Notre fruit de novembre : le coing, bonne pâte

Il fut un temps où le coing n’était connu que sous forme de gelée ou de pâte. Mais le coing, et son arbre le cognassier, ont beaucoup d’autres cordes à leurs arcs. Ainsi l’arbre porteur, le cognassier à fruits à ne pas confondre avec des cognassiers décoratifs comme le cognassier du Japon, sert de porte greffe pour des poiriers, notamment pour la passe-crassane. Par ailleurs, le coing, dont le fruit est consommé depuis la plus haute antiquité (cultivé depuis plus de 4000 ans), peut être consommé de très diverses manières : soit en fruit, sous forme de tarte ou en fruit poêlé dans un dessert à l’assiette, soit comme légume d’accompagnement, du fait de son acidité ou de sa capacité à intégrer des plats aigre-doux. On le rencontre d’ailleurs fréquemment dans la cuisine orientale. Son parfum exceptionnel lorsqu’il est bien mûr en fait un fruit remarquable.
Il se cueille en octobre et en novembre. Il ne peut mûrir que sur l’arbre. Il ne peut donc se cueillir vert et se vendre vert. Il n’est, notamment de ce fait, pas toujours facile d’en trouver dans le commerce. Par contre il se conserve très bien et longtemps dans un endroit frais. Le coing reste donc un fruit assez méconnu du grand public.

Bourré comme un coing
L’expression a sans doute comme origine la rondeur du fruit et renvoie à d’autres expressions du même genre (complètement rond, rond comme une queue de pelle, etc.). Mais en nos temps de sévérité morale et de prohibitions de toutes sortes, verrait-on encore ceci dans une émission aussi célèbre et reconnue que celle de Bernard Pivot (Apostrophe – 22 septembre 1978)

Le coing comme aliment
Le grand intérêt du coing est sa faible valeur énergétique (28 Kcal pour 100 g). Il contient peu de glucides, très peu de protéines et pas de lipides. Il est assez riche en minéraux et en vitamines. Mais son intérêt réside surtout dans les fibres qu’il apporte, surtout des pectines (d’où la gelée de coing). Le coing ne peut se manger cru. Il perd donc ses minéraux et vitamines dans le jus de cuisson. Mais ce jus peut être utilisé pour faire de la gelée ou un jus d’accompagnement dans les plats salés.
Le coing comme remède
Le coing, dont certains s’attachent à penser qu’il était la pomme d’or du jardin des Hespérides, aurait, confit au miel, calmé les pleurs et les agitations du jeune Zeus.
L’astringence du coing due à ses tanins, ainsi que celles dues à ses fibres (pectines) sont les principales propriétés de ce fruit en médecine Hippocratique. Les vertus étaient nombreuses : surtout digestives et antitoxiques (remède favorisant la digestion, soignant les diarrhées, les entérites, antidote contre les poisons, remède contre la toux et autres pharyngite ou laryngite, contre les brûlures, les engelures, les gerçures des lèvres et … les hémorroïdes, grâce à une décoction faite avec le mucilage entourant les graines.
Pline écrivait déjà (PLINE L’ANCIEN -HISTOIRE NATURELLE, TOME SECOND. LIVRE XXIII – Traduction française : É. LITTRÉ ) :

« Cuits ou crus, on les applique en forme de cérat dans les douleurs d’estomac. Le duvet qui les couvre guérit les anthrax. Cuits dans du vin et appliqués avec de la cire, les coings rendent les cheveux aux têtes chauves. Ceux que l’on confit crus dans du miel sont laxatifs; ils ajoutent beaucoup à la suavité du miel, et le rendent meilleur à l’estomac. Quant à ceux que l’on confit cuits dans du miel, quelques-uns les font piler avec des feuilles de roses bouillies, et les donnent pour aliment dans les maladies de l’estomac.
Le suc des coings crus est bon pour la rate, pour l’orthopnée, pour l’hydropisie ainsi que pour les affections des mamelles, pour les condylomes et les varices. Les fleurs fraîches ou séchées s’emploient dans les ophtalmies, les hémoptysies et les pertes. En les pilant avec du vin doux, on en fait un suc adoucissant, qui est avantageux dans le flux céliaque et dans les affections du foie. Avec la décoction de ces fleurs on fait des fomentations dans les chutes de la matrice et du rectum. On tire des coings une huile que nous avons appelée mélinum (XIII, 2, 6): pour cela il faut qu’ils ne soient pas venus dans des lieux humides, ce qui fait qu’on estime le plus ceux de la Sicile. Le coing struthie, quoique très voisin des précédents, est moins bon. On trace sur le sol, autour de la racine de ce cognassier, un cercle avec la main gauche, et on l’arrache en la nommant, et en disant pour qui on l’arrache : portée en amulette, elle guérit les écrouelles. »

