Vacances bien méritées dans l’académie de Créteil !!!

Selon les bons principes de management qui prévalent actuellement à l’Education Nationale, les enseignants (mais cela dépend peut-être aussi de leurs inspecteurs et des académies) reçoivent dans l’année de nombreux courriels, notamment pendant les fins de semaine. Le dernier, pour l’académie de Créteil, leur a été envoyé dernièrement, pendant les vacances. Il propose, en avant-première et en interne, les résultats du cru 2015. Leur analyse est plus qu’intéressante dans la mesure où apparaissent clairement les objectifs poursuivis, certes déjà précédemment affirmés, mais objectifs masqués derrière un discours pseudo généreux envers les candidats. Ce discours s’appuie très hypocritement sur des arguments pédagogiques dévoyés (la constante macabre par exemple) dont on pourrait cependant légitimement discuter par ailleurs. C’est toute la perversion d’un système déjà très souvent mise en exergue dans cette chronique.

Résultats Créteil

Qu’est-ce à voir ? Que disent les résultats ?

Un bac technologique en hausse de 0,7 points par rapport à 2014 pour atteindre un score de 89,7% ! Et, comme attendu après les grandes manœuvres, la plus forte hausse (de 4,1 point) pour la filière ST2S ! Mais aussi une hausse de plus de 20 points par rapport à 2009 ! Quelle belle réussite !  Combien meilleurs sont devenus élèves et enseignants en 5 ans ! Malgré les analyses proposées dans ce document de l’académie de Créteil (source : Rédaction : PAPP / DV, JC, NC, PH, VB – sic !!!-), on peut constater une relative stabilité pour ce qui est du bac général et du bac professionnel sur l’ensemble des dernières années.

Quelques extraits caricaturaux :

“À cette session, le taux de réussite au bac technologique dans l’académie de Créteil dépasse pour la première fois ceux de Paris et Versailles.”

Puis, plus loin :

“Ainsi, depuis 2012, Créteil a plus que comblé son « retard » sur Paris et Versailles en voie technologique. Et, encore depuis 2012, l’écart de taux de réussite au bac professionnel entre Créteil d’une part, Paris et Versailles d’autre part, se réduit. Cela est bien montré dans les graphiques de l’annexe 1 qui présentent, selon les sessions, les écarts de taux de réussite des 3 académies à la moyenne francilienne.”

Et, de nouveau :

“9 750 candidats se sont présentés aux épreuves du baccalauréat technologique, soit 21 % de l’ensemble des candidats. Pour la sixième année consécutive depuis 2009, le taux de réussite s’accroît. A l’issue du second groupe d’épreuves, 89,7 % des candidats sont admis (77,1 % à l’issue du premier groupe).”

Ou encore :

“Le taux de réussite progresse de +0,7 point par rapport à 2014, une progression modérée par rapport aux années précédentes (+4 points en moyenne chaque année depuis 2009). Après plusieurs années de rattrapage, ce taux est désormais supérieur à ceux des académies de Paris (89,3 %) et Versailles (88,3 %). Rappelons qu’en 2012 le taux cristolien était inférieur de 3,2 points à la moyenne francilienne.”

Quelques réflexions

Donc, lorsqu’on analyse ces résultats, les motivations à l’origine de ces pratiques apparaissent clairement. Pour de sombres raisons qui resteraient à expliciter sur un plan idéologique ou politique, il n’était plus possible que l’académie de Créteil ait des résultats très inférieurs à ceux des autres académies, spécialement dans les disciplines technologiques et ce quels que soient les problèmes de fond. Or ces disciplines ont été très mises à mal avec les dernières réformes, notamment la filière ST2S (Sciences et Technologies de la Santé et du Social), surtout à l’aide de nouveaux programmes, conçus avec une approche de marketing pédagogique induisant confusions et destruction des vrais savoirs. La politique mise en œuvre depuis quelques années a donc été de monter artificiellement les résultats au bac de façon à obtenir ces scores “à la soviétique” qui sont un dramatique déni de réalité lorsqu’on lit les copies année après année, les bases de l’école primaire n’étant trop souvent pas acquises pour une trop large proportion des candidats, et encore moins celles du collège. Le graphique est en ce sens très explicite :

