuis pas mal de temps.

Propagande en effet. Et assez vulgaire. Le dernier exemple en date via le journal L’Alsace, (dont la rédaction en chef sera bientôt à Strasbourg) relayé par France 3 Alsace, fait grand cas de la réunification du Bade Wurtemberg en 1953, qui serait le modèle à suivre pour l’Alsace. Comparaison éhontée, au regard de l’Histoire, qu’ils prétendent invoquer. Comparer la fusion du pays de Bade, de Wurtemberg-Bade et de Wurtemberg-Hohenzollern qui s’est faite dans le cadre d’un Etat fédéral et de la reconstruction de  l’après guerre avec une proposition de simplification administrative dans la France de 2013 est d’une grand malhonnêteté. Quant à la réunification de toute l’Allemagne elle même, de quand date-t-elle ? 

Toute cette misère témoigne de leur manque d’imagination. Puiser dans le modèle allemand pour l’imiter afin de, soit disant, pouvoir « parler d’égal à égal avec nos voisins ». Depuis quand faut-il ressembler à son voisin pour être son égal ?

Mais l’utilisation du modèle allemand a bien sûr un sens. Et la propagande le laisse entendre. Deux mots y suffisent : compétitivité et flexibilité. Le bricolage institutionnel que l’on nous propose porte la marque du néolibéralisme qui l’inspire. Dès lors, les grands mots frisent le grotesque. Ainsi quand il est affirmé que « pour la première fois l’Alsace choisit son destin ». Pour d’autres, « le conseil territorial d’Alsace nous permettra de reprendre en main notre destin ». Rappelez-nous quand on l’avait perdu ? 

Vu de New-York, ou d’ailleurs, en tout cas de loin, l’Alsace existe sûrement comme entité. Vu de Mulhouse, d’où j’écris, c’est un peu plus compliqué. Vieille influence celtique, paraît-il. J’ai aussi un peu de mal aussi à oublier qu’en Alsace, on n’a jamais beaucoup aimé cette ville industrielle et ouvrière. Et pour cause : « Classe laborieuse, classe dangereuse » !

Comme ce sont les sondages qui font l’opinion et non la réflexion individuelle et collective, 70 % des électeurs des deux départements d’Alsace disent « oui ».

Mais « oui » à quoi ? Quelle est la question ?

La question officielle est la suivante :

Approuvez-vous le projet de création d’une collectivité territoriale d’Alsace par fusion du conseil régional d’Alsace, du conseil général du Bas-Rhin et du conseil général du Haut-Rhin ?

On remarquera qu’il n’est pas question de conseil unique ! Et pour cause difficile de qualifier l’usine à gaz qu’ils vont mettre en place, d’organisme unique et simplifié.

On ne construit pas une entité régionale en la faisant reposer sur des raisons  purement économiques et financières. Même le bilinguisme n’est pour Philippe Richert qu’ « un moyen de lutter contre le chômage qui touche désormais un peu plus de 9 % des personnes en Alsace ». De quel bilinguisme parle-t-il d’ailleurs ? Du dialecte alsacien ou de l’allemand ? De l’allemand bien sûr. Curieux sens du « destin de l’Alsace » quand même que de miser, pour résoudre la question du chômage en Alsace, sur le vieillissement de la population allemande d’outre Rhin. On ne voit pas non plus pourquoi ni commun l’enseignement de l’allemand pourrait demain relever de la compétence du Conseil Territorial d’Alsace.  Et en faisant en plus des économies.

Le Conseil territorial veut-il des compétences dans le domaine de la pédagogie ?

L’un des objectifs est l’acquisition de nouvelles compétences. Lesquelles ? On ne le saura que plus tard car cela dépend de la nouvelle loi de décentralisation qui se prépare. Pourquoi anticiper en Alsace une loi de décentralisation à venir à l’échelle nationale ?

