Légume du mois / Janvier : le chou vert

Ensor, "Le Chou", 1880 Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Chou d’hiver, chou divers, plusieurs centaines de variété de chou, dites-vous ? Que de chemin parcouru depuis le chou sauvage d’origine qui existe toujours, soit-dit en passant , sur nos côtes atlantiques.

Un peu d’histoire
Le chou était connu depuis l’antiquité grecque et romaine (pas au Moyen-Orient). Les avis divergeaient largement sur ses qualités et sur son utilisation. Diogène s’en nourrissait exclusivement. Caton en faisait un secret de longévité. Le chou passait aussi pour un remède contre l’ivresse. Mais, en général, dans l’antiquité, il n’était guère reconnu comme un aliment d’honnête homme.
Si les hommes sont renommés naître dans les choux, peu de gens pensent que les choux sont nés de l’homme. C’est pourtant la légende que nous rapporte Maguelonne Toussaint-Samat (Histoire naturelle et morale de la nourriture – Bordas culture – 1987) :

 

Les peuples néolithiques du Proche-Orient comme les Hébreux et les Egyptiens ignoraient le chou, ce vieil européen. La première mention l’honorant se trouve dans le Traité des herbages. Eudème d’Athènes, son auteur, distingue trois espèces de choux cultivés. Pour les Grecs et les Romains, le chou mangé au cours des banquets préservait de l’ivresse. Aussi doit-il son origine légendaire au pire ennemi que Dionysos eut jamais : Lycurgue, le roi des Edoniens, les très anciens Spartiates.
Encore que Lycurgue ne le fît pas exprès. A son corps défendant, faut-il même préciser. Le dieu de la Vigne, dans sa période de folie conquérante et revenant en Europe avec les siens, envahit la Thrace pour y faire connaître le vin lorsque Lycurgue s’interposa. Armé de son seul aiguillon à bœufs, il captura l’armée délirante tout entière, sauf Dionysos qui plongea dans la mer et trouva refuge au fond de la grotte de Thétis. Rhéa, la déesse de la Terre, rendit Lycurgue complètement fou lui aussi : prenant son fils Dryas pour un pied de vigne, il entreprit de le tailler à coups de hache… Les Edoniens parvinrent à le maîtriser et, après l’avoir torturé, le firent écarteler. Des larmes du roi naquirent des choux qui surgirent çà et là dans le sable.

 

Le chou n’était pas qu’aliment : de Rome au XVIIème siècle, voire au XIXème, on utilisait les propriétés cicatrisantes de ses feuilles, notamment en emplâtre. Sa teneur en vitamine C en faisait également un antiscorbutique de choix.
Le chou a été aussi un des premiers aliments, en choucroute, à être proposé industriellement.

 

Aspects nutritionnels
La richesse vitaminique des choux doit être soulignée. Ils figurent parmi les légumes les mieux pourvus en vitamine C : leur teneur est beaucoup plus élevée dans les feuilles extérieures, mais elle reste très appréciable même dans le coeur. Après cuisson il reste en moyenne 15 à 20 mg de vitamine C pour 100 g de chou, ce qui, compte tenu des portions habituellement consommées, représente une très bonne valeur !

Il est remarquablement riche en vitamine E : 2 à 7 mg pour 100 g, un taux record pour un légume !

La provitamine A (ou carotène qui se transforme en vitamine A dans l’organisme) est également très bien représentée : sa teneur est très variable selon les variétés, en moyenne 0,3 mg aux 100 g (ce qui correspond à environ 10 % du besoin quotidien de l’adulte), mais parfois cette teneur atteint 0,6 mg, voire 1 à 3 mg ! Parmi les vitamines du groupe B, il faut noter la vitamine B5 (l’acide pantothénique), la vitamine B6 et l’acide folique B9 (la vitamine B des “légumes feuilles”).

En ce qui concerne les minéraux, le calcium est particulièrement intéressant, grâce à sa teneur élevée (60 mg aux 100 g, besoin quotidien de l’adulte : 800 mg), et surtout au très bon rapport calcium/phosphore, supérieur à 1 (ce qui rend le calcium bien assimilable par l’organisme). On remarque aussi le magnésium, le fer (accompagné de cuivre et de vitamine C qui favorisent sa bonne utilisation), de nombreux oligoéléments, et enfin des dérivés soufrés, très caractéristiques du chou (ils sont responsables en grande partie de sa saveur typique).

Les fibres sont abondantes (plus de 3 %) composées majoritairement de celluloses et d’hémicelluloses.

Le chou, comme tous les légumes appartenant à la famille des crucifères, contient une substance soufrée, la thio-2-oxazolidone, ou goitrine, un précurseur des thiocyanates (composés responsables de la saveur très caractéristique des choux) qui est capable, pour des quantités de chou absorbées régulières et abusives, de s’opposer à l’action de l’hormone thyroïdienne, au point de provoquer un goitre.

Notre recette :
Cuisse de lapin au chou, jambon de Bayonne et romarin

Prévoir par personne :
– une cuisse de lapin
– une tranche fine de jambon de Bayonne,
– le quart d’un chou vert de bonne taille
– une branche de romarin frais dont on aura séparé et finement haché les feuilles.

Éliminer les feuilles extérieures du chou, détacher les autres, les laver et les blanchir à l’eau bouillante jusqu’à ramollissement des feuilles (environ 10 mn). Égoutter.
Dans une cocotte, dont la taille sera choisie en fonction du nombre de cuisses, faire couler un filet d’huile d’olive (éventuellement huile d’olive au sésame grillé). Faire juste dorer les cuisses de chaque côté. Laisser rôtir une dizaine de minutes à feu pas trop vif. Les retirer de la cocotte. Faire revenir le jambon de Bayonne coupé en petites lamelles de deux centimètres environ. Rajouter éventuellement un filet d’huile d’olive puis le chou. Ajouter les feuilles de romarin finement haché et mélanger le tout. Disposer au dessus les cuisses de lapin. Laisser cuire à feu assez doux environ une demi-heure.
Quelques remarques :
La cuisson en cocotte en cuivre permet une meilleure répartition de la chaleur. Il est aussi possible de cuisiner de la même manière un lapin entier et préalablement découpé.  La recette peut aussi se faire en cocotte individuelle pour les célibataires endurcis mais hamburgerophobes.
Que boire ?
On peut conseiller plusieurs vins. En blanc, préférer un viognier du Sud-Ouest. En rouge, un Corbières un peu épicé conviendra très bien.

                                                                                                                    P.M. Théveniaud

 

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