Du rallye comme propédeutique à la vulgarité

Les rallyes se suivent mais ne se ressemblent pas au sens où d’année en année, ils passent moins bien. En témoigne, une prise de position d’universitaires parue dans les DNA du 30/09/2011 que je trouve en ceci particulièrement intéressante qu’elle n’oublie pas d’évoquer les nuisances sociales et sociétales et les vertus pédagogiques que devraient avoir les actes politiques. Nous savons sans doute mieux à faire, en effet, que d’introduire les jeunes générations dans la religion de la voiture. J’ajoute après la “spéciale” de ce rallye qui a eu lieu à Mulhouse, ce samedi 1er octobre, après midi, deux autres considérations.  Le passage de projectiles publicitaires plus ou moins colorés atteint tout de même au non-spectacle par excellence, encore plus pour ceux – les plus nombreux – qui, massés derrière des grillages, n’ont pas le privilège de le voir du haut d’un hélicoptère ou depuis une tribune. Le rallye devient alors le spectacle de ceux qui vont voir un spectacle qui n’en est pas un. Le second aspect peu souligné concerne le fait que l’on atteint le sommet du paradoxe  quand on lance des bolides à vitesse maximale dans un quartier dont la vocation est d’être une zone à 30 km/h.
Nous reproduisons ci dessous le texte évoqué non sans avoir exprimé notre étonnement de voir que des universitaires à ce niveau d’instruction fassent encore l’erreur classique de confondre Panurge et ses moutons.
Pour marquer notre différence avec ceux qui le publie dans un environnement publicitaire qu’il soit de voitures automobiles ou autre, nous nous abstenons de la moindre image.

 

La prise de position :

“Du rallye comme propédeutique à la vulgarité”

«Dans le sens le plus noble du terme, défini par Platon à l’orée de notre culture, la politique se voulait une pédagogie. Pour le poète allemand Friedrich Schiller, qui écrivait aux temps de la Révolution française, elle devait s’accompagner d’une éducation esthétique du citoyen. L’obstination de nos élus à reconduire d’année en année leur soutien à la plus nocive et la plus débile des manifestations sportives va précisément à l’encontre de ces idéaux. Elle donne en revanche l’exacte mesure des pressions exercées sur la politique par l’industrie automobile et son appendice médiatique : la Fédération française de sport automobile, avec son incessante apologie des exploits mécaniques et son inepte célébration des petits as du volant.

Salaires indécents

Depuis sa naissance, la course automobile a en effet partie liée avec les groupes industriels qui la promeuvent et sans laquelle elle ne pourrait exister. Entrent réellement en compétition moins des individus talentueux que des firmes commerciales en quête de valorisation publicitaire, ce qui explique en retour les salaires indécents versés à leurs laquais. Chacun peut s’en rendre compte, une voiture de course n’est qu’une surface publicitaire ambulante et son conducteur un homme-sandwich, de la casquette aux baskets.

Nul n’ignore qu’une compétition automobile est un condensé de nuisances (visuelles, sonores et olfactives) entées sur une débauche insensée de ressources énergétiques. C’est donc avec une égale débauche de cynisme que l’on tente présentement de gommer cette dérangeante réalité en essayant de nous vendre l’oxymore d’un rallye propre, à grand renfort de «bilan carbone» basé sur une évaluation que l’on avoue par ailleurs «fragilisée par les difficultés méthodologiques » (souhaitons bon courage aux gentils évaluateurs).

De ces noces obscènes de l’industrie et de l’argent sous l’égide du spectacle, on prétend faire «une vraie fête populaire». Il est difficile de pousser plus loin le mépris du peuple, ainsi déchu au rang de consommateur passif de réclames commerciales et ramené au statut de plèbe urbaine à laquelle on fournit, pour l’amadouer, « panem et circenses», du pain et des jeux imbéciles. Consultons plutôt un bon dictionnaire pour y lire, à l’article Démagogue: «Politicien qui flatte les passions de la multitude pour gagner sa faveur». Quoi de plus démagogique à cet égard que le slogan «tous derrière Loeb !», repris en chœur par les Panurges de tous bords. On rirait de cette grotesque incitation au grégarisme, si la formule n’évoquait des suivismes autrement inquiétants.

À cet égard, le comble de l’incohérence est atteint par une élue arguant de la popularité du rallye pour dénoncer la démagogie de ceux qui s’y opposent ! En démocratie, libre à chacun d’exprimer ses opinions ; mais il n’est permis à quiconque de disposer à sa guise du sens des mots, ni de renverser à sa convenance la logique la plus élémentaire.

Politique de Jocrisse

La revendication d’un rallye éco-compatible n’est pas seulement un non-sens, mais une insulte à l’intelligence des citoyens ; quant à la garantie d’une «compensation aux gaz à effet de serre» émis par une manifestation qu’il suffisait de ne pas financer, elle relève d’une politique de Jocrisse. Les dispendieux cabinets de communication auxquels nos élus ont recours se passent le truc: en Alsace, on amène les bolides dans des vignes en voie de certification biologique en excipant d’un «village du développement durable» placé sur le parcours ; à Nantes, on envisage froidement de raser une quarantaine d’exploitations agricoles pour installer un aéroport surdimensionné intégrant une « ferme modèle» ! Orwell n’aurait pas trouvé mieux.

