Aujourd’hui en Grèce, demain chez nous

Ce qui se passe aujourd’hui en Grèce préfigure ce qui se prépare pour chez nous. C’est pourquoi, nous vous faisons connaître, afin d’en suivre l’actualité, ce blog, en français, d’un historien et ethnologue Carnet de notes d’un anthropologue en Grèce. Ci-dessous l’ extrait d’une note du 12 janvier intitulé Lettres mortes:

(…) J’ai retrouvé hier mon ami Th. Journaliste, au chômage depuis 377 jours, ses allocations Assedic ont duré juste le temps d’une année calendaire. Et quelle année terrible ! En tout cas, nous étions au chaud dans un café des quartiers nord de la ville. Pour toutes les tables, consommation minimaliste et sociabilité au sommet. Un café simple à 1,6 euros, c’est encore trop mais pour être bien au chaud, c’est rentable. «Chez moi il fait froid je n’allume plus le chauffage, rester deux heures ici cela va nous requinquer un peu» explique cet ami. Nous nous sommes alors dit, que même les révoltés de 1968 en Europe occidentale ne sortaient pas tant du cadre, y compris pour les adeptes du messianisme prolétarien. On voulait tout et on avait déjà pas mal en ce temps.
En 2012 désormais, la messe est dite. On en finira bientôt avec les élections et autres opérettes, pour consolider le pouvoir direct de la grande main si visible. Les partis institutionnalises, y compris à gauche ont du mal déjà, à faire admettre leur légitimité à travers la mascarade parlementaire. Les tranchées de l’avenir sont déjà remplies de toutes les munitions possibles et imaginables. Bancocratie du dernier capitalisme réel, guerre de Cent Ans, chaos ou sinon, réorganisation et réorientation des affaires humaines vers un autre topos ? Plus sage ?
Puis, nous savons que les papadémiens et les papandroïdes veulent faire de notre planète Europe, pays par pays, un nouveau Tiers–Monde, dirigeants bancocrates, allemands et français en tête. Il y en a même chez nous qui œuvrent pareillement, moins autonomes et plus dociles, mais tout autant néfastes pour les peuples. Nous nous interrogeons par contre sur la faisabilité de ce … grand projet. En Grèce par exemple, le déclassement des couches moyennes s’accélère, mais l’habitat ne suit pas l’aménagement du territoire propre à la ghettoïsation, et ceci malgré les efforts de la Troïka. D’où sans doute la volonté de briser également la petite propriété dans le foncier, si rependue ici.
Donc, il faut accélérer les «reformes». Lucas Papadémos vient de monter ses dents. Soit les syndicats («vendus» depuis des années comme on le sait), cèdent sur l’ultime démantèlement des conventions collectives restantes au sein du prive (diminution des salaires), et sur le licenciement d’un grand nombre de fonctionnaires, soit le gouvernement va légiférer, et vite. Pour arrondir les ongles des vautours, «des techniciens français de la task force (sic), vont se rendre en Grèce prochainement, afin d’évaluer les 800000 agents du public, et ainsi préparer le terrain des licenciements» (www.in.gr 12/01/2012). Après la BCI allemande et Siemens, après les potentiels prenants américains des hydrocarbures au sud de la Crête et le FMI, c’est à dire Goldman Sachs, voilà sans doute la participation amicale de la Présidence Sarkozy, merci pour le film ! Le comble serait que le P.S. français nous prépare alors la seconde bobine, Achtung. Au secours alors, français, italiens, allemands et autres peuples …. de la métastase de l’euro, passons à autre chose enfin, la méthadone de la social-démocratie a fait son temps.
Papadémos, «le banquier des escrocs internationaux» selon certains chroniqueurs chez nous, a même osé s’adresser au très bas peuple en anglais pour ainsi faire passer son business plan, en répétant cette maxime connue de tous, extraite du discours d’investiture de John Fitzgerald Kennedy (20 Janvier 1961): “Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays“. En grec d’abord et ensuite en anglais. Certains éditorialistes, pour ne pas évoquer les réactions dans la rue, ont été écœurés.
Tel Giorgos Trangas, toujours populaire et populiste dans ses papiers radiophoniques sur Real-fm (12/01/2012): «Cette espèce de porc (sic) Lukas Papadémos, le collabo des banques qui s’adresse au peuple en anglais, sa vraie langue … ce que nous pouvons faire alors, eh bien c’est de te donner des coups de pieds si on te retrouve, tous les jours, la violence est produite, exercée sur onze millions de Grecs, [par] cette espèce de banquier pourri, car les familles qui meurent de faim sont les victimes des patrons de Papadémos, ce valet de Goldman Sachs et des autres banques. Mais c’est terminé vous ne pouvez plus tromper le peuple et raconter des bobards, il n’y a plus rien, ni démocratie ni parlement, un jour le peuple vous détruira… Eh Papadémos, je te préviens, je te prie, il ne faut pas t’adresser au peuple ainsi… ». Propos très violents mais qui ne surprennent plus personne chez nous, on les profère et on les entend tous les jours, les amabilités habituelles du débat (pseudo)démocratique deviennent alors inutiles, une fois le téléchargement du virus des banques terminé. Je n’ai aucun souvenir de telles propos radiophoniques avant la Troïka. Jamais. Effarants quelque part et au fond tragiques. En Grèce et au Portugal nous sommes au stade du premier fonctionnement du logiciel malicieux, les Italiens ont tout juste achevé l’installation, et les autres banconautes de la zone euro commencent tout juste le téléchargement. J’ose même prédire au risque de me tromper légèrement que le téléchargement vers la console française durera jusqu’aux élections, rapide non, finalement ?
Chez nous, la console fonctionne déjà après installation. Malgré les bugs. Bytecode financier. Nous enregistrons en effet deux suicides tous les trois jours et dans la presse on prétend que déjà 70.000 jeunes grecs, tous anciens joueurs de la console, se sont installés aux États-Unis, sans doute pour se …consoler ou pour trouver un patch (chiffres fournies par le correspondant du quotidien Proto Thema à New York, 12/01/2012). Je n’arrive pas à croire à ces chiffres et les autorités grecques n’en fournissent guère.
Entre temps une dame, très élégante a ouvert la porte du café où nous nous étions installés. Il neigeotait dehors et un vieux labrador hésitait devant l’établissement. Ce pauvre chien n’a pas osé entrer finalement, mais les clients ont vite réagi : «Fermez la porte madame, ne la tenez pas si longtemps ouverte, vous le voyez, ce pauvre chien ne veut pas entrer et nous, nous avons également froid».
Mon ami Th. a utilisé son dernier argent pour se nourrir. Il ne paiera plus taxes, impôts et autres obligations ex-citoyennes, ni chauffage, à part quelques bûches. «Je ne peux plus. Terminé. Je vais liquider mon assurance vie, au mieux onze mille euros de m…. Je changerai tout en dollars, je vivrai ainsi durant un an au moins». (…)

 

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