Panurge et le coing

Quant à Panurge, il s’écrie
– « Mangez un peu de ce pasté de coins : ilz ferment proprement l’orifice du ventricule a cause de quelque stypticité joyeuse qui est en eulx, et aydent a la concoction première »
– « Mangez un peu de ce pâté de coings : ces fruits ferment comme il faut l’orifice du ventricule grâce à quelque heureuse propriété astringente qu’ils possèdent, et aident à la première digestion.
Rabelais Tiers Livre chapitre 32
Rabelais Œuvres complètes en français ancien et moderne. Seuil

Hildegarde de Bingen (1098-1179), très célèbre diététicienne de son époque, dit ceci du coing :

«Le cognassier est plus froid: il est assimilé à la ruse, qui est tantôt utile, tantôt inutile; mais ses feuilles et son bois ne sont pas très utiles pour l’usage de l’homme; son fruit est chaud et sec, il a un bon tempérament, et, quand il est mûr, mangé cru, il ne fait de mal ni aux malades ni aux bien-portants. Cuit ou grillé, il est très bon à manger pour les bien-portants et pour les malades. De fait, celui qui est attaqué par la goutte doit souvent manger de ce fruit, cuit ou grillé; ainsi la goutte s’apaise en lui, si bien qu’elle ne blesse pas ses sens et n’abîme pas ses membres.
Celui qui crache beaucoup de salive mangera souvent de son fruit, cuit ou grillé: il asséchera l’intérieur de son organisme, de sorte que la salive diminuera en lui. Lorsque, chez un homme, se trouvent des ulcères ou de la fétidité, il devra faire cuire ou griller ce même fruit, le placer sur les plaies avec d’autres condiments, et il guérira. »

Le coing comme placebo cosmétique

Sainte Hildegarde  joue encore aujourd’hui un rôle important, essentiellement marketing, servant à tout, notamment pour des firmes de produits cosmétiques  qui s’en réfèrent, dans une approche à la limite de l’escroquerie, entre autres pour leurs produits à base de coing. C’est le cas par exemple, de cette Crème de Jour au Coing  du Dr.X : « soin de jour rafraîchissant et protecteur. Il convient à tous les aspects de la peau, à l’exception des peaux grasses et impures. » (sic !) Et donc, précision :
« La Crème de Jour au Coing du Dr X ne convient pas aux peaux grasses et sujettes aux imperfections. »  (resic !) A qui sert-elle donc ? A l’homme parfait voulu par les transhumanistes ? D’ailleurs, dans la liste des substances actives et de leurs propriétés, rien n’apparaît concernant le coing !

La pâte et de la gelée de coing

Les recettes les plus connues sont les recettes de gelée et de pâte de coing. Il est intéressant d’en consulter les recettes anciennes, comme celle de la pâte de coing du célèbre livre de recette de La Tante Marie dans son édition de 1947, ou encore la recette de la gelée de coing (cotignac) d’Urbain Dubois en 1818  :

Choisissez des coings murs, jaunes, odorants ; divisez-les en quartiers, pelez-les, émincez-les et mettez-les dans une casserole bien étamée.

Mouillez juste à  hauteur avec de l’eau ; couvrez et cuisez sur feu modéré jusqu’à ce qu’ils soient bien atteints.

Jetez-les alors sur un tamis pour recueillir le liquide ; passez-le ensuite à la chausse ou à la serviette.

Pour chaque litre de suc, prenez 750g de sucre en morceaux ; cuisez la gelée dans une bassine, à feu vif, jusqu’au degré de la nappe. – Terminez comme pour la gelée de pommes. (Au denier moment ajoutez à la gelée quelques gouttes de carmin végétal, afin de lui donner une plus belle nuance. Enfermez-la dans des   verres ou bocaux.)

Recette salée

Échine de porc confit aux coings et au cumin.

