Le légume du mois / Décembre : Le panais retrouvé

Les légumes étaient largement cultivé par les Romains dans leurs jardins (horti) qui représentaient les terres les plus civilisées, dont les dieux étaient les dieux lares comme ceux de la maison. Le panais figurait en bonne position parmi ces légumes, fruits de la terre, considérés de par leur culture jardinière comme eux aussi les plus civilisés. Sa consommation dura d’ailleurs jusqu’au Moyen Age. Elle fut abandonnée comme celle des autres légumes au profit des bouillies de gruau et de céréales et du pain, qui servait par ailleurs, rappelons le, de tranchoir. L’assiette arrivant, le pain fut moins consommé. Mais l’aristocratie de l’Epoque moderne a voulu se distinguer des consommations populaires en troquant les céréales contre des légumes. Et le panais revint dans les assiettes.
Aujourd’hui, après abandon de différents légumes considérés comme médiocres, attachés à la misère de la guerre et à la pauvreté, oubliés depuis quelques décennies, comme ce fut le cas caricatural des topinambours et des rutabagas, on voit refleurir dans les assiettes, notamment celles des classes moyennes, ces mêmes légumes du passé. Et ainsi, sur les marchés, revint le panais.

L’intérêt du panais consiste en sa saveur un peu sucrée, un peu fruitée et à son goût de noisette. L’avantage nutritionnel n’est pas non plus négligeable : une ration fournit 25% des apports conseillés en fibres alimentaires 3.5g pour 100g), 30% de ceux conseillés en acide folique (58mg pour 100g) dont il faut rappeler qu’il s’agit d’une vitamine nécessaire durant la grossesse pour éviter un risque d’hypotrophie (apports conseillés de 400 mg par jour contre 300 en période non gestationnelle), mais aussi 600 mg de potassium, soit parmi les plus importants.

Les recettes diverses

Le panais se prête à diverses recettes et ajoute, de par sa texture, son goût sucré et ses arômes de noisette, une touche particulière aux plats auxquels il peut être associé.
Sa cuisson est rapide, surtout s’il est choisi jeune pour sa tendreté. (S’il est plus vieux, il y a intérêt à en enlever le cœur). Il est préférable de le cuire à la vapeur (7-8 mn suffisent) pour garder le maximum de vitamines. On peut aussi le cuire au micro-ondes, mais alors dans une quantité d’eau quand même suffisante et, là aussi, 7 à 8 minutes suffisent.
Découpé en bâtonnets après une pré cuisson qui le laisse encore ferme, il peut être poêlé sur fond d’huile d’olive et accompagner ainsi avantageusement un suprême de pintade ou cuisse et suprême de gibier à plume présentés sur un lit de chou braisé au jambon de Bayonne et au romarin par exemple.
Il peut aussi intégrer une purée de pomme de terre au même titre que le céleri rave. Il faut alors prévoir autant de panais que de pomme de terre et ajouter une touche de muscade pour relever le tout.

Notre recette :
Crème de panais au macis

Ingrédients :
une petite pomme de terre
un quart de poireau
un gros panais
un litre d’eau
75 ml de crème fraîche entière de bonne qualité (et non allégée !)
une ou deux pincées de macis
quelques grains de maniguette (graine de paradis)
quelques feuilles de marjolaine

Préparation :
Préparer un potage de poireau pomme de terre et rajouter les panais coupés en morceaux pour une cuisson d’environ 10 mn suivant la jeunesse des panais. Mixer le tout. Ajouter les pincées de macis et bien mélanger. Rajouter la crème fraîche. Remettre en température (proche de l’ébullition) et laisser éventuellement épaissir. Il est possible avant de rajouter la crème de la délayer dans un jaune d’œuf pour velouter le potage. Ajouter quelques graines de maniguette qui donneront un léger piquant lorsqu’elles tomberont sous la dent. Servir en bols ou en coupelles. Garnir de trois feuilles de marjolaine.

Pierre-Marie Théveniaud

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Le légume du mois / Novembre : Les trompettes de la mort, un nom qui cache la vérité

Je désespérais d’en voir, mais j’en ai trouvé au marché, ce matin. Les trompettes de la mort, un légume ?

Les champignons ne sont ni des viandes ni des produits lactés ni des céréales, ni des produits gras ni des produits sucrés ni des boissons. Il ne leur reste donc qu’à être classés dans les légumes ! Traiter un champignon de légume heurte certains. Cela dit, la tomate est un fruit, le poivron aussi, tout comme l’aubergine, et pourtant ce sont aussi bien des légumes et personne, là, n’est vraiment choqué.

Et si on vous disait que les légumes ne sont pas des légumes ?

