La France doit dire oui à l’admission de la Palestine à l’ONU !

Par Pascal Boniface, Rony Brauman, Anne Brunswic, Jean-Paul Chagnollaud, Manu Chao, Rokhaya Diallo, Miguel Angel Estrella, HK et les Saltimbanks

Tribune parue dans le Journal Le Monde du 22/11/2012

Dans les prochaines semaines, l’Assemblée générale de l’ONU va se prononcer sur la demande palestinienne d’admission au sein de l’organisation comme “Etat non membre” avec tous les droits afférents à ce statut.

Cette démarche vise à surmonter l’impasse du “processus de paix” initié à Oslo et de “négociations” menées sans référence aux paramètres du droit international. Elle répond à une question simple : oui ou non, l’Etat de Palestine a-t-il vocation à exister et à être reconnu dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, conformément au droit international, et donc admis au sein de la communauté des nations ? Cette demande place les Etats membres devant leurs responsabilités : oui ou non, vont-ils enfin choisir de faire un acte politique pour imposer le droit ?

La France ne peut se dérober devant pareille responsabilité. François Hollande s’y était engagé et, avec lui, sa majorité. Aujourd’hui, toute esquive aurait des conséquences gravissimes et donnerait quitus à l’occupation. Elle compromettrait pour longtemps la crédibilité de notre pays qui affirme vouloir s’engager pour un règlement, fondé sur le droit. C’est le moment d’agir !

La France doit voter “oui” à l’admission de l’Etat de Palestine à l’ONU comme elle a voté pour son admission à l’Unesco. Entraînant avec elle ses amis et partenaires, européens notamment, elle choisira la seule voie qui vaille, celle du droit qui permettra la coexistence de deux états vivant côte à côte en paix et en sécurité.

Pascal Boniface, géopolitologue ; Rony Brauman, médecin, ancien président de Médecins sans frontières ; Anne Brunswic, écrivain, journaliste ; Jean-Paul Chagnollaud, professeur des universités ; Manu Chao, auteur, compositeur, interprète et musicien ; Rokhaya Diallo, éditorialiste pour la télévision et la radio ; Miguel Angel Estrella, pianiste, ambassadeur de l’Argentine à l’Unesco ; HK et les Saltimbanks, groupe de musique ; Jacques Gaillot, évêque français  ; Gisèle Halimi, avocate, ancienne députée à l’Assemblée nationale, représentante de la France à l’Unesco ; Stéphane Hessel, diplomate et militant ; Marcel-Francis Kahn, professeur, ancien coprésident de l’AFPS ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Lilian Thuram, ancien footballeur et créateur de la Fondation Lilian Thuram-Education contre le racisme ; Dominique Vidal, historien et journaliste ; Zebda, groupe de musique ; Jean-Claude Lefort, président de l’Association France Palestine Solidarité ; Claude Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ; Pierre Tartakowsky, président de La Ligue des droits de l’homme.

 

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Non au traité budgétaire européen !

Un Collectif de plus de 120 économistes dont Dominique Taddéi, Frédéric Lordon, Jacques Généreux, Paul Jorion, André Orléan, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Bernard Friot, Dominique Plihon, Guillaume Etievant et Jacques Rigaudiat a publié une tribune dans le journal Le Monde appelant à rejeter le traité budgétaire européen qui contrairement aux engagements électoraux de François Hollande n’a pas été renégocié.

“Depuis 2008, l’Union européenne (UE) fait face à une crise économique sans précédent. Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n’est pas due à la dette publique. Ainsi, l’Espagne et l’Irlande subissent aujourd’hui les attaques des marchés financiers alors que ces pays ont toujours respecté les critères de Maastricht. La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l’aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette dette à des taux d’intérêt élevés.

La crise s’explique également par l’absence totale de régulation du crédit et des flux de capitaux aux dépens de l’emploi, des services publics et des activités productives. Elle est entretenue par la Banque centrale européenne (BCE) qui appuie sans conditions les banques privées, et exige à présent une “stricte conditionnalité” d’austérité des Etats lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de “prêteur en dernier ressort”. En outre, cette crise est aggravée par le dumping fiscal intra-européen et l’interdiction qui est faite à la BCE de prêter directement aux Etats pour des dépenses d’avenir, au contraire des autres banques centrales dans le monde comme la Federal Reserve américaine. Enfin, la crise est renforcée par l’extrême faiblesse du budget européen et son plafonnement au taux ridiculement bas de 1,24 % du PIB.

