Le fruit du mois d’octobre : La poire sous toutes ses formes

Musique = Eric Satie : Trois morceaux en forme de poire. Interprète Aldo Ciccolini

Ah ! ces souvenirs où, encore enfant et presqu’adolescent, on allait cueillir les poires oranges directement sur l’arbre au milieu de dizaines de frelons qui semblaient en apprécier le goût encore plus que nous. Quels arômes et, surtout, quelle texture et quel sucré à maturité !

Un peu d’histoire

La poire nous viendrait du Cachemire. Importée il y a fort longtemps dans nos pays européens, elle était connue en Grèce antique sans être beaucoup consommée. Elle a surtout été développée à Rome. De Caton à Pline, le nombre de variétés aurait été multiplié par 10. Le plus souvent cité est Pline l’ancien dans son Histoire Naturelle :

« Toutes les poires, en aliment, sont pesantes même pour les personnes bien portantes : on les défend, comme le vin, aux malades; mais cuites elles sont merveilleusement salutaires et agréables, surtout celles de Crustuminum. Toutes les poires cuites avec du miel sont bonnes à l’estomac. On en fait des cataplasmes résolutifs. On se sert de leur décoction pour résoudre les duretés. Les poires mêmes sont efficaces contre les bolets et les champignons; elles les précipitent, tant par leur poids que par la vertu neutralisante de leur suc. La poire sauvage mûrit très tardivement. Coupée par quartiers et séchée à l’air, on l’emploie pour arrêter le flux de ventre, effet que la décoction produit aussi ; pour le même usage on fait cuire les feuilles avec le fruit. La cendre du poirier est efficace contre les champignons. Une charge, même petite, de pommes ou de poires est un fardeau singulièrement fatigant pour les bêtes de somme (XXIV, 1); le remède est, dit-on, de leur en faire manger ou seulement de leur en montrer quelques-unes avant de les charger. »
Pline l’ancien – Histoire Naturelle. Tome 2. LIVRE XXIII Traduction française : É. Littré.

 

Apicius, 25 av JC, propose dans son De Re Coquinaria, une recette de patina de poires partout citée sur la toile. (La patina était un flan sucré ou salé à base de préparations diverses mélangées à des œufs battus.)

Le Moyen-âge n’a pas connu plus de variétés que Rome. On raconte que Louis XI n’a même pas pu goûter à la poire du Bon Chrétien, ancêtre de notre William, qu’il désirait si fort ; Monseigneur le Dauphin, enfant mais futur Charles VII, les ayant dévoré vertes sur le seul poirier qui avait été offert à Louis XI pour son verger personnel, juste avant sa mort, ce mois d’août 1483 !
Aujourd’hui on en compte plus de 1500 variétés, couvrant une large saison de l’été à l’hiver. Mais le consommateur de base n’en a accès qu’au nombre restreint d’une toute petite dizaine : William verte ou rouge, Guyot, Conférence, Comice, Passe Crassane et, mais pas toujours, Louise Bonne et Beurré Hardy.

Quand la poire devient caricaturale

Comme beaucoup de fruits, la poire n’échappe pas à sa valeur symbolique. La langue française regorge d’expressions qui l’utilisent : être une bonne poire, faire le poirier, garder une poire pour la soif et autres … se sucer la poire. Le poire renvoie le plus souvent au visage et c’est à ce titre qu’elle a toujours fait les beaux jours des caricaturistes. La dernière caricature en date de ce genre s’étale en couverture du numéro d’août 2012 de Courrier international.


Mais l’idée n’est pas nouvelle. Charles Philipon, directeur du journal La Caricature passa en procès en 1831. Pour ce défendre à l’audience, il présenta alors un portrait évolutif de Louis Philippe dont le dernier était une poire. Le même dessin fut repris par Daumier. Le Charivari, dont Charles Philipon était aussi le directeur, repris la même technique : contraint de publier le verdict du procès, le journal en publia le texte en couverture, mais en lui donnant une forme de poire.

Un consommateur abandonné

A part quelques commerces et à moins de posséder haies ou vergers, le temps de la poire goûteuse a bien disparu pour le commun d’entre nous au vu de ce qui est aujourd’hui proposé en grande distribution, et presqu’autant sur les marchés : fruits verts, durs, parfois très chers, mais surtout sans aucun intérêt aromatique. C’est aussi malheureusement le cas de beaucoup d’autres fruits actuellement, circuits longs, rentabilité de la production et, surtout, grande distribution obligeant. Le cas de la William rouge est caractéristique. Cette poire, si goûteuse au départ, a subi le même sort que la pêche de vigne et a servi d’exemple à la pêche plate : mise sur le marché en production intensive, elle a perdu tout ce qui faisait son originalité de texture et de parfum. Il est devenu impossible de faire un bon sorbet poire de qualité (une bonne William rouge donnait un résultat remarquable). Et pourtant….