Peler un coing par personne et enlever le cœur. Blanchir une dizaine de minutes. Réserver 3 quartiers par personne. Laisser les quartiers restants bouillir 30 mn. Passer l’eau ainsi obtenue au chinois en pressant également le fruit. Réserver.
Découper en gros parallélépipèdes rectangles (environ 10 cm de long  sur5 de large sur et 4 d’épaisseur) des morceaux d’échine de porc (1 par personne). Les frotter au cumin et à l’huile d’olive pour bien faire pénétrer l’arôme de l’épice. Les faire revenir à feu vif dans une cocotte. Rajouter un peu de cumin et déglacer avec l’eau de coing. Laisser cuire ¾ d’heure à feu modéré. En milieu de cuisson, retourner les morceaux de viande. Vérifier régulièrement le fond de cuisson et ajouter de l’eau de coing si nécessaire.
Pendant la cuisson de la viande, dans une sauteuse (ou une casserole), faire revenir les coings dans un peu de beurre et de miel d’acacia jusqu’à légère coloration. Déglacer avec un peu d’eau de coing. Laisser cuire environ 15 mn.
Dressage :
Sur une assiette chaude, verser un peu de jus de cuisson et dresser un morceau de viande dans sa longueur. En haut de l’assiette, dresser en étoile les trois morceaux de coings. Au pinceau, faire briller la face supérieure de la viande avec le jus de cuisson. Disperser dans l’assiette quelques graines de cumin et disposer un brin de coriandre sur la face supérieure de la viande. Servir aussitôt.

Recettes sucrées
Tartelettes aux coings miellés

(Préparation pour un moule de 30 cm de diamètre ou 6 tartelettes)
Ingrédients :
Pour la pâte à foncer :
– 250 g de farine
– 180 g de beurre
– 50 ml de lait entier
– 1 jaune d’œuf
– une petite cuillerée à café de sel et une de sucre
– anis vert
Pour la garniture :
– 400g de compote de pommes agrémentée de gingembre
– un demi coing par tartelette (suivant taille)

Préparation  de la pâte à foncer (15 mn) :
Dans un cul-de-poule ramollir le beurre avec une spatule jusqu’à l’obtention d’une crème. Ajouter le sel, le sucre, l’anis vert, le jaune d’œuf et le lait et mélanger dans l’ordre jusqu’à homogénéisation de la préparation. Incorporer petit à petit la farine sans cesser de remuer. Lorsque la pâte est homogène (fait la boule), cesser de malaxer et envelopper dans un film plastique.
Réserver au frais au moins deux heures.
Montage et cuisson de la tarte :
Laisser revenir la pâte à température ambiante et l’étaler au rouleau afin de foncer les  moules à tartelette. Saupoudrer d’un peu de sucre. Garnir chaque tartelette d’une petite couche de compote de pomme agrémentée de gingembre. Couper les coings en lamelles épaisses (environ 2 cm) et les disposer en couronne sur la pâte. Mieller la surface au pinceau.  Cuire 30 mn à 180°C.

Coings miellés au jus d’hibiscus

Jus d’hibiscus
Préparer ce jus par infusion de fleurs d’hibiscus. Le lier avec un peu de farine de maïs. Faire refroidir. (Ce jus peut être préparé à l’avance.)
Préparation des palets :
Bien mélanger deux jaunes d’œuf pour 130g de sucre et deux cuillérées de fleur d’oranger (proportions pour 4 personnes). Ajouter 140g de farine puis les blancs d’œufs battus en neige très ferme. A l’aide d’une poche à douille déposer sur une plaque de cuisson des palets d’environ 4 cm de diamètre. Faire cuire à 200°C jusqu’à coloration.
Glace à la verveine :
Préparer un crème anglaise avec une infusion de verveine citron dans la préparation lait crème. Laisser refroidir et mettre en sorbetière.
Peler les coings et les  détailler en six tranches (trois par demi-coing pour un demi-coing par personne. Les blanchir 15 mn. Puis les poêler dans un mélange de beurre et de miel d’acacia jusqu’à cuisson et belle caramélisation. Les coings doivent être servis tièdes.
Dressage :
Sur chaque assiette disposer en éventail trois quartiers de coings miellés tièdes, un palet, un peu de jus d’hibiscus et une boule de glace à la verveine. On peut décorer également d’une petite feuille de verveine citron.

Pierre-Marie Théveniaud