La financiarisation de l’industrie agroalimentaire

Alors que l’on nous présente comme une découverte le fait que la production de viande soit devenue une industrie, je vous invite à lire l’intégralité d’un article fort intéressant publié sous le nom de Zébu par le blog de Paul Jorion. Il a pour titre « On achève bien les chevaux ».Nous en publions ci-dessous un extrait.  Il met en exergue la question de la financiarisation de l’industrie agroalimentaire y compris dans sa forme coopérative qui singe le modèle dominant. L’entreprise Spanghero, par qui le scandale est arrivé, appartient en effet à une coopérative.

La gesticulation gouvernementale, les approximations médiatiques ont largement contribué à noyer le poisson, si l’on peut dire, au point de faire passer une fraude économique pour un scandale sanitaire, comme le montre l’exemple du quotidien régional L’Alsace.

La falsification d’une étiquette n’a rien à voir avec un principe de précaution qui est d’ordre sanitaire.

La fraude et le fraudeur, explique à juste titre l’article de Zébu, sont des produits d’un système auxquels ils servent en même temps d’exécutoire pour lui permettre de perdurer. On tient un coupable. Il l’est en effet. Mais le désigner exclusivement efface toute une chaîne d’irresponsabilités sur laquelle repose tout un système qui s’est financiarisé.

Venons-en à ce qui nous paraît être le cœur de l’article :

 « Quel est le point commun entre Findus, Comigel, Lur Berri et même Picard ? En dehors du fait qu’ils ont été à des degrés divers concernés par l’affaire de la viande de cheval, c’est une expression : ‘Leveraged Buyout’ (LBO). « Le LBO, de l’anglais «Leveraged Buyout », est un terme générique désignant un montage juridico-financier de rachat d’entreprise par effet de levier (« leverage »), c’est-à-dire par recours à un fort endettement bancaire. ». Findus y est passé, par Lion Capital Investments en 2008, après CapVest en 2004 et EQT en 2000, pour être finalement restructuré au profit de banques. Picard, la réputée chaîne de surgelés, fait par ailleurs partie elle aussi des ‘cibles’ restructurées par Lion Capital, après avoir été cédé par Carrefour en 2001 à un autre fonds d’investissement en LBO, comme en 2004 ensuite. Comigel a elle été acquise par un fonds d’investissement français en 2007, Céréa Capital, quand Lur Berri, propriétaire de la désormais fameuse entreprise Spanghero, utilisa les services de LBO France (par ailleurs actif dans l’agroalimentaire : Materne, Pom’ Alliance, Poult, EVS) pour acquérir Labeyrie en 2012.

L’agroalimentaire a donc connu une véritable financiarisation au travers de cette ‘technique’, laquelle fonctionne de cette manière : des investisseurs investissent leurs surplus de liquidités en acquérant des sociétés dites ‘cibles’ (correspondant à leurs critères d’investissement), créent une holding spécifiquement dédiée pour ce faire, laquelle est constituée des apports de liquidités des investisseurs et de crédits, majoritaires, le plus souvent bancaires. En apportant ainsi 1€, ils ‘lèvent’ 1, 2 ou 3€ complémentaires auprès de banques afin d’acquérir des entreprises, lesquelles devront ensuite ‘produire de la valeur’ afin de rembourser les créditeurs : en clair, produire des bénéfices qui seront reversés sous forme de dividendes aux ‘actionnaires’ de la holding. Dans ce cadre là, on parlera alors de ‘ROE’, Return On Equity, le taux de profit sur les capitaux propres. Et plus ceux-ci seront faibles par rapport à la somme totale, et plus ce ‘ROE’ sera important, soit sa capacité à produire du profit pour les investisseurs. D’où la ‘nécessité’ d’avoir recours au maximum au crédit afin d’optimiser ce ‘taux de profit’, lequel tourne autour des 15% annuels en moyenne mais peut atteindre des niveaux stratosphériques (25% et +).

C’est à cette ‘logique’ là que le secteur agroalimentaire ou tout du moins une bonne partie s’est livré dans les années 2000 en France, afin d’accéder au Graal promis aux entreprises financiarisées : la liquidité.

La liquidité permet toutes les audaces et aussi tous les investissements, comme Lur Berri en fit l’expérience, en acquérant à tour de bras foultitudes d’entreprises devenues autant de filiales. Elle permet la croissance du chiffre d’affaire et même, selon l’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance), l’augmentation du nombre de salariés. Que demander de plus dès lors ?

Le problème, c’est que si le LBO ‘produit de la valeur’ comme on aime à le répéter dans ces milieux là, c’est uniquement au bénéfice des investisseurs, lesquels, non content de recevoir des dividendes, récupèrent aussi de potentielles plus-values phénoménales lorsque ladite entreprise est revendue à un prix supérieur à celui de l’achat : c’est le second niveau de ‘leviérisation’.

Le problème est aussi que la masse salariale ne voit que très rarement la couleur de la ‘chaîne de valeur’ mais bien plutôt celle des conflits sociaux, du fait de l’augmentation de la productivité pour produire toujours plus de dividendes, pour des salaires identiques. »

L’intégralité de l’article avec notamment la réflexion sur le système coopératif se trouve sur le site de Paul Jorion

 

 

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Pour se préparer à un accident nucléaire, il faut en mesurer le coût

Pour se préparer à un accident nucléaire,
il faut en comprendre les conséquences potentielles

Ludivine Pascucci-Cahen, Momal Patrick
Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN)

On comprend mieux. J’avais été surpris par  la complaisance avec laquelle on nous jetait à la figure le coût d’un accident nucléaire : 400 milliards d’euros.
Et plus si affinités ?
Je n’avais pas réagi sur le coup car je m’étonnais que les documents soient introuvables sur le site de l’IRSN.
Ils le sont désormais.
Il a fallu quelques pressions.

