Semaine de la presse à l’Ecole et budget de la ville de Mulhouse

“Semaine de la presse – Éviter aux jeunes les pièges absurdes”.

C’est le titre de la dernière page (page Région – cahier Mulhouse) du quotidien l’Alsace en date de ce mardi 22 mars 2016. Certes, cette semaine de la presse à l’École a apparemment pour but principal, à juste titre, d’aider les jeunes à déconstruire les théories conspirationistes.

Mais cette approche n’est que partie d’un apprentissage qui devrait être plus global. Un excellent exemple à fournir (M+ l’hebdo de Mulhouse – 17 mars 2016 – p.5) pourrait être celui de la brève présentation du budget de la ville de Mulhouse par son maire Jean Rottner, photo souriante à l’appui. Sous cette photo, dans un très court texte, il attribue la tension du contexte budgétaire à la baisse des dotations de l’État).

M+ Budget

L’inconscience, une trop grande sûreté de soi ou un clair mépris du lecteur, fait expliciter ce discours à un tableau de chiffres très significatif en lecture trop rapide. En effet, face au budget de Mulhouse ( 299 102 640 €) dans la colonne de gauche est notée, dans la colonne de droite, la baisse des dotations de l’État, soit 11 milliards. Comment le budget de la ville peut-il effectivement survivre à une telle baisse qui, si on s’en tenait aux chiffres mis en rapport dans le tableau, lui serait 37 fois supérieur ??? Or, mais c’est écrit en plus petit et en moins lisible que les chiffres eux-mêmes, il s’agit effectivement de la baisse des dotations aux collectivités, mais à l’échelon national !!!

Une lecture plus attentive et allant jusqu’au bout du tableau montre qu’en fait cette baisse des dotations de l’État n’est que de 6,6 millions d’euros et ne correspond ainsi qu’à 2,2% du budget de la ville.

Il reste à proposer que, dans toutes les écoles et pas seulement pendant la semaine de la presse, on apprenne réellement à décoder ce que peut proposer une mise en page et comment on peut induire pensée ou discours par une simple manipulation des chiffres.

Paradoxe de la ville «intelligente»

Bluebus Bon, ce n’est pas le yacht de Bolloré, c’est, produit par le groupe du même nom, la navette – 100% électrique – des addicts, ceux que l’on voudrait les esclaves (addictus = esclave) du shopping. Ils ont appelé cela, allez savoir pourquoi, le bluebus. Il n’a rien de bleu, c’est juste pour faire simple et anglais, seule langue valide à leurs yeux. Comme dans un carrousel, la navette tournera dans l’hypercentre. Silencieux (trop), il fait sonner sa cloche comme au manège mais attention, il n’y a pas de patte de lapin à attraper en passant pour gagner un tour de plus. C’est gratuit.

Il se produit alors un étrange paradoxe. Nous l’appellerons le paradoxe de  la ville intelligente,  dada de not’ monsieur l’ maire.

D’un côté, on nous vend des applications, pardon des «applis» for quantified self, si tu parles pas anglais, t’es pas moderne, applis pour mesurer ses propres données, comme celle par exemple qui compte le nombre de pas que selon l’OMS nous devrions faire chaque jour, application, pas forcément inutile, censée nous faire passer des bonnes intentions à une réelle stratégie d’efforts, de l’autre, on met en place des dispositifs pour inciter à ne pas faire ces quelques pas nécessaires à une bonne santé.

Le paradoxe est renforcé quand on examine le périmètre du circuit, limité à l’hypercentre – on dit hyper quand le nombril est trop petit – qui dure à peine 12 minutes. Il y a très peu de distance à parcourir du magasin au parking et à la voiture puisque c’est de ce trajet-ci qu’il s’agit. Ajoutons que la réduction des subventions pour financer les 300.000 euros par an que nous coûtera ce gadget touchera les clubs sportifs. Faut bien un maire médecin pour nous inventer cela. 300.000 euros par an en attendant plus, c’est le coût de la prestation de service confiée à Soléa, société des transports de l’agglomération détenue à 87,8 % par Transdev. Le coût d’acquisition s’élève lui à 360 000 euros pour les deux véhicules.

Le problème de ce paradoxe de mobilité est dans son origine, la soumission de la ville aux industriels vendeurs d’innovations technologiques et l’incapacité politique à définir collectivement sa propre cohérence et ses priorités. On ne cherche même pas à le faire. Les discours sur la démocratie sont du vent. Au fait, on attend toujours le rapport de nos experts sur les forums citoyens.

L’opération Bluebus est censée renforcer l’attractivité du centre ville pour faire vivre son commerce. Rien contre le fait que le commerce vive. On oublie cependant trop que des commerçants plus aimables et plus imaginatifs seraient un meilleur atout.

A l’occasion de l’inauguration de la charrette électrique, à quelques jours des soldes, a été relancée la campagne publicitaire qui avait déjà fleuri au mois d’avril :

Addict

On relèvera l’inflation de signes de pseudo modernité ajoutant aux termes anglais le croisillon # (hashtag).

On peut surtout se demander s’il appartient aux pouvoirs publics de faire la promotion de l’addiction qui évoque la dépendance, l’assujettissement quand bien même cette dépendance s’exprimerait au second degré.

La réunion des deux éléments, navette + affiches, font de notre minibus électrique en quelque sorte la charrette des esclaves !

M+, c’est le fond qui manque le plus

M+

Pour se servir, il faut soulever le couvercle

A Mulhouse, les nouveautés sont coordonnées pour bien montrer que l’on change. Sauf que changer pour changer, on y perd au change. Exit donc l’Echo Mulhousien, voici M+. Pour l’originalité du titre, on repassera. Il était mensuel et passe à l’hebdomadaire. Il était distribué dans chaque foyer, faut aller le prendre dans les présentoirs. Il était déjà passablement creux, il l’est encore plus. Il contenait au moins une page avec un peu d’histoire de la ville, elle n’y est plus, une page langue et culture régionale, elle n’y est plus. L’édito du maire a disparu, ça on peut s’en passer encore que … les citoyens auraient droit à ce que le maire leur explique de temps en temps ses intentions et le sens de ses projets, ce serait la moindre des corrections démocratiques. Bon, on a gardé un édito en alsacien mais c’est tellement pour ne rien dire.

Pourquoi c’est creux comme un vulgaire gratuit – côté, le Journal des spectacles, autre gratuit distribué en présentoir, est une œuvre littéraire encyclopédique ?  Il y a d’une part la volonté politique de ne pas donner d’espace de liberté à ceux qui font le journal. Mais il y a, d’autre part, le rôle de l’agence de communication chargée de monter l’opération Miroir, mon miroir, suis-je belle en ce miroir ? Elle se nomme Strategicom et a des accointances avec Evreux, la ville de Bruno Lemaire. Son site nous renseigne sur sa vision des choses à l’aide d’une «citation» de Victor Hugo :

Citation VH

Là il y a comme un problème. Ne serait-ce pas plutôt l’inverse ? Je n’ai pas retrouvé l’origine exacte de la citation mais le plus souvent on attribue à Victor Hugo plutôt la formule suivante La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Ce n’est pas la forme qui formalise et constitue le fond selon le renversement opéré par Strategicom, c’est quand il n’y a pas de fond qu’il y a peu de chance que la forme soit remarquable. La preuve par M+. C’est le fond qui manque le plus…