Nous sommes appelés à voter pour un contenu qui dépendra du vote de l’Assemblée nationale. « Et puis de nouvelles compétences généreront de nouveaux besoins de financement, de nouveaux impôts, qu’on le veuille ou non ! » comme le souligne avec raison l’ancien maire UMP de Saint Louis

Même si le oui est majoritaire, il l’est déjà par la majorité des élus du département, la lecture politique du résultat  dépendra du degré d’adhésion de la population et de sa participation.  Ils ont même tenté tous partis favorables au oui confondus (UMP, PS, Europe Ecologie et « Gauche » Moderne) de baisser le seuil de 25 % des inscrits nécessaire à la validation du scrutin

Pour que le projet soit validé, il faut en effet que les 50 % de « oui » représentent 25 % des inscrits dans chaque département ».

Que nous promet-on ?

Moins de structures administratives, moins de personnel, moins d’élus… Le lourd projet permettrait de réaliser une économie de 100 millions d’euros sur 5 ans. Sur un budget total de – en projection des données actuelles – de 1457 millions.  Autant dire « peanuts ». Et rien ne nous dit ce qu’il en sera après les 5 ans. Moins de personnel. Selon le vieux principe avec moins on fait plus, le personnel restant sera plus proche des habitants. Merveilleuse logique !

Tout ce barnum a pour unique raison des ressources publiques qui s’amenuisent, ce qui est loin d’être la meilleure des motivations. Le gros non-dit porte sur l’importance de l’endettement de la Région Alsace.

Pour ou contre la fusion n’est pas une querelle d’ancien et de moderne. La modernité doit être dans les contenus. Or justement aucune des questions d’avenir n’est posée. Ainsi des possibilités de reterritorialisation liées à la révolution du numérique. Rien non plus sur un sujet aussi essentiel que la question des énergies du futur, de la transition énergétique.

Post-démocratie

En général le fusionnel conduit au conflictuel. Surtout dans un dangereux déni de démocratie permanent.

Car parallèlement d’autres réalités se mettent en place sans que l’on nous demande notre avis. Et c’est là qu’on aimerait comprendre. Ainsi s’organise la constitution d’un Pôle métropolitain entre Mulhouse et Strasbourg, ces deux villes regroupant à elles seule 40 % de la population alsacienne. Ce pôle métropolitain affiche d’ailleurs les mêmes objectifs. Pour le néolibéral Jean-Marie Bockel, l’Alsace est autre chose. «  L’Alsace est une conurbation –attention de bien prononcer !- une conurbation structurée par les grandes agglomérations ». Le reste ne compte guère. Et pour faire le poids face à Strasbourg qui s’étend par-dessus le Rhin et veut devenir euro métropole, JM Bockel veut rassembler autour de Mulhouse tout l’espace allant du Rhin aux Vosges.

Autrement dit, pendant qu’on vote pour une chose, un autre se met en place. C’est pour décrire ce genre de dérive que le sociologue Colin Crouch a forgé le mot de « post-démocratie»

Rien ne distinguera dans les urnes un soit disant « oui » de « gauche » d’un « oui » «  de droite » Il n’y a qu’un « oui » sans nuance ou un « non » sans nuance, ce qui d’emblée dénonce la pratique référendaire surtout quand elle ne repose pas sur une démarche démocratique en amont. Parfois, au milieu d’envolées lyriques confuses, quelques phrases à peu près claires émanent de Jo Spiegel, élu PS, partisan du oui, dont peut-être celle-ci :

« On aurait du travailler en amont avec les citoyens dans une démarche de coproduction c’est vrai. Maintenant, il ne faudra pas louper l’après oui »

C’est raté, donc mais en attendant un hypothétique « après-oui », envoyez votre chèque en blanc !

Comme si l’après n’était pas déjà contenu dans l’avant.

