Visiter Mulhouse avec Marx et Engels

“Vue générale des Cités ouvrières de Mulhouse” in Charles Grad : L’Alsace, le pays et ses habitants

Parmi les célébrités qui ont été attentives à Mulhouse, on oublie souvent et pour cause le grand Charles (Karl Marx) et son pote l’industriel, Friedrich Engels. Comme ils sont un peu revenus à la mode – il paraît qu’ils avaient raison mais on ne dit jamais en quoi – profitons de cette éclaircie. D’autant que les journées du Patrimoine approchent et que j‘avais avancé que tout wagges est un greeter qui s’ignore.

Karl Marx qualifiait les Dollfus d’escrocs. Rigolo.  Friedrich Engels, aussi, notamment dans un petit opuscule polémique intitulé La question du logement qui traite des cités ouvrières.

Nous en publions quelques extraits. Si vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à nous les faire parvenir. L’idée serait de faire un petit guide : Visiter Mulhouse avec Marx et Engels

1. Lettre de Marx à Kugelmann[1]
Ludwig Kugelmann (1828-1902), participe à la révolution de 1848 à Düsseldorf, après des études de médecine, il s’installe comme gynécologue à Hanovre où il accueillera plusieurs fois Engels et Marx dont il sera le correspondant. Il a beaucoup fait pour la diffusion du Capital  en Allemagne. Ses questions ont permis à Marx de préciser sa pensée sur bien des points. Ainsi admet-il dans l’extrait ci-dessous que si les industriels sont contraints par le système tel qu’il fonctionne, les fabricants peuvent néanmoins exercer une certaine action. Marx défend l’idée que cette activité doit dès lors être publique, raison pour laquelle il s’en prend à la volonté de museler la presse dont l’industriel libéral mulhousien Jean  Dollfus a été l’un des promoteurs.

Londres,  17 mars 1868

[…] Que le fabricant, individuellement, ne puisse pas faire grand‑chose en l’occurrence (sauf dans la mesure où il essaie d’agir sur la législation), je le dis moi aussi, p. 243 [de l’édition allemande] :

« Il est vrai qu’à prendre les choses dans leur ensemble, cela ne dépend pas non plus de la bonne ou mauvaise volonté du capitaliste individuel, etc.[2]»

Que, malgré tout, l’individu puisse exercer une certaine action, des fabricants comme Fielden, Owen, etc., l’ont amplement prouvé. Leur activité essentielle doit, cela va sans dire, être de nature publique. Pour ce qui est des Dollfus en Alsace, ce sont des humbugs [escrocs], qui s’entendent par les clauses de leurs contrats à établir entre leurs ouvriers et eux un rapport de servage paternaliste, qui leur est en même temps très profitable. Ils ont été congrûment démasqués dans certains journaux parisiens, et c’est précisément pour cela que l’un de ces Dollfus a dernièrement proposé et carried [fait adopter] au Corps législatif , un des paragraphes les plus infâmes de la loi sur la Presse[3], à savoir que « la vie privée doit être murée ».

2. Friedrich Engels : La question du logement [4]
Il s’agit d’un ensemble de 3 articles qu’il a consacré à polémiquer avec les partisans de Proudhon dans lequel la question de savoir ce qu’il en est de la Cité ouvrière de Mulhouse joue un grand rôle.

Mais la cité ouvrière de Mulhouse en Alsace, n’est-ce point là un succès ?