François Hollande, après s’être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n’y a en fait apporté aucun changement, et choisit aujourd’hui de poursuivre la politique d’austérité entamée par ses prédécesseurs. C’est une erreur tragique. L’ajout d’un pseudo-pacte de croissance, aux montants réels dérisoires, s’accompagne de l’acceptation de la “règle d’or” budgétaire défendue par Merkel et Sarkozy qui condamnera toute logique de dépenses publiques d’avenir et conduira à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des administrations publiques.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l’équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d’une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels. Les pays qui souffrent de l’effondrement de leur demande intérieure seront amenés à réduire plus fortement encore leur demande publique. Alors que plusieurs Etats membres sont déjà en récession, cela menacera davantage l’activité et l’emploi, donc les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits. Ainsi, l’OFCE prévoit déjà 300 000 chômeurs de plus en France fin 2013 du seul fait de l’austérité. A moyen et à long terme, cela hypothéquera la transition sociale et écologique qui nécessite des investissements considérables.

Au nom d’une prétendue “solidarité européenne”, le traité organise de fait la garantie par les Etats des grands patrimoines financiers privés. Il grave dans le marbre des mesures d’austérité automatiques, imposées aux représentants des peuples, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées par une instance non élue.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), institution antidémocratique par excellence, pourrait proposer des prêts à des taux un peu moins élevés (5 % en moyenne). Mais ces prêts seraient conditionnés à l’application d’une austérité drastique imposée aux peuples ! La garantie publique des investisseurs privés ne fait qu’encourager la spéculation, alors qu’il faudrait lui briser les reins en sortant de leurs mains la dette publique. Le constat est sans appel : l’austérité est à la fois injuste, inefficace et antidémocratique.

Nous pouvons faire autrement. L’avenir de l’Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise. Une expansion coordonnée de l’activité, de l’emploi et des services publics serait aujourd’hui possible en Europe.

Pour que l’UE mette en oeuvre cette politique, il est urgent de réformer et de démocratiser ses institutions. Un Fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique, pourrait accentuer cette dynamique. De plus, l’UE pourrait mettre en place un contrôle de la finance.

Les défis sociaux et écologiques sont immenses. Il est possible de défaire le sombre bilan des politiques libérales d’une France qui comprend 5 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres. Pour s’en donner les moyens, il faut briser l’étau des marchés financiers et non leur donner des gages. C’est pourquoi nous refusons la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance”.

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Boycott de la mission Lescure sur l’Hadopi

Nous avions déjà évoqué le mauvais signal que constituait la nomination, par François Hollande, de Pierre Lescure comme successeur de son ancien bras droit Denis Olivennes à la tête d’une énième commission pour la réforme de l’Hadopi, la nouvelle gendarmerie (privée) de l’Internet dans la mesure où il s’agit une nouvelle fois d’un représentant fut-il de gôche- et ami du président – des industries culturelles là où l’on attendait une personnalité moins dépendante des intérêts de cette industrie.

Selon Wikipedia, Pierre Lescure est administrateur de la société Havas, dont le patron, Vincent Bolloré a de grandes ambitions dans le domaine des média, et accroît régulièrement ses parts dans le groupe Vivendi-Universal. Pierre Lescure est administrateur du groupe suisse Nagra, qui a mis au point les décodeurs Canal+. Dans son dernier rapport annuel, le groupe Nagra-Kudelski indique que « parmi les opportunités de développement identifiées, le Groupe Kudelski a pris la décision d’investir de façon sélective dans les deux secteurs que sont la cybersécurité et la valorisation de la propriété intellectuelle ». Pierre Lescure prépare enfin l’avènement de la télévision dite connectée, une combinaison de la télévision avec les technologies des réseaux sociaux, nouveau pas vers le libre abrutissement de soi-même par soi-même.

Dans une tribune parue dans Libération La Quadrature du Net, UFC-Que choisir et le Samup (Syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants) publient les raisons de leur boycott après avoir attendu en vain d’avoir des raisons d’un autre choix. Nous reproduisons ci-dessous leur texte qui laissera Pierre Lescure seul avec un groupe de technocrates chargé de faire des compte rendus d’audition.

Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure

TRIBUNE – Par Philippe AIGRAIN Cofondateur de La Quadrature du Net, Alain BAZOT Président de l’UFC-Que choisir et François NOWAK du Syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants (Samup).

