Les emprunts toxiques de Mulhouse (suite)

Puisque nous avions demandé des explications sur les emprunts toxiques contractés par la Ville de Mulhouse, il nous paraît juste de faire état des réponses et d’en prendre acte. Non sans avoir apporté quelques précisions et quelques commentaires.
Nous attendions une réaction politique, nous avons eu droit à un communiqué technique accompagné par la tentative de l’adjoint aux finances de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Voici le communiqué tel qu’il figure samedi 24 septembre tout en bas à droite de la page 26 du journal l’Alsace avec un titre pas très gros. Le journal ne fait pas d’autre commentaire, ni état d’autres réactions.

 « Comme indiqué par le site li­beration.fr, l’encours de dette de la Ville de Mulhouse comporte effectivement trois emprunts structurés Dexia pour un montant total, fin 2009, de 28 998 000€.
Par contre, le surcoût mis en avant par le site ne repose sur aucune réalité, il extrapole, sur la durée restante du prêt, un dépassement des barrières que comportent ces trois emprunts et ce sans tenir compte des mesures prises par les collectivités depuis 2009.Tout d’abord deux de ces emprunts structurés sont classés par la charte Gissler comme étant à risque limité. Il s’agit de produits à barrière indexés sur le niveau des taux d’intérêts aux USA (li­bor USD) à des niveaux très sécurisants (7 % pour l’un et 6,5 % pour l’autre). Ces barrières n’ont jamais été atteintes et les anticipations du marché ne voient pas les indices de référence approcher ces niveaux d’ici au terme de chacun des emprunts, aussi les taux d’intérêts (3,9 % pour l’un et 3,59 % pour l’autre) de ces deux emprunts sont restés inchangés depuis leur souscription. Il n’y a donc aucun surcoût supporté ni envisageable sur ces deux prêts.
Le troisième emprunt est un produit indexé sur le cours de change euro/CHF, placé hors charte Gissler, qui représente un risque plus marqué. La crise financière et l’aggravation de la crise de la dette européenne ont placé le cours de change euro/CHF en dessous de la barrière fixée au départ à 1,44.Cependant, un réaménagement de notre prêt effectué en 2010 a permis de figer le taux à 4,90 % jusqu’en 2013 contre 2,65 % dans le contrat initial. La décision récente de la Banque Nationale Suisse de fixer un cours plancher du CHF à 1,20 € nous permet d’envisager sereinement les futurs niveaux de taux de cet emprunt.
À ce jour, il n’y a eu aucun surcoût sur l’ensemble de nos prêts structurés et, sur ce prêt en particulier, le bilan est largement positif par rapport à un emprunt qui aurait été souscrit à l’époque à taux fixe et sur la même période (200 000 € d’intérêts économisés).»

Précision du wagges : La charte Gissler, du nom de l’inspecteur général des finances E. Gissler, est une charte de bonne conduite signée le 7 décembre 2009, par les principaux banquiers de la place (Dexia, le groupe Banque populaire – Caisse d’épargne, la Société générale, le Crédit agricole) et les principales associations d’élus. Cette charte suggère une typologie des risques pour un tableau des risques à remplir par …les banques.

La Ville de Mulhouse confirme qu’elle a contracté des emprunts structurés autrement dit toxiques. Que l’un d’entre eux au moins est à risque plus grand. Elle s’est employée à le sécuriser en 2010 en acceptant un taux d’intérêt plus élevé. Et selon une formule magique dont on aimerait bien connaître le secret puisque en passant d’un taux d’intérêt de 2,65 à un taux à 4,90 non seulement il n’y a pas de surcoût mais des économies. Bravo. Mais qu’en sera-t-il après 2013 ?
“ Un prêt structuré n’est pas forcément toxique”, a, selon les DNA, déclaré l’adjoint aux finances, Philippe Maitreau. Bien sûr que si. Sinon, où serait le risque ? Cherchant à compléter l’information de notre élu, nous avions le choix entre différents textes émanant d’institutions de la République. Nous avons opté pour un texte du Sénat (Projet de loi de finances pour 2010 : Relations avec les collectivités territoriales) qui définit les emprunts“ toxiques” comme des emprunts bancaires classiques en apparence, mais reposant sur une clause sous-jacente opaque construite à partir de produits dérivés, si bien que le taux d’intérêt n’est pas connu à l’avance et peut s’avérer extrêmement volatil. Dans le même texte, il est écrit les produits structurés (c’est-à-dire les emprunts à risque).

Quand à la Cour des comptes, elle écrit : Les emprunts structurés sont potentiellement risqués, même si le risque qu’ils induisent n’est pas de même importance d’un produit à l’autre. Ils sont également opaques et d’un intérêt financier discutable.

Néanmoins, saluons, grâce à l’opération spectacle de Libération, ce minuscule petit pas vers un tout petit peu plus de transparence.

Il en faudra encore beaucoup, beaucoup d’autres.

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