Cette cité ouvrière de Mulhouse est le grand cheval de parade de la bourgeoisie du continent, tout comme les colonies naguère florissantes d’Ashton, Ashworth, Greg et consorts l’étaient pour les bourgeois anglais. Malheureusement, elle n’est pas le produit de l’association “ latente”, mais de celle, ouverte, entre le Second Empire français et les capitalistes alsaciens. Elle faisait partie des expériences socialistes de Louis Bonaparte, et l’Etat avança 1/3 du capital. En 14 ans (jusqu’en 1867), on a construit 800 petites maisons suivant un système défectueux qui serait impossible en Angleterre où l’on comprend mieux ces choses ; après avoir versé mensuellement pendant 13 à 15 ans un loyer surélevé, les travailleurs en sont les propriétaires. Ce mode d’acquisition, introduit depuis longtemps dans les coopératives de construction anglaises, ainsi que nous le verrons plus loin, n’a donc pas eu à être inventé par les bonapartistes alsaciens. Les suppléments au loyer pour l’acquisition des maisons sont assez forts, comparés à ceux pratiqués en Angleterre ; par exemple, après avoir payé 4.500 francs en 15 ans, le travailleur acquiert une maison qui, 15 ans auparavant, valait 3.300 francs. Si l’ouvrier veut déménager ou s’il est en retard, serait-ce même d’un seul versement mensuel (dans ce cas, il peut être expulsé), on lui compte 6 2/3 de la valeur primitive de la maison comme loyer annuel (soit 17 francs mensuellement pour une maison valant 3.000 francs) et on lui rembourse le reste, mais sans un sou d’intérêt. On comprend que la société, sans parler du « secours de l’Etat », puisse s’enrichir avec cette méthode ; on comprend également que les logements livrés dans ces conditions et qui, étant situés hors de la ville, sont à moitié rustiques, se trouvent être bien supérieurs aux vieilles casernes dans la ville même.

 
Plus féroce encore :

Par ailleurs, chacun constate que les bonapartistes de Mulhouse, la ville ouvrière, ne sont que les lamentables plagiaires de ces sociétés de construction à l’usage des petits bourgeois anglais. La seule différence est que les premiers, malgré l’aide accordée par l’Etat, escroquent leurs clients bien davantage que les dites sociétés. Leurs conditions sont dans l’ensemble moins libérales que celles qui prévalent généralement en Angleterre ; tandis que là on tient compte des intérêts simples et composés de chaque versement et qu’on les rembourse après préavis d’un mois, les fabricants de Mulhouse empochent tous les intérêts et ne remboursent que la somme versée en espèces sonnantes et trébuchantes.


[2] Il vaut la peine de lire la citation entière très actuelle : Dans toute affaire de spéculation, chacun sait que la débâcle viendra un jour, mais chacun espère qu’elle emportera son voisin après qu’il aura lui‑même recueilli la pluie d’or au passage et l’aura mise en sûreté. Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste et de toute nation capitaliste. Le capital ne s’inquiète donc point de la santé et de la durée de la vie du travailleur, s’il n’y est pas contraint par la société. À toute plainte élevée contre lui à propos de dégradation physique et intellectuelle, de mort prématurée, de tortures du travail excessif, il répond simplement : « Pourquoi nous tourmenter de ces tourments, puisqu’ils augmentent nos joies (nos profits) ? » Il est vrai qu’à prendre les choses dans leur ensemble, cela ne dépend pas non plus de la bonne ou mauvaise volonté du capitaliste individuel. La libre concurrence impose aux capitalistes les lois immanentes de la production capitaliste comme lois coercitives externes. (Le Capital / Livre 1 / 3 èmesection / Chapitre X / Lois coercitives pour la prolongation de la journée de travail depuis le milieu du XIV° jusqu’à la fin du XVII°siècle)

[3] Allusion à l’article 11 de la loi sur la Presse proposé le 11 février au Corps législatif par plusieurs députés dont Jean Dollfus et adopté le 6 mars 1868. L’article prévoit une amende de 500 F. pour tout article de presse concernant la vie privée d’un individu.

[4]http://www.marxists.org/francais/engels/works/1872/00/logement.htm

Prochaine visite : Samedi 16 septembre à DMC avec Michel Foucault commenté par Gilles Deleuze

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La foi au grattage et les indulgences au tirage

Pour la promotion de leur initiative Protes’temps forts (si, si ), l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine a mis en ligne sur son site Internet un ” Jeu du coup de cœur ” basé sur la technique du grattage.
Ils n’ont pas osé aller jusqu’au loto comme en Suisse.
Dommage.
On aurait pu tenter la foi au grattage et gagner des indulgences au tirage.
Tout cela pour fêter l’anniversaire de l’affichage par Martin Luther des 95 thèses qui  déclencheront la Réforme en Europe et qui entre autre s’élevait contre la vente des indulgences par la papauté.
On ne saurait mieux signifier la crise de ce que Paul Valéry appelait “ la valeur esprit”.
Même dans les Eglises, le spirituel n’a plus cours.

