Le légume du mois / Octobre : la pomme de terre

"Les Mangeurs de pommes de terre" de Vincent Van Gogh peint en avril 1885 à Nuenen au Pays-Bas

La mondialisation alimentaire a commencé bien avant nos décennies ! Comme la tomate, le café, le chocolat et bien d’autres produits, la pomme de terre nous vient de loin et depuis longtemps. Elle était déjà cultivée au Pérou un peu moins de mille ans avant J-C. C’est la conquête des Amériques par les Espagnols qui nous l’a fait connaître. Son entrée en Europe date donc du XVIème siècle et il faudra attendre deux siècles pour qu’elle s’implante définitivement.Avant Parmentier, la pomme de terre avait la réputation de donner la lèpre. Les prisonniers français en Allemagne au moment de la guerre de 7 ans en étaient cependant nourris. Dont Parmentier qui en survécut ! Et en ayant survécu et pensant au seul bien d’autrui, son principal souci fut de faire connaître ce tubercule. Méfiance, spéculation (eh oui ! déjà !) et mauvaise recettes (essais de panification) empêchèrent son utilisation. Il fallut attendre les famines des années 1770 pour que son image commence à changer dans l’esprit du moment. Et tout le monde connaît l’histoire : Louis XVI, toujours au courant des dernières nouvelles potagères fit cultiver les plants de pomme de terre dans ses terres de Neuilly, alors en friches. Le génie de l’affaire fut de les faire garder par la maréchaussée lorsque les plans verdirent tout en retirant les troupes la nuit venant. Le petit peuple étant chapardeur et envieux, comme chacun sait, les plants furent donc volés la nuit et ainsi cultivés hors des champs royaux. Cela dit, ce sont plutôt les grandes famines de 1790 qui  en fit un légume de base à même d’ailleurs de remplacer la châtaigne dans certaines régions.

Quelques grands plaisirs simples

La ratte, petit gâteau lorsqu’elle est bien produite et bien travaillée se mange seule, cuite éventuellement à la finnoise dans une eau parfumée à quelques brins d’aneth, avec une petite touche de beurre frais. Quoi de plus simple ?Osons une rapide purée ménagère. Une monalisa ou une bintje feront très bien l’affaire. Coupée en carrés et cuite à l’eau en douze minutes, au micro-ondes par exemple, il suffira de l’écraser à chaud au pilon à purée (ne surtout pas mixer !), de rajouter lait et beurre, une pointe de macis ou de noix de muscade, de saler et poivrer et  en 5 minutes l’assiette se réjouira plus et pour moins cher que sous d’hivernaux flocons !On pourrait également citer la simple salade de pommes de terre au saucisson chaud, préparée avec une variété à chair ferme ou même une Charlotte. A la sauce moutarde, et après avoir rajouté une échalote hachée et les pommes de terre, une ou deux cuillérées à soupe de l’eau de cuisson du saucisson (prendre un saucisson de Lyon et le cuire  à l’eau avec une goutte de vin blanc 30mn au frémissement)  viendra détendre tranquillement le tout.Juste pour le rappel : les pommes de terre au fromage blanc. Il convient de préparer celui-ci en rajoutant un peu de crème fraîche et quelques herbes ciselées, dont la base sera cependant la ciboulette. Avec une tranche de jambon de type Ardèche et un verre d’un vrai Beaujolais, marqué de sa région et léger, s’il s’en trouve encore…

Notre recette :
Petits pâtés de pomme de terre
aux herbes, au piment d’Espelette et au paprika

Ingrédients pour 4 personnes :
500 g de rattes
2OO ml de bonne crème fraîche
1 grand rond de pâte feuilleté
Herbes aromatiques (ciboulette, cerfeuil, marjolaine, origan, sauge etc. ) à convenance, paprika et tout à l’imagination de chacun