Un autre élu du PS, Pierre Freyburger tient un autre discours et se prononce, lui,  pour le « non » :

« Le projet qui nous est proposé a été compromis par une succession de marchandages politiques à la petite semaine. La fusion que nous appelions de nos vœux n’est plus qu’un lointain souvenir : avec deux sièges, deux présidents, deux modes de scrutin, un conseil exécutif, une assemblée délibérative, deux conférences départementales, huit à dix conseils de territoires de vies, le CESER, les commissions thématiques… ce n’est plus un conseil unique, c’est un conseil multiple ! Notre objectif était de simplifier le millefeuille administratif, Charles Buttner et Philippe Richert l’ont réinventé en une seule et même collectivité ».

Un conseil tout à fait unique par sa complexité !

Je ne participerai pas à cette mascarade. Je suis fatigué des effets pervers permanents de cette 5ème république moribonde.

Et, je ne voterai pas « non » car le  « non » est improductif. Il conforte le « oui » et repose sur l’idée qu’il n’y a pas d’alternative et que les choses doivent rester en l’état.

Je crois en l’importance de l’abstention dans ce cas. Quelle que soit le résultat du « oui », l’impact de la (non)participation sera important.

Je m’abstiens aussi parce que je ne suis pas fermé à l’idée d’une collectivité territoriale unique, même plus vaste.

Le wagges

PS. Je signale ce point de vue de l’historien Georges Bischoff sur la manipulation des références historiques :

« A mon sens, rien ne permet d’invoquer une histoire longue pour fonder quelque chose qui, dans le meilleur des cas, répond à des impératifs techniques contemporains. Les expériences souvent invoquées : le duché d’Alsace, la Décapole, les « états d’Alsace du XVIe et du XVIIe s. ou le Reichsland Elsass-Lothringen sont des « inventions », ou plus exactement, des relectures mythifiantes, ou, mieux, une histoire virtuelle. Dans ce tableau, d’ailleurs, on oublie la province d’Alsace de Louis XIV (1648-1789) qui est à l’origine d’une culture politique très différente de celle des « Länder » de l’ancien Empire allemand.

La seule période historique qui mérite d’être prise en considération est la nôtre. Donc, en gros, celle de la génération des actifs actuels, qui n’ont pas connu les changements de nationalité des 142 dernières années. C’est leur culture politique qui est en question »

A retrouver ici.

On peut se rappeler aussi la définition de Jean Paul de Dadelsen :

« Nous autres en Alsace, écrit-il, on est celtique il n’y a pas à dire on est celtico-germano-romano – (et donc aussi égypto-syriaco-illyrio-ibério-dalmato-partho-soudano-palestinien) – français comme Minuit chrétiens et au-dessous d’un certain niveau de bourgeoisie catholiques comme un seul homme ».

Le risque sismique sur l’échelle de Richert (sic) et le séisme de Bâle (1356)

1. Le risque sismique sur l’échelle de (Philippe) Richert

Quant au risque sismique, l’énergie (?) dégagée à Fukushima (?) a été
300 fois ( ?) supérieure à celle (?) qui a détruit Bâle au Moyen-âge.
Et la centrale a été détruite (?) par le tsunami.
Il est peu probable qu’il se produise un tsunami en Alsace

Philippe Richert,
Président de la Région Alsace et ministre
L’Alsace du 29 janvier 2012

Quand l’à peu près approximatif tourne au charabia de la part d’un responsable (?) politique, on ne peut qu’y voir une raison supplémentaire de ne pas avoir confiance et de demander la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Ce que c’est que de n’avoir pas écouté à l’école quand on y apprenait qu’il faut comparer ce qui est comparable, à moins bien sûr que cela ne vienne de l’habitude de ne jamais être contredit. La dernière phrase,  en tout cas, montre qu’il prend ses interlocuteurs pour des gogos. Mais cela tombe bien. Comme nous n’apprécions pas du tout que l’on se paye notre tête, c’est pour nous l’occasion de republier un travail qui était paru sur l’ancien site du wagges qui a malheureusement disparu.

La ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet, à propos de la situation de Fessenheim sur une faille sismique, avait déclaré l’an dernier que la centrale avait été conçue pour résister à un séisme d’une puissance de 6,7, supérieur donc à celui de 1356 à Bâle, estimé à 6,2 sur l’échelle de Richter. La centrale a été dimensionnée, a-t-elle expliqué, pour résister à un séisme “d’une puissance cinq fois supérieure” au tremblement de terre de Bâle. Nous nous étions même étonné de cette étrange formule qui permet d’expliquer qu’en multipliant par 5 on passe de 6,2 à 6,7. Cela provient du fait que l’échelle de Richter est en effet une échelle logarithmique.

Rappel historique.

2. Le séisme de Bâle (1356)

Tout à coup, je voyais devant moi des montagnes de pierres, le silence et l’horreur de qui fixait ce spectacle avec les yeux et l’esprit”.

Ces mots sont du poète Pétrarque, témoin du tremblement de terre de Bâle en 1356

L’écroulement de Bâle extrait de la "Cosmographia" (1544) du savant humaniste Sebastian Münsters, mort à Bâle en 1552. Une “manga” de l’époque en quelque sorte

Que s’est-il passé à Bâle qui explique le spectacle que Pétrarque découvre en revenant de Prague le 18 octobre 1356 ? Un tremblement de terre qui a fortement marqué les esprits par son amplitude et son contexte. Le site officiel de la Ville de Bâle le situe entre 6,2 et 6,7 sur l’échelle de Richter. Les experts suisses et allemands (voir plus loin) sont proches de 6,9.

L’évaluation des dégâts causés à l’époque par ce séisme est basée sur deux livres Le Livre Rouge de Bâle (Das Rothe Buch von Basel) et Alphabetum Narrationum de K. von Waltenkofen qui sont deux livres écrits en 1356 ou 1357, donc peu de temps après le séisme.

L’Alphabetum Narrationum décrit les événements ainsi:

En l’an de grâce 1356, le jour de la Saint-Luc, avant vêpres, il y eut à Bâle et dans ses environs jusqu’à une distance de deux milles un tremblement de terre qui provoqua la chute de nombreux bâtiments, églises et châteaux et la mort de nombreuses personnes. Les secousses se poursuivent dans la même journée et la nuit suivante avec une violence telle que les habitants fuirent la ville, s’installèrent dans les champs, dans les cabanes et les fermes pour de nombreux jours. Même les soeurs cloîtrées se rendirent dans un jardin appelé Vögelisgarten et restèrent là de nombreux jours, sous des cabanes avec de nombreuses autres personnes des deux sexes et, une fois retournées chez elles, vécurent encore longtemps dans la grange avant de réintégrer leur cloître. Au cours de cette même nuit, vers une heure, se déclara un incendie qui dura plusieurs jours et consuma presque toute la ville à l’intérieur des remparts. Les faubourgs furent épargnés. Le feu, propagé jusqu’à la cathédrale, fit s’embraser le clocher dans lequel se trouvait la grosse cloche et la détruisit, ainsi que les précieuses orgues, de cette maison de Dieu. Les tremblements de terre avaient été si violents que pas un seul bâtiment, notamment ceux construits en pierre, n’échappa à une destruction partielle ou totale. Là-dessus survint une troisième calamité: le lit de la Birs fut obstrué par les bâtiments détruits et l’eau s’infiltra dans les caves où la population avait stocké ses provisions et les gâta. Parmi les premières secousses, certaines avaient été si fortes que les cloches avaient sonné. Ainsi entendit-on sonner trois fois la cloche du cloître des frères prêcheurs sans que quiconque la remue ni ne la tire. Pendant une année, presque chaque mois, la terre trembla. On peut voir qu’est arrivé ce que le Seigneur disait dans l’évangile de Saint-Luc [21-11]: un peuple supplantera un autre peuple, un royaume un autre royaume et il y aura çà et là de grands tremblements de terre.