Luther revient, ils sont devenus fous !
Parole de mécréant.
http://www.protestempsforts.fr/jeu

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La dénucléarisation du Rhin supérieur

Nous inaugurons une nouvelle rubrique que nous intitulerons A retenir. Nous y placerons des faits et informations qu’il sera utile de ne pas perdre de vue. Elles sont si vite emportées dans le maelstrom des données. Un site Internet tel que nous le concevons sert aussi par le travail d’indexation que nous y faisons à poser des esquisses de repères. L’absence confirmée de pluralisme de l’information dans l’Est de la France – la presse écrite régionale est désormais entièrement aux mains du Crédit Mutuel – ainsi que le caractère assez vulgairement propagandiste des publications des collectivités régionales justifient à elles seules l’existence de blogs citoyens.

Les centrales nucléaires du Rhin supérieur vues par le Conseil général

Dans son édition de Juillet-Août, le magazine du Conseil général du Haut Rhin nous offrait cette vision élargie – transnationale – de notre environnement nucléaire en situant sur une carte les centrales du Rhin Supérieur. A priori plutôt une bonne idée car la question de la sureté nucléaire n’est pas une question nationale comme on le voit bien.

Mais à la lecture…..

Voici le texte de la légende :

13 réacteurs nucléaires sont en fonction dans le Rhin Supérieur dont 5 en Suisse et 6 en Allemagne :
En France :
Fessenheim : 2 réacteurs, mis en service en 1977/78, 900 MW
En Suisse :
Gösgen : mis en service en 1977/78
Beznau 1 : mis en service en 1969 (9 ans plus vieille que Fessenheim), 380 MW
Beznau 2 : mis en service en 1971 (7 ans plus vieille que Fessenheim)
Leibstadt : mis en service en 1984, réacteur plus puissant que Fesssenheim, 1 220 MW
Bern (Mühleberg) : mis en service en 1972, 335 MW
En Allemagne :
Neckarwestheim : 2 réacteurs, mis en service en 1976 et 1989, 840 MW et 1 400 MW
Philippsburg : 2 réacteurs, mis en service en 1980 et 1985, 950 MW et 1 450 MW
Biblis : 2 réacteurs, mis en service en 1975 et 77, 1 300 MW

On souligne bien que nos voisins eux ont des centrales encore plus vieilles ou plus puissantes que la nôtre ! Dans quel but ? Si c’est pour créer la confiance, c’est raté.

Je ne sais pas s’il faut choisir l’angle de l’incompétence ou de l’escroquerie. A l’époque de la rédaction de cet article, les choses étaient claires du côté allemand. Elles restent encore aujourd’hui beaucoup plus floues côté suisse où la décision de principe annoncée laisse finalement la porte grand ouverte à l’industrie nucléaire du futur.

Les réacteurs allemands de la région étaient eux déjà à l’arrêt après la catastrophe de Fukushima et on savait que le gouvernement allemand allait décider de ne pas les remettre en service même si la décision formelle du Parlement n’était pas encore prise.

Les trois centrales allemandes du Rhin supérieur (Biblis, Neckarwestheim, et Philippsburg) sont définitivement fermées. Il est question d’en maintenir une (Biblis B ?) en “réserve” pendant deux années encore. Cette décision est actuellement contestée par le gouvernement du Land de Hesse.

Si l’on se résume, à l’exception du village gaulois de Fessenheim, le processus de dénucléarisation du Rhin supérieur est en marche. Il y a ceux qui sont devant et ceux qui sont à la traîne.

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