Le pâté de pomme de terre est une vieille recette traditionnelle. Très facile à réaliser, elle consiste simplement à faire cuire les pommes de terre avec de la crème dans une tourte à base de pâte brisée. Elle peut être améliorée de la façon suivante :
Préparer ou acheter une pâte feuilletée. Faire précuire à l’eau (une dizaine de minutes) des pommes de terre, ratte de préférence ou toute autre variété à chair ferme. Etaler la pâte feuilletée et découper des disques de diamètre suffisant pour garnir quatre moules à tartelette de 8 cm de diamètre et d’autres disques pour le couvercle de chaque petite tourte. Prévoir une petite tourte par personne. Garnir les moules à tartelettes du fond en feuilleté, déposer une bonne cuillère à soupe de crème fraîche épaisse (ne pas choisir bien évidemment une fausse crème, quel qu’en soit le niveau d’allègement !). Ajouter un mélange au choix d’herbes ciselées, ciboulette, cerfeuil, marjolaine, origan sauvage par exemple. Poser les couvercles sur chaque tartelette. Souder les bords. Badigeonner au jaune d’œuf. Mettre au four à 200°C jusqu’à coloration suffisante de la pâte.
Servir  chaud sur un lit de mesclun ou, à défaut, de feuille de chêne. Accompagner d’un mâcon blanc ou d’un Pouilly fumé.
On peut aussi préparer des pâtés de petite taille (3cm de côté ou de diamètre) pour l’apéritif ou le hors d’oeuvre. Cela permet de présenter une plus grande variété de préparation pour chaque convive.

Pierre-Marie Théveniaud.

Le petit alsacien et Richard Wagner

Comme tout (?) Mulhouse, je lis.
Parfois, je relis.
Et je numérise.
C’est décidé, d’ailleurs, je vais m’acheter une liseuse numérique. Faut-être de son temps.

Je vous offre pour la circonstance, puisqu’il est question de musique dans l’édition 2011 de “Tout Mulhouse lit”, cet extrait des Tilleuls de Lautenbach de Jean Egen.

A la maison, l’oncle lui offre un autre émerveillement. Il s’enferme avec lui dans son bureau, met un disque sur le phonographe (en Alsace, on dit d’r Grammophon),remonte la manivelle et dit gravement : « Écoute! »
Alors s’élève une étrange musique qui semble venir, comme les arbres, du fond de la terre et se perdre, comme eux, dans le fond des cieux. D’abord les sons coulent dans l’oreille, puis ils se répandent dans tout l’être, le Changala devient musique, la magie s’accroît encore et le Changala devient forêt. «Tu sais comment s’appelle ce morceau? dit l’oncle quand le Grammophon s’arrête, il s’intitule “Les Murmures de la Forêt” et le musicien qui l’a composé se nomme Richard Wagner, c’est un Allemand. »
Le Changala, cet Allemand l’a bouleversé. Pendant que sa musique le roulait dans ses vagues, il se mordait les poings, se griffait les cuisses, sautait sur son petit derrière en retenant tant qu’il pouvait une soudaine envie de faire pipi. .. L’envie devenant de plus en plus sévère, il demande la permission de sortir. L’oncle semble ravi par une telle émotion. « Va, Changala, dit-il, et remets-toi! »
Le Changala est tout songeur en arrosant le fumier. L’oncle Fuchs l’avait déjà beaucoup troublé en déclamant “Le Postillon” de Lenau. Voici qu’il recommence avec la musique de ce Wagner. Le Changala qui le soupçonne de pactiser avec le diable n’est pas surpris de le voir fréquenter des Allemands. Ce qui l’étonne, c’est que ces Allemands n’aient pas de casque à pointe et qu’ils sachent faire autre chose que tuer des Français.

 

Dans l’édition déjà ancienne que j’ai (Stock 1979), le passage se trouve à la page 227 . La musique a donné son titre au chapitre 7, Les murmures de la forêt dont il existe une version orchestrale arrangée par Wagner lui-même. J’ai supposé que le Changala a écouté une telle version. Comme la scène se situe dans l’entre-deux guerres, j’ai choisi un enregistrement qui date de 1936.”Murmures dans la forêt” est extrait de l’acte 2 de Siegfried, la deuxième journée de l’anneau des Niebelungs