« Le numérique révolutionne la culture. Internet est un gigantesque laboratoire de nouvelles formes de création, un lieu d’interaction entre des créateurs dont le nombre s’est fortement accru et des publics qui n’acceptent plus qu’on les traite en récepteurs passifs de contenus préformatés. Malgré cela, on s’est obstiné à ne considérer le numérique que comme un canal de distribution pour les produits raréfiés des industries culturelles traditionnelles et à traiter les citoyens numériques comme des pirates à réformer. A l’opposé, depuis sept ans, nous travaillons à la construction d’un nouveau pacte entre créateurs et citoyens, consommateurs et usagers d’Internet.

La plateforme qui réunit nos organisations, Création – Public – Internet a proposé de construire ce pacte sur deux piliers : la reconnaissance du droit des individus à partager entre eux les œuvres numériques sans but lucratif, et la mise en place de nouveaux financements destinés à rémunérer les créateurs et à apporter des ressources supplémentaires à la production de nouvelles œuvres et à l’environnement de la création. Nous sommes confrontés à une situation révoltante.

Pour la troisième fois en cinq ans, la mission de définir les orientations des politiques portant sur la culture et Internet est confiée à une personne fortement impliquée dans les intérêts privés de la production, distribution et promotion des médias. Après Denis Olivennes, PDG d’une société dont la distribution de musique était l’une des activités, après Patrick Zelnik, PDG d’un label phonographique, voici Pierre Lescure qui siège au conseil d’administration ou de surveillance de Havas, de Lagardère et de deux sociétés qui jouent un rôle essentiel dans les dispositifs de contrôle d’usage des œuvres (DRM) : Kudelski et Technicolor. On pouvait penser qu’avec le récent changement de majorité, on mettrait fin à ce type de privatisation de la préparation des politiques publiques. Mais lorsqu’on interroge Pierre Lescure sur sa nomination, il invoque deux qualités pour la justifier : ses relations amicales avec le chef de l’État (qui lui ont permis de proposer ses services), et la connaissance des distributeurs et producteurs qu’il doit précisément aux conflits d’intérêt qui devraient interdire de le nommer. L’un de nous a accepté de rencontrer informellement Pierre Lescure avant le démarrage de sa mission. Il lui a transmis nos propositions de « licence pour le partage » et la plateforme couvrant le champ plus large de la réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles, préparée par la Quadrature du Net. Seul résultat de ce dialogue, la reprise par Pierre Lescure, dans ses interventions, de l’expression légalisation du partage non marchand dans un sens perverti. Là où nous y voyons un droit culturel essentiel s’appliquant à toutes les œuvres numériques, il n’y voit qu’une source de monétisation complémentaire des fonds de catalogue qui ne se prêtent pas à être promus comme des savonnettes.

Une telle approche ne mettrait en rien fin à l’absurde guerre au partage non marchand, et nous promettrait de nouvelles Hadopi, ou la même. L’étroitesse de vue de la mission ne se limite pas au partage non marchand. Quelle attention sera portée aux conditions de l’acte créatif, à la culture vivante qui se développe sur Internet ? Quelle attention sera portée à la refonte, et non au simple maintien, d’une exception culturelle dont de nombreux signes montrent l’essoufflement ? Seul semble importer la survie d’un modèle d’industries de distribution culturelle dont les auteurs, artistes et techniciens sont le dernier souci. La culture, les divers médias non-audiovisuels, Internet et les citoyens méritent mieux qu’une mission dont le sujet principal d’intérêt est la télévision connectée.

L’organisation même de la mission ne vaut pas mieux. Pierre Lescure sera seul, avec un groupe de technocrates sans voix propre, pour décider de ce qu’il retient des auditions. La première phase de la mission (juillet-septembre !) visait un état des lieux, qui a été confié aux seuls membres de l’équipe technique, sans aucun échange contradictoire ni cadre officiel. Nous ne cautionnerons pas cette caricature de débat démocratique, et nous ne nous rendrons pas aux invitations reçues pour des auditions. Alors que M. Lescure a des idées bien arrêtées sur chacun des sujets devant pourtant faire l’objet de débats, il est de notre devoir, en tant que constructeurs constants d’un dialogue entre auteurs, artistes et citoyens de tirer la sonnette d’alarme et de défendre nos propositions dans l’espace public sans cautionner sa privatisation. Nos propositions sont sur la table. A tous de se les approprier, de les critiquer ou de les soutenir ».

Source : La Quadrature du Net
Voir aussi la mise en perspective du texte par l’un de ses auteurs, Philippe Aigrain, sur son site.

 

 

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