Quelques recettes :

Tarte aux poires, anis, cédrat et pistache

Préparation pour un moule de 30 cm de diamètre (8 à 10 personnes)
Ingrédients :
 Pour la pâte à foncer :
– 320 g de farine
– 220 g de beurre
– 60 ml de lait entier
– 1 jaune d’œuf
– une petite cuillérée à café de sel et une de sucre
– anis vert
Pour le flan :
– 50 ml de lait entier
– 200 ml de crème
– 60 g de sucre
– 2 œufs
– 50 ml d’alcool de cédrat
Pour la décoration finale :
pistaches grillées à la poêle et concassées (deux cuillerées à soupe environ)
Préparation  de la pâte à foncer (15 mn) :
Dans un cul-de-poule ramollir le beurre avec un spatule jusqu’à l’obtention d’une crème. Ajouter le sel, le sucre, l’anis vert, le jaune d’œuf et le lait et mélanger jusqu’à homogénéisation de la préparation. Incorporer petit à petit la farine sans cesser de remuer. Lorsque la pâte est homogène (fait la boule), cesser de malaxer et envelopper dans un film plastique.
Réserver au frais au moins deux heures.
Montage et cuisson de la tarte :
Laisser revenir la pâte à température ambiante et l’étaler au rouleau afin de foncer le moule. Saupoudrer d’un peu de sucre. Couper les poires en deux et les disposer en deux couronnes concentriques sur la pâte. Garnir les interstices entre les demi-poires par quelques petits morceaux.
Cuire 20 mn à 180°C.
Pendant la première cuisson, préparer le flan en mélangeant les ingrédients.
Au bout de 20 mn, sortir la tarte du four, ajouter le flan en soulevant légèrement les demi poires pour laisser le flan s’écouler en dessous. Remettre à cuire 20 mn.
10 mn avant la fin de la cuisson, parsemer plus ou moins régulièrement les pistaches grillées et terminer la cuisson.
Note : Si le flan n’est pas assez coloré, on peut rapidement le passer sous le grill.
Si on ne dispose pas d’alcool de cédrat, on peut utiliser de la liqueur de gratte-cul ou incorporer dans la pâte quelques graines de cardamome et incorporer l’anis vert dans le flan.

 

Poires au vin

La cuisson des poires dans du vin est très ancienne. Ainsi le Thrésor de Santé publié à Lyon en 1607 non seulement recommandait, pour une question de santé,  de boire un « bon verre de vin vieux » après avoir mangé une poire, « comme elles sont fort venteuses », mais affirmait qu’elles devenaient « bonnes et profitables cuites en bon vin rouge, lardées de clous de girofle , sucre et cannelle et servies avec force beurre frais , fromage gras sur le réchaud, sucre dessus »

Poires au vin avec sorbet noix, basilic et fond de brioche grillée.
(dessert à l’assiette)

Ingrédients : une poire Louise Bonne par personne, crème anglaise aux noix, une tranche de brioche par personne.
Cuisson des poires :
Verser dans une casserole trois-quarts de bouteille d’un bourgogne passetoutgrain ou d’un petit bourgogne pinot noir, ajouter un verre d’une bonne liqueur de cassis de Dijon, 75 grammes de sucre et les épices (1 clou de girofle, un bâton de cannelle, quelques grains de cardamome, deux fleurs de badiane, poivre en grain ou quelques grains de poivre de Sichuan). Laisser bouillir quelques 5 minutes. Perler les poires (une Louise Bonne par personne) de façon à laisser la queue entière. Mettre les poires à cuire de 20 à 30 minutes. Les retirer. Passer au chinois et faire réduire le sirop de vin jusqu’à léger épaississement.
Glace aux noix :
Faire chauffer dans une casserole 150 ml de lait et 250 ml de crème. Ajouter une vingtaine de noix décortiquées et grossièrement écrasées. Laisser cuire le tout à très petit feu, en décoction, jusqu’à coloration et prise de goût (gouter). Mixer le tout et passer au chinois. Battre 4 jaunes d’œufs avec 85 grammes de sucre. Ajouter la crème de noix ramenée à ébullition. Terminer cette crème anglaise. Laisser refroidir. Fouetter  alors 150 ml de crème fouettée jusqu’à texture ferme. Mélanger délicatement  jusqu’à homogénéité. Glacer en sorbetière.
Montage du dessert :
Découper en cercle de 5 à 6 centimètres, grâce à un emporte-pièce, une tranche de brioche par convive,. Faire griller ces tranches sur les deux faces.
Sur une assiette, disposer en éventail la poire tranchée en lamelles (ou une demi suivant la taille). Disposer une tranche de brioche. Verser avec délicatesse une cuillère de sirop de vin. Disposer une boule de glace aux noix sur la tranche de brioche encore tiède. Servir aussitôt. On peut aussi, pour donner un peu de couleur, disposer une feuille de basilic près des lamelles de poire.
Servir avec un verre de bon Banyuls vieux.