En effet, ce terme a comme origine étymologique le mot latin legumen, qui désignait une plante dont le fruit est une gousse, donc une légumineuse ! Les autres plantes comestibles étaient désignées par leur catégorie botanique : herbes, racines, fruits, etc. Ce n’est qu’au XVIème siècle que le terme légume l’a emporté pour désigner toute plante comestible autre, finalement, que les fruits plutôt sucrés. Et ce terme est resté jusqu’à nous.

Les champignons, eux, ont une image particulière dans notre alimentation, construite à la fois sur le luxe, la toxicité et même parfois les voyages interdits !!! Même si un certain nombre d’entre eux, autres que les champignons de Paris, sont maintenant largement cultivés (comme les pleurotes et autres shi take), ils restent encore associés à la cueillette. Déjà présents sur la table des premiers banquets royaux mésopotamiens, seuls légumes valorisés (avec les asperges) comme produits de cueillette sauvage chez les Romains, à la mode des tables  aristocratiques du XVIIe siècle comme produits de modernité, produits d’automne communs mais attendus dans le monde paysan lorsque l’agaric des prés blanchit les prairies, produit de luxe avec le cèpe, la morille et la truffe, qui se glissait pourtant communément sous la peau des poulets rôtis du temps de nos grand-mères ou arrière grands-mères, certains, comme l’amanite qui ne tue pas que les mouches, sont aussi capables de nous trucider sans état d’âme, nous pauvres omnivores condamnés à la variété alimentaire, là où d’autres peuvent nous emmener dans des mondes dont il n’est pas bon d’en vanter l’accès.

Les trompettes de la mort sont elles aussi paradoxales. En forme de trompette et noires, elles paraissent à la Toussaint, dont le lendemain est le jour des morts. Ce nom, qui pourrait a priori faire douter d’elles, cache en fait de vraies qualités. La trompette de la mort a une texture qui reste agréablement croquante après cuisson ; couleur et arôme peuvent évoquer, selon la recette, fruité, sous-bois et humus. Corne d’abondance est une autre de leur dénomination, moins sombre et plus évocatrice du fait qu’elles poussent communément en troupes.

Les champignons ont le grand avantage d’être rapidement préparés et de servir à la fois de légumes, de condiments ou de grands parfumeurs de sauces. Aussi bons simplement poêlés (ah ! la poêlée de rosés des prés fin août début septembre !!!) que dans une omelette, ils peuvent prendre d’autres lettres de noblesse dans le coq au vin jaune et aux morilles.

Il en va bien sûr de même des trompettes de la mort dont la poêlée déglacée avec un verre d’aligoté et crémée (avec toujours une vraie crème bien sûr !) fournit une excellente sauce pour des spaghettis. Une petite douceur qui accompagne merveilleusement un onglet de veau (dont le déglaçage avec un peu d’eau peut alors être avantageusement ajouté aux trompettes avant crémage).

Notre recette :
Fricassée d’escargots aux trompettes de la mort

Ingrédients par personne :
200g de trompettes de la mort
1 douzaine d’escargots (ou 9 pièces au moins), au naturel si achetés dans le commerce
Beurre
Ail
Persil ou cerfeuil,
Une ou deux noisettes pilées
Une goutte d’absinthe (ou bon pastis)

Laver les trompettes très soigneusement en les passant sous un petit filet d’eau froide (ouvrir éventuellement les plus grosses)
Faire chauffer dans une poêle beurre ou huile d’olive selon les goûts (le beurre ne doit pas se colorer). Y jeter les trompettes et les laisser cuire à feu moins vif un petit quart d’heure.
Pendant ce temps, préparer un beurre manié (10 à 15 g par personne) en malaxant le beurre avec le persil ou le cerfeuil préalablement haché, l’ail et les noisettes pilées. Lorsque le tout est bien mélangé, rajouter quelques centilitres d’absinthe suivant les goûts (attention cependant à ne pas forcer la dose).
Lorsque les trompettes sont cuites, déglacer avec un verre d’aligoté ou, pour une autre tonalité, d’un vin blanc du jura. Rajouter les escargots. Laisser réduire.
Lier pour finir avec le beurre manié.
Répartir équitablement escargots et trompettes dans de petites assiettes chaudes. Recouvrir de la sauce. Parsemer d’un peu de cerfeuil ou de persil ciselé. Servir aussitôt.
Il est possible de ne pas servir immédiatement. Mais il faut alors réchauffer doucement et, bien sûr, sans ébullition.

Pierre-Marie Théveniaud.