On utilise aussi la chronique latine de F. Faber écrite en 1488 dans laquelle l’auteur tente de reconstituer le déroulement des événements de Bâle. Il raconte les événements ainsi:

L’an 1356, le jour de Saint-Luc Evangéliste, il y eut un tremblement de terre dans toute l’Allemagne et la terre fut secouée non pas une fois mais plusieurs fois pendant trois mois. Ce jour là [le 18 Octobre], avant le soir, il y eut trois secousses et une quatrième plus importante avant la tombée de la nuit. La nuit suivante, de l’heure du coucher jusqu’à minuit, la terre trembla six fois, et la première fois si violemment que beaucoup de bâtiments s’écroulèrent. Le jour suivant [le 19 Octobre], il y eut deux secousses et d’autres ensuite… 

Les dégâts causés sont aussi décrit :

Dans un premier temps, les premiers tremblements de terre firent s’écrouler une partie de la ville. Une partie de l’église-cathédrale tomba sur les écoles, une autre dans le Rhin. Beaucoup de gens furent ensevelis; les autres fuirent à la campagne.

Peu après, un incendie se déclara au Monastère de Saint-Alban alors que la plupart des habitants avaient déjà fuit la ville. Puis survint le second choc destructeur:

A la nuit tombée, il y eut une énorme commotion [“praegrandis terraemotus”] et plusieurs personnes furent écrasées comme lors de la première secousse. Elle jeta à bas les maisons et les tours qui restaient, toutes les églises s’écroulèrent et leurs voutes tombèrent à l’exception des églises Saint-Jean et des Frères Prêcheurs qui, cependant, montrèrent de nombreuses lézardes…

Ce séisme est, avec celui de Lisbonne en 1755, celui qui a frappé le plus les imaginations, en Europe, surtout à cause de son contexte. En effet, un séisme assez destructeur s’était déjà produit dans les environs de Bâle en 1348 et a été violemment ressenti dans la ville. Mais surtout la peste dite “peste noire” frappe le pays depuis 1348 et a emporté un quart de la population bâloise. Les Juifs désignés comme boucs émissaires de la peste seront victimes de pogroms. Enfin, nous sommes au beau milieu de la guerre de 100 ans qui ravage l’Europe. Et c’est à ce moment que se produit le fameux séisme “de la Saint-Luc”. Selon les auteurs le nombre de victimes (100, 300 1000, 2000), de châteaux détruits (entre 60 et 80) varie.

Les effets ont été ressentis très loin de Bâle, à Berne, Zurich, Lucerne et jusqu’à Constance en Allemagne. En France, l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté, la Bourgogne, la Champagne et l’Ile-de France furent plus ou moins touchées.
Les témoignages proviennent de la documentation pédagogique de l’EOST (Ecole et Observatoire des Sciences de la terre) de Strasbourg.

Pour  Strasbourg, le chroniqueur Fritsche Closener (1362) écrit :

En 1356, le jour de la Saint-Luc, il arriva sur le soir un tremblement de terre assez sensible suivi de quelques autres avant la nuit qui le furent moins. Vers dix heures du soir, survint une commotion très violente: elle jeta à bas des maisons de nombreuses mitres des cheminées ainsi que des faîtières, et à la cathédrale, elle renversa les ciboires et les ornements. 

A Metz, Philippe de Vigneulles rapporte :

le jour de la Saint-Luc en hyveir, fut le tremblement en Mets, tel et si grant que tout crolloit en plusieurs lieux par la cité et sembloit que les maisons deussent cheoir, et heurtoient les tuppins [les vases, les pots] des maisons et cuisines où ilz estoient pendans l’ung près de l’autre ensemble, dont plusieurs gens avoient peur; et n’estoit mie de merveille car ilz n’avoient jamais eu tel temps, et crolla [trembla] la terre plusieurs fois.