Dans le cadre des préparatifs pour la gestion d’une éventuelle – l’éventualité fait désormais partie des possibles – catastrophe nucléaire, l’IRSN s’est lancé dans l’évaluation des coûts d’un accident nucléaire.

« Au total, un accident majeur pourrait coûter plus de 400 milliards d’euros, soit plus de 20 % du PIB français annuel. Le pays serait durablement et fortement traumatisé, car deux impacts se combineraient : il faudrait faire face simultanément à des conséquences radiologiques sévères sur une partie du territoire, et à de très lourdes pertes économiques, sociétales, ayant des conséquences internationales. L’Union Européenne serait affectée, et l’histoire garderait pendant longtemps la mémoire de la catastrophe ».

Les chiffres ont été révisés à la baisse puisque le rapport de la Cour des comptes de janvier 2012 qui écrivait :

Les estimations de l’IRSN donnent un coût moyen compris entre 70 Md€ pour un accident modéré sur un réacteur comme celui qui s’est produit à Three Mile Island en 1979, et 600 Md€ à 1 000 Md€ pour un accident très grave comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima.

Des calculs à la louche.

Le bon sens voudrait, à partir de là, que l’on réfléchisse à deux fois avant de persévérer dans le développement de l’industrie nucléaire d’autant que le calcul du coût suppose que l’accident serait de « type Fukushima » alors que chaque accident est d’un autre type. Mais l’IRSN va dans une direction totalement opposé puisqu’elle conclut que les études menées éclairent l’avenir à long terme du nucléaire (sic!) :

« Ces études fournissent enfin un éclairage complémentaire pour la discussion relative à l’avenir à plus long terme du recours à l’énergie électronucléaire. L’importance des coûts d’accidents milite en effet pour la mise au point de nouveaux types de réacteurs qui non seulement présentent des probabilités plus faibles qu’aujourd’hui de causer un accident grave, mais permettraient aussi de par leur conception d’arriver à une « élimination pratique » de ce type de scénario accidentel conduisant à des rejets très importants ».

Les calculs ont cependant encore un autre objectif : faire prendre en compte ces coûts dans la facture d’électricité. Car la question de savoir qui va payer est implicitement posée. Sur ce plan, je trouve que l’argumentation de Greenpeace relève d’une pédagogie bien tendancieuse :

« Le système doit intégrer TOUS les coûts !

Si l’on intègre les conséquences économiques d’un accident nucléaire au coût du MWH, l’électricité nucléaire perd immédiatement son image d’énergie bon marché. C’est en intégrant tous ces coûts que l’on se rendra compte que cette technologie représente un fardeau que notre société n’a plus le luxe de se payer.
C’est également au niveau réglementaire, sur son système d’assurance que la France doit agir: d’une part en étendant la responsabilité des exploitants aux fournisseurs du nucléaire et d’autre part, en mettant en place un régime de responsabilité illimitée comme en Suède et en Allemagne ».

On dirait qu’un gros piège se prépare.

En tout état de cause, si l’on ne discute pas de cela dans le cadre des débats sur la transition énergétique, on ne discute de rien.

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Fermeture de Fessenheim : encore 6 mois de gagnés !

A chaque déclaration officielle concernant le fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim promise par François Hollande, l’échéance est repoussée de quelques mois supplémentaires.

On apprend ainsi, ce matin, par la bouche de Francis Rol Tanguy, interrogé par les Dernières Nouvelles d’Alsace que

“Le projet de loi de transition énergétique dans laquelle la fermeture de Fessenheim devrait s’inscrire sera discuté au premier semestre 2014″ (C’est nous, le wagges, qui soulignons)

(C’était prévu pour fin 2013) et que

“l’exploitant a deux ans pour monter le dossier de démantèlement et l’ASN doit rendre un avis dans un délai maximum de trois ans, d’où cette notion de cinq ans [avancée par l’ASN]. (…) Deux ans et deux ans, cela me semble à moi aussi [comme à Delphine Batho qui avait parlé de 4 ans] crédible et réaliste”.

Heureusement que le changement, c’est maintenant !

Vote en 2014 + 4 ans, cela nous mène en 2018. Les élections présidentielles auront lieu en 2017. En janvier dernier, on nous le promettait pour fin 2016, début 2017. La méthode Jean Marc Ayrault prend des allures d’atermoiements.

Nous sommes dans un pays où l’on charge les hauts fonctionnaires et la Cour des comptes de définir la politique du gouvernement. Ainsi apprenons nous également de la bouche de M. Rol Tanguy,

Une vraie politique énergétique revient à étaler les fermetures pour étaler l’investissement nécessaire au remplacement du parc.(C’est nous, le wagges, qui soulignons) Surtout dans un pays comme la France, pays le plus nucléarisé au monde (…) Sinon, on se lie les mains et on s’oblige à prolonger les centrales au détriment de leur sûreté”.

Autrement dit il faut fermer des centrales nucléaires pour en construire d’autres. On l’avait deviné. Cela a au moins le mérite d’avoir été dit. Car comment, sinon, fourguer des centrales nucléaires destinées à des zones sismiques en Inde ?

Est-ce là une façon moderne de gouverner ?

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