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Le légume du mois / Octobre : la pomme de terre

"Les Mangeurs de pommes de terre" de Vincent Van Gogh peint en avril 1885 à Nuenen au Pays-Bas

La mondialisation alimentaire a commencé bien avant nos décennies ! Comme la tomate, le café, le chocolat et bien d’autres produits, la pomme de terre nous vient de loin et depuis longtemps. Elle était déjà cultivée au Pérou un peu moins de mille ans avant J-C. C’est la conquête des Amériques par les Espagnols qui nous l’a fait connaître. Son entrée en Europe date donc du XVIème siècle et il faudra attendre deux siècles pour qu’elle s’implante définitivement.Avant Parmentier, la pomme de terre avait la réputation de donner la lèpre. Les prisonniers français en Allemagne au moment de la guerre de 7 ans en étaient cependant nourris. Dont Parmentier qui en survécut ! Et en ayant survécu et pensant au seul bien d’autrui, son principal souci fut de faire connaître ce tubercule. Méfiance, spéculation (eh oui ! déjà !) et mauvaise recettes (essais de panification) empêchèrent son utilisation. Il fallut attendre les famines des années 1770 pour que son image commence à changer dans l’esprit du moment. Et tout le monde connaît l’histoire : Louis XVI, toujours au courant des dernières nouvelles potagères fit cultiver les plants de pomme de terre dans ses terres de Neuilly, alors en friches. Le génie de l’affaire fut de les faire garder par la maréchaussée lorsque les plans verdirent tout en retirant les troupes la nuit venant. Le petit peuple étant chapardeur et envieux, comme chacun sait, les plants furent donc volés la nuit et ainsi cultivés hors des champs royaux. Cela dit, ce sont plutôt les grandes famines de 1790 qui  en fit un légume de base à même d’ailleurs de remplacer la châtaigne dans certaines régions.

Quelques grands plaisirs simples

La ratte, petit gâteau lorsqu’elle est bien produite et bien travaillée se mange seule, cuite éventuellement à la finnoise dans une eau parfumée à quelques brins d’aneth, avec une petite touche de beurre frais. Quoi de plus simple ?Osons une rapide purée ménagère. Une monalisa ou une bintje feront très bien l’affaire. Coupée en carrés et cuite à l’eau en douze minutes, au micro-ondes par exemple, il suffira de l’écraser à chaud au pilon à purée (ne surtout pas mixer !), de rajouter lait et beurre, une pointe de macis ou de noix de muscade, de saler et poivrer et  en 5 minutes l’assiette se réjouira plus et pour moins cher que sous d’hivernaux flocons !On pourrait également citer la simple salade de pommes de terre au saucisson chaud, préparée avec une variété à chair ferme ou même une Charlotte. A la sauce moutarde, et après avoir rajouté une échalote hachée et les pommes de terre, une ou deux cuillérées à soupe de l’eau de cuisson du saucisson (prendre un saucisson de Lyon et le cuire  à l’eau avec une goutte de vin blanc 30mn au frémissement)  viendra détendre tranquillement le tout.Juste pour le rappel : les pommes de terre au fromage blanc. Il convient de préparer celui-ci en rajoutant un peu de crème fraîche et quelques herbes ciselées, dont la base sera cependant la ciboulette. Avec une tranche de jambon de type Ardèche et un verre d’un vrai Beaujolais, marqué de sa région et léger, s’il s’en trouve encore…

Notre recette :
Petits pâtés de pomme de terre
aux herbes, au piment d’Espelette et au paprika

Ingrédients pour 4 personnes :
500 g de rattes
2OO ml de bonne crème fraîche
1 grand rond de pâte feuilleté
Herbes aromatiques (ciboulette, cerfeuil, marjolaine, origan, sauge etc. ) à convenance, paprika et tout à l’imagination de chacun

Le pâté de pomme de terre est une vieille recette traditionnelle. Très facile à réaliser, elle consiste simplement à faire cuire les pommes de terre avec de la crème dans une tourte à base de pâte brisée. Elle peut être améliorée de la façon suivante :
Préparer ou acheter une pâte feuilletée. Faire précuire à l’eau (une dizaine de minutes) des pommes de terre, ratte de préférence ou toute autre variété à chair ferme. Etaler la pâte feuilletée et découper des disques de diamètre suffisant pour garnir quatre moules à tartelette de 8 cm de diamètre et d’autres disques pour le couvercle de chaque petite tourte. Prévoir une petite tourte par personne. Garnir les moules à tartelettes du fond en feuilleté, déposer une bonne cuillère à soupe de crème fraîche épaisse (ne pas choisir bien évidemment une fausse crème, quel qu’en soit le niveau d’allègement !). Ajouter un mélange au choix d’herbes ciselées, ciboulette, cerfeuil, marjolaine, origan sauvage par exemple. Poser les couvercles sur chaque tartelette. Souder les bords. Badigeonner au jaune d’œuf. Mettre au four à 200°C jusqu’à coloration suffisante de la pâte.
Servir  chaud sur un lit de mesclun ou, à défaut, de feuille de chêne. Accompagner d’un mâcon blanc ou d’un Pouilly fumé.
On peut aussi préparer des pâtés de petite taille (3cm de côté ou de diamètre) pour l’apéritif ou le hors d’oeuvre. Cela permet de présenter une plus grande variété de préparation pour chaque convive.

Pierre-Marie Théveniaud.

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