A Besançon, un témoin anonyme écrit :

L’an mil trois cens cinquante six, il fit groz tremblement de terre à Basle…Aussi fist-il en Bourgogne de fasson que la plus grosse tour du chastel de Montron [Montrond-le-Chateau] cheut bas. Et fust ce le jour de la Sainct-Luc environ l’heure du disner. Aussi sembloit-il proprement que les aysemens des rateliers [ustensiles sur les étagères] se batissent l’ung l’autre; enfin toutesfois cela s’appaisa, mais sur l’heure de coucher il recommença pis que devant de manière que le pauvre peuple comme tout esperdu s’en fuyoit hors des maisons. La tour de Vaitte de Besançon en plusieurs endroictz en fut toute rompue et tempestée. 

3. Le séisme de Bâle et Fessenheim

La perception du tremblement de terre de Bâle intervient dans la définition des risques sismiques auxquels peut être confrontée la centrale nucléaire de Fessenheim. Le problème est qu’il n’y a pas consensus. Selon qu’ils soient français suisses ou allemands, cette perception varie selon les experts qui ne sont d’accord ni sur la définition de la magnitude du séisme de Bâle ni surtout sur la distance à envisager entre la centrale et l’épicentre d’un futur tremblement de terre.

Selon les experts suisses la magnitude du séisme de Bâle varie de 6,2 à 6,9. Si le dernier chiffre est vrai, il n’y a pas de marge.  Tout cela est contenu dans une étude d’un cabinet d’ingénieurs conseils suisses où l’on peut lire ceci (CN signifie Centrale nucléaire) :

La plupart des experts sont convaincus qu’un séisme analogue à celui de 1356 est obligatoirement lié à une zone de faiblesse tectonique associée à l’interaction entre le graben du Rhin supérieur et le fossé permo-carbonifère. Certains d’entre eux, en particulier les experts français, en concluent qu’un tel séisme se situe automatiquement au sud de la ville de Bâle, à 30 km au minimum de la CN de Fessenheim. Cependant, de nombreux autres – deux groupes d’experts PEGASOS, les auteurs des études nationales allemandes et suisses les plus récentes – situent la frontière de la zone correspondante plus au nord, principalement entre 10 et 20 km au sud de la CN de Fessenheim.

Deux sur les quatre groupes d’experts de PEGASOS pensent qu’il n’est pas possible d’exclure qu’un séisme analogue à celui de 1356 puisse survenir dans les alentours immédiats ou proches de la CN, attribuant une probabilité de 0.3 à 0.4 pour que cette hypothèse soit correcte.

Il en ressort qu’une distance à la CN de Fessenheim de 34 km, et même de 29 km (…) se situe du côté optimiste des valeurs évoquées par les différents experts. Par conséquent, les distances de 34 ou 29 km doivent être jugées, dans le contexte d’une démarche sécuritaire déterministe, comme sur-évaluées. Au moins, des recherches tectoniques très poussées seraient nécessaires pour pouvoir – éventuellement – exclure des distances plus faibles.

Extrait de Centrale nucléaire de Fessenheim : appréciation du risque sismique. Rapport d’expertise Résonance.

Le bureau d’Etudes Résonance de Genève conclut à « une sous-estimation prononcée de l’aléa sismique ». Cette sous-estimation est due «une interprétation trop optimiste des caractéristiques clef du séisme de Bâle de 1356 servant comme séisme de référence : sous-estimation de sa magnitude et surévaluation de la distance minimale à la CN à laquelle un tel séisme pourrait survenir ».

Rappelons que dans son rapport d’évaluations complémentaires, vis-à-vis du risque de séisme, l’ASN (Agence de Sûreté Nucléaire) exige d’ EDF :

De faire en sorte que les équipements permettant de maîtriser les fonctions fondamentales de sûreté soient protégés contre l’incendie en cas de séisme. En effet, les principales dispositions de protection des installations contre l’incendie ne sont pas aujourd’hui dimensionnées pour résister au séisme du référentiel de l’installation;
(….) Pour les sites de Tricastin, Fessenheim et Bugey, de fournir une étude analysant le niveau de robustesse au séisme des digues et autres ouvrages de protection des installations contre l’inondation et de présenter les conséquences d’une défaillance de ces ouvrages.

 

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