Pour se préparer à un accident nucléaire, il faut en mesurer le coût

Pour se préparer à un accident nucléaire,
il faut en comprendre les conséquences potentielles

Ludivine Pascucci-Cahen, Momal Patrick
Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN)

On comprend mieux. J’avais été surpris par  la complaisance avec laquelle on nous jetait à la figure le coût d’un accident nucléaire : 400 milliards d’euros.
Et plus si affinités ?
Je n’avais pas réagi sur le coup car je m’étonnais que les documents soient introuvables sur le site de l’IRSN.
Ils le sont désormais.
Il a fallu quelques pressions.

Dans le cadre des préparatifs pour la gestion d’une éventuelle – l’éventualité fait désormais partie des possibles – catastrophe nucléaire, l’IRSN s’est lancé dans l’évaluation des coûts d’un accident nucléaire.

« Au total, un accident majeur pourrait coûter plus de 400 milliards d’euros, soit plus de 20 % du PIB français annuel. Le pays serait durablement et fortement traumatisé, car deux impacts se combineraient : il faudrait faire face simultanément à des conséquences radiologiques sévères sur une partie du territoire, et à de très lourdes pertes économiques, sociétales, ayant des conséquences internationales. L’Union Européenne serait affectée, et l’histoire garderait pendant longtemps la mémoire de la catastrophe ».

Les chiffres ont été révisés à la baisse puisque le rapport de la Cour des comptes de janvier 2012 qui écrivait :

Les estimations de l’IRSN donnent un coût moyen compris entre 70 Md€ pour un accident modéré sur un réacteur comme celui qui s’est produit à Three Mile Island en 1979, et 600 Md€ à 1 000 Md€ pour un accident très grave comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima.

Des calculs à la louche.

Le bon sens voudrait, à partir de là, que l’on réfléchisse à deux fois avant de persévérer dans le développement de l’industrie nucléaire d’autant que le calcul du coût suppose que l’accident serait de « type Fukushima » alors que chaque accident est d’un autre type. Mais l’IRSN va dans une direction totalement opposé puisqu’elle conclut que les études menées éclairent l’avenir à long terme du nucléaire (sic!) :

« Ces études fournissent enfin un éclairage complémentaire pour la discussion relative à l’avenir à plus long terme du recours à l’énergie électronucléaire. L’importance des coûts d’accidents milite en effet pour la mise au point de nouveaux types de réacteurs qui non seulement présentent des probabilités plus faibles qu’aujourd’hui de causer un accident grave, mais permettraient aussi de par leur conception d’arriver à une « élimination pratique » de ce type de scénario accidentel conduisant à des rejets très importants ».

Les calculs ont cependant encore un autre objectif : faire prendre en compte ces coûts dans la facture d’électricité. Car la question de savoir qui va payer est implicitement posée. Sur ce plan, je trouve que l’argumentation de Greenpeace relève d’une pédagogie bien tendancieuse :

« Le système doit intégrer TOUS les coûts !

Si l’on intègre les conséquences économiques d’un accident nucléaire au coût du MWH, l’électricité nucléaire perd immédiatement son image d’énergie bon marché. C’est en intégrant tous ces coûts que l’on se rendra compte que cette technologie représente un fardeau que notre société n’a plus le luxe de se payer.
C’est également au niveau réglementaire, sur son système d’assurance que la France doit agir: d’une part en étendant la responsabilité des exploitants aux fournisseurs du nucléaire et d’autre part, en mettant en place un régime de responsabilité illimitée comme en Suède et en Allemagne ».

On dirait qu’un gros piège se prépare.

En tout état de cause, si l’on ne discute pas de cela dans le cadre des débats sur la transition énergétique, on ne discute de rien.