#Parc Steinbach : Petit problème de logique

Je vous soumets un petit problème de logique.

– Considérant la déclaration du Maire de Mulhouse à la presse et devant le Conseil municipal concernant le projet de transformation du Parc Steinbach et stipulant que :

aucun arbre du parc ne sera abattu avant qu’une nouvelle concertation publique n’ait eu lieu

1. Déduisez de cette affirmation l’objectif de la concertation.

Réponse : l’objectif de la concertation est d’abattre des arbres

2. Justifiez votre réponse.

S’il n’y avait pas de projet d’abattre des arbres, il n’y aurait pas besoin de concertation

CQFD !

Donc :

Dimanche 30 juin, lors du PIQUE-NIQUE CONVIVIAL de 12h à 16h, (veillez à apporter ce qu’il faut, il n’y aura rien à acheter sur place), parrainez un arbre du Parc Steinbach et vous pourrez dire “touche pas à mon arbre” et apprendre avec Brassens à ne pas le quitter, son arbre.

PS : Nous apprenons avec plaisir – au bout de presqu’une année – que le Conseil consultatif du patrimoine mulhousien n’est pas d’accord non plus avec le projet Mutabilis destiné à rendre la parc Steinbach transparent ni avec certaines pratiques d’abattages d’arbre à Mulhouse. Le CCPM n’est pas loin d’être en phase avec la Société Engelmann. On dirait que ça bouge mais cela ne doit pas nous démobiliser. La question ne se résume pas dans sa seule dimension patrimoniale. Je l’ai affirmé depuis le début. Elle est sociale, paysagère, esthétique, etc… Et finalement, ce qui se passe autour du Parc Steinbach est peut-être enfin un premier pas vers une réappropriation de la ville par ses habitants.

A dimanche !

Sàmmle

J’aimerais simplement signaler et saluer cette initiative de Gérard Leser en particulier en raison de l’emploi des techniques de communication contemporaines pour la création d’un portail Internet permettant de collecter, fédérer et mettre en ligne l’expression des savoirs, savoir-faire et peut-être même pourrait-on ajouter des savoir-vivre de notre région.

On aimerait que l’exemple soit suivi dans d’autres domaines du patrimoine et bien au-delà.

C’est à découvrir ici.

Patrimoine : le rectangle panoptique de la société disciplinaire


Quel intérêt présente cette photo, me direz-vous ? Quand je l’ai prise, je ne savais pas tout de suite moi non plus ce qu’elle contenait et qui me conduit aujourd’hui à vous la montrer. Je ne m’en suis rendu compte que par la suite à l’occasion de la reprise du cliché pour un autre travail.
Nous sommes dans la friche industrielle de l’ancienne usine textile DMC à Mulhouse. On observe dans le bâtiment 75, occasionnellement accessible comme le montre la photo, un petit rectangle découpé qui apparaît tout en noir. Dans mon petit dispositif mnémotechnique personnel, je l’avais appelé le rectangle de Foucault en raison de sa fonction panoptique de surveillance.
Ce rectangle découpé se trouve en haut de la loge du contremaître. A l’intérieur de cet espace, un escalier conduit à l’étage supérieur apparemment destiné à ranger les dossiers. Il reste quelques étagères. Lors de la journée du patrimoine, en septembre de l’année dernière (2010), des personnes ayant travaillé ici m’ont raconté qu’il y avait un escabeau pour atteindre l’ouverture panoptique et surveiller ce qu’il se passait dans l’atelier, un atelier de réparation. Même s’il s’agit d’un univers moins prolétarisé qu’ailleurs, les personnes que j’ai rencontré avaient le titre d’ingénieurs- “ingénieurs maison” s’empressaient-ils d’ajouter, car DMC formait les siens – nous sommes dans un lieu d’enfermement, technique principale des sociétés de discipline. Il est intéressant d’ailleurs de noter qu’on surveillait aussi les ingénieurs.

Bien entendu, nous ne sommes plus aujourd’hui dans cet enfermement-ci, d’autres formes l’ont remplacé.

Gilles Deleuze commente [1] :

« Foucault a situé les sociétés disciplinaires aux XVIIIè et XIXè siècles ; elles atteignent à leur apogée au début du XXè. Elles procèdent à l’organisation des grands milieux d’enfermement. L’individu ne cesse de passer d’un milieu clos à un autre, chacun ayant ses lois : d’abord la famille, puis l’école (« tu n’es plus dans ta famille »), puis la caserne (« tu n’es plus à l’école »), puis l’usine, de temps en temps l’hôpital, éventuellement la prison qui est le milieu d’enfermement par excellence. C’est la prison qui sert de modèle analogique (…)  Foucault a très bien analysé le projet idéal des milieux d’enfermement, particulièrement visible dans l’usine : concentrer ; répartir dans l’espace ; ordonner dans le temps ; composer dans l’espace-temps une force productive dont l’effet doit être supérieur à la somme des forces élémentaires. Mais ce que Foucault savait aussi, c’était la brièveté de ce modèle : il succédait à des sociétés de souveraineté, dont le but et les fonctions étaient tout autres (prélever plutôt qu’organiser la production, décider de la mort plutôt que gérer la vie) ; la transition s’était faite progressivement, et Napoléon semblait opérer la grande conversion d’une société à l’autre. Mais les disciplines à leur tour connaîtraient une crise, au profit de nouvelles forces qui se mettraient lentement en place, et qui se précipiteraient après la Deuxième Guerre mondiale : les sociétés disciplinaires, c’était déjà ce que nous n’étions plus, ce que nous cessions d’être ».

Selon Deleuze, nous sommes donc passés de la société disciplinaire en crise déjà à l’époque de Michel Foucault à la “société de contrôle” – du contrôle continu – dont l’une des caractéristiques est la traçabilité. La métaphore moderne pourrait être celle du bracelet électronique qu’on met aussi bien aux prisonniers qu’aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

« Nous entrons dans des sociétés de contrôle, qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée. Bien sûr on ne cesse de parler de prison, d’école, d’hôpital : ces institutions sont en crise. Mais si elles sont en crise, c’est précisément dans des combats d’arrière-garde. Ce qui se met en place, à tâtons, ce sont de nouveaux types de sanctions, d’éducation, de soin. Les hôpitaux ouverts, les équipes soignantes à domicile, etc., sont déjà apparus depuis longtemps. On peut prévoir que l’éducation sera de moins en moins un milieu clos, se distinguant du milieu professionnel comme autre milieu clos, mais que tous les deux disparaîtront au profit d’une terrible formation permanente, d’un contrôle continu s’exerçant sur l’ouvrier-lycéen ou le cadre universitaire. On essaie de nous faire croire à une réforme de l’école, alors que c’est une liquidation. Dans un régime de contrôle, on n’en a jamais fini avec rien[2] ».


[1] Gilles Deleuze : Postscriptum sur les  sociétés de contrôle / http://1libertaire.free.fr/DeleuzePostScriptum.html

[2] Gilles Deleuze : Le devenir révolutionnaire et les créations politiques – Entretien réalisé par Toni Negri / http://1libertaire.free.fr/Deleuze07.html