Pierre-Marie Théveniaud

Rallye de France : spéciale grand cru 2012

Certains préfèrent couper court.
Dans le vignoble alsacien, samedi 6 octobre 2012

Voir ici et .

Non au traité budgétaire européen !

Un Collectif de plus de 120 économistes dont Dominique Taddéi, Frédéric Lordon, Jacques Généreux, Paul Jorion, André Orléan, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Bernard Friot, Dominique Plihon, Guillaume Etievant et Jacques Rigaudiat a publié une tribune dans le journal Le Monde appelant à rejeter le traité budgétaire européen qui contrairement aux engagements électoraux de François Hollande n’a pas été renégocié.

“Depuis 2008, l’Union européenne (UE) fait face à une crise économique sans précédent. Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n’est pas due à la dette publique. Ainsi, l’Espagne et l’Irlande subissent aujourd’hui les attaques des marchés financiers alors que ces pays ont toujours respecté les critères de Maastricht. La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l’aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette dette à des taux d’intérêt élevés.

La crise s’explique également par l’absence totale de régulation du crédit et des flux de capitaux aux dépens de l’emploi, des services publics et des activités productives. Elle est entretenue par la Banque centrale européenne (BCE) qui appuie sans conditions les banques privées, et exige à présent une “stricte conditionnalité” d’austérité des Etats lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de “prêteur en dernier ressort”. En outre, cette crise est aggravée par le dumping fiscal intra-européen et l’interdiction qui est faite à la BCE de prêter directement aux Etats pour des dépenses d’avenir, au contraire des autres banques centrales dans le monde comme la Federal Reserve américaine. Enfin, la crise est renforcée par l’extrême faiblesse du budget européen et son plafonnement au taux ridiculement bas de 1,24 % du PIB.

François Hollande, après s’être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n’y a en fait apporté aucun changement, et choisit aujourd’hui de poursuivre la politique d’austérité entamée par ses prédécesseurs. C’est une erreur tragique. L’ajout d’un pseudo-pacte de croissance, aux montants réels dérisoires, s’accompagne de l’acceptation de la “règle d’or” budgétaire défendue par Merkel et Sarkozy qui condamnera toute logique de dépenses publiques d’avenir et conduira à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des administrations publiques.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l’équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d’une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels. Les pays qui souffrent de l’effondrement de leur demande intérieure seront amenés à réduire plus fortement encore leur demande publique. Alors que plusieurs Etats membres sont déjà en récession, cela menacera davantage l’activité et l’emploi, donc les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits. Ainsi, l’OFCE prévoit déjà 300 000 chômeurs de plus en France fin 2013 du seul fait de l’austérité. A moyen et à long terme, cela hypothéquera la transition sociale et écologique qui nécessite des investissements considérables.

Au nom d’une prétendue “solidarité européenne”, le traité organise de fait la garantie par les Etats des grands patrimoines financiers privés. Il grave dans le marbre des mesures d’austérité automatiques, imposées aux représentants des peuples, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées par une instance non élue.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), institution antidémocratique par excellence, pourrait proposer des prêts à des taux un peu moins élevés (5 % en moyenne). Mais ces prêts seraient conditionnés à l’application d’une austérité drastique imposée aux peuples ! La garantie publique des investisseurs privés ne fait qu’encourager la spéculation, alors qu’il faudrait lui briser les reins en sortant de leurs mains la dette publique. Le constat est sans appel : l’austérité est à la fois injuste, inefficace et antidémocratique.

Nous pouvons faire autrement. L’avenir de l’Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise. Une expansion coordonnée de l’activité, de l’emploi et des services publics serait aujourd’hui possible en Europe.

Pour que l’UE mette en oeuvre cette politique, il est urgent de réformer et de démocratiser ses institutions. Un Fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique, pourrait accentuer cette dynamique. De plus, l’UE pourrait mettre en place un contrôle de la finance.

Les défis sociaux et écologiques sont immenses. Il est possible de défaire le sombre bilan des politiques libérales d’une France qui comprend 5 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres. Pour s’en donner les moyens, il faut briser l’étau des marchés financiers et non leur donner des gages. C’est pourquoi nous refusons la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance”.