En agissant de la sorte, nos décideurs se rendent coupables d’un méfait qui dépasse en gravité les séquelles écologiques précédemment évoquées. Que le rallye entraîne des nuisances environnementales, que les dépenses qu’il entraîne constituent en ces temps de crise financière un scandaleux mésusage de l’argent public est chose entendue ; encore faut-il souligner les nuisances sociétales et mentales induites par de tels spectacles. En promouvant une manifestation barbare, en donnant pour exemple à notre jeunesse un champion tous azimuts de l’expatriation fiscale, c’est une pédagogie négative que pratiquent nos élus, une propédeutique à la bêtise, à la vulgarité et à l’incivisme dont ils feindront ultérieurement de déplorer les trop prévisibles conséquences».

Les signataires
Yann Bugeaud, membre de l’Institut universitaire de France
William Gasparini, directeur du laboratoire Sciences sociales du sport
Pierre Hartmann, directeur de l’Ecole doctorale des Humanités
Roland Pfefferkorn, directeur de l’Institut de sociologie
Maurice Sachot, professeur émérite en Sciences de l’éducation
Stéphane Vuilleumier, responsable d’équipe en microbiologie de l’environnement au Centre national de la recherche scientifique.
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La dénucléarisation du Rhin supérieur

Nous inaugurons une nouvelle rubrique que nous intitulerons A retenir. Nous y placerons des faits et informations qu’il sera utile de ne pas perdre de vue. Elles sont si vite emportées dans le maelstrom des données. Un site Internet tel que nous le concevons sert aussi par le travail d’indexation que nous y faisons à poser des esquisses de repères. L’absence confirmée de pluralisme de l’information dans l’Est de la France – la presse écrite régionale est désormais entièrement aux mains du Crédit Mutuel – ainsi que le caractère assez vulgairement propagandiste des publications des collectivités régionales justifient à elles seules l’existence de blogs citoyens.

Les centrales nucléaires du Rhin supérieur vues par le Conseil général

Dans son édition de Juillet-Août, le magazine du Conseil général du Haut Rhin nous offrait cette vision élargie – transnationale – de notre environnement nucléaire en situant sur une carte les centrales du Rhin Supérieur. A priori plutôt une bonne idée car la question de la sureté nucléaire n’est pas une question nationale comme on le voit bien.

Mais à la lecture…..

Voici le texte de la légende :

13 réacteurs nucléaires sont en fonction dans le Rhin Supérieur dont 5 en Suisse et 6 en Allemagne :
En France :
Fessenheim : 2 réacteurs, mis en service en 1977/78, 900 MW
En Suisse :
Gösgen : mis en service en 1977/78
Beznau 1 : mis en service en 1969 (9 ans plus vieille que Fessenheim), 380 MW
Beznau 2 : mis en service en 1971 (7 ans plus vieille que Fessenheim)
Leibstadt : mis en service en 1984, réacteur plus puissant que Fesssenheim, 1 220 MW
Bern (Mühleberg) : mis en service en 1972, 335 MW
En Allemagne :
Neckarwestheim : 2 réacteurs, mis en service en 1976 et 1989, 840 MW et 1 400 MW
Philippsburg : 2 réacteurs, mis en service en 1980 et 1985, 950 MW et 1 450 MW
Biblis : 2 réacteurs, mis en service en 1975 et 77, 1 300 MW

On souligne bien que nos voisins eux ont des centrales encore plus vieilles ou plus puissantes que la nôtre ! Dans quel but ? Si c’est pour créer la confiance, c’est raté.

Je ne sais pas s’il faut choisir l’angle de l’incompétence ou de l’escroquerie. A l’époque de la rédaction de cet article, les choses étaient claires du côté allemand. Elles restent encore aujourd’hui beaucoup plus floues côté suisse où la décision de principe annoncée laisse finalement la porte grand ouverte à l’industrie nucléaire du futur.

Les réacteurs allemands de la région étaient eux déjà à l’arrêt après la catastrophe de Fukushima et on savait que le gouvernement allemand allait décider de ne pas les remettre en service même si la décision formelle du Parlement n’était pas encore prise.

Les trois centrales allemandes du Rhin supérieur (Biblis, Neckarwestheim, et Philippsburg) sont définitivement fermées. Il est question d’en maintenir une (Biblis B ?) en “réserve” pendant deux années encore. Cette décision est actuellement contestée par le gouvernement du Land de Hesse.

Si l’on se résume, à l’exception du village gaulois de Fessenheim, le processus de dénucléarisation du Rhin supérieur est en marche. Il y a ceux qui sont devant et ceux qui sont à la traîne.

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