 Résultats bac techno

Bonjour à tous,

Pour boucler cette année 2014-15 et profiter pleinement de ces vacances estivales, je vous envoie une petite synthèse des résultats du baccalauréat à l’issue du 2è groupe, dans l’académie de Créteil, réalisée par le service des statistiques du rectorat.
Vous y verrez une belle progression des résultats en ST2S et en STL.
Beaucoup d’entre vous y ont contribué et je les remercie, nous pouvons collectivement nous en réjouir.
Je souhaite à tous du repos, un très bel été et vous donne rendez-vous à la rentrée.
Cordialement,
X………………….
Inspectrice d’académie-Inspectrice pédagogique régionale …………………………………… Académie de Créteil …….

A lire ce courriel envoyé par l’inspection, on hésite entre cynisme et absence de pensée. Dans les deux cas le fait est grave.

On peut en percevoir tout le sel si on considère les menaces qui ont été proférées à l’encontre des quelques collègues qui ont refusé de remonter artificiellement leurs notes, au vu de ce qui avait déjà été pratiqué tant en matière de rédaction des sujets que d’établissement et de mise en œuvre des grilles de correction. Rappelons également que les notes de ces mauvais fonctionnaires ont été remontées d’au moins 1 point, parfois plus, malgré un désaccord portant essentiellement sur la méthode des quotas aux modalités suivantes : fixation d’un pourcentage de réussite, correction des copies, calcul du pourcentage de réussite réel et réévaluation des notes pour atteindre le pourcentage fixé a priori, quel que soit le niveau des copies et, surtout, pour que tous les jurys aient la même moyenne. Or il y a là non seulement une grave erreur méthodologique mais une injustice flagrante. En effet, deux candidats de niveaux extrêmement différents peuvent donc se voir attribuer la même note pour peu qu’ils aient été corrigés par des jurys différents. A cela s’ajoutent les points donnés lors des délibérations de ces différents jurys. Les félicitations portent donc finalement sur l’obéissance voire le zèle de l’ensemble des correcteurs soumis. Une telle ambiance (menaces pour les uns, félicitations pour les fonctionnaires zélés) n’est pas sans évoquer de très malsains souvenirs.

Dans un tel cadre et face à une politique aussi perverse il est difficile de rester optimiste quant aux solutions. Il est aussi difficile de constater ce zèle de beaucoup de correcteurs qui soit en absence de toute pensée acceptent de plein gré ces pratiques soit “ne veulent pas d’histoire” ! Or il est évident que ces pratiques renforcent très efficacement les inégalités si souvent dénoncées. Que peut ressentir un bachelier, éventuellement avec mention, qui s’aperçoit par la suite qu’on l’a complètement leurré quant à son niveau et ses possibilités et se trouve en situation d’échec ? Comment un enseignant, qui exerce normalement un métier de soin (au sens que donne à ce terme Bernard Stiegler*), comment un enseignant peut-il accepter d’être ainsi le grand garant de la ségrégation scolaire ? On sait bien que, dans l’actuelle institution, tout repose encore plus qu’avant sur la cooptation, l’omerta ou l’obéissance du bon fonctionnaire. Mais, humainement, la question reste posée.

La seule solution serait une réelle analyse des causes et la mise en œuvre des moyens intellectuels et matériels d’un vrai rattrapage, de façon à rétablir une vraie égalité des chances. Mais cela demanderait de vraies exigences intellectuelles, à l’encontre de la politique menée depuis ces dernières années. Donc, finalement, la meilleure solution à court terme ne serait-elle pas de supprimer un bac qui a perdu tout sens, d’instituer un certificat de fin d’études secondaires pour tout élève ayant suivi un parcours scolaire jusqu’en fin de terminale, des années passerelles et une sélection d’entrée sérieuse pour la poursuite d’étude envisagée ; sérieuse c’est-à-dire basée sur des acquis de savoirs fondamentaux, de compétences, de connaissance de la filière demandée et sur une motivation clairement exprimée, possibilité de réorientation à la clé ? Les inégalités en pourraient être moins criantes que ce qu’elles sont de plus en plus actuellement. Les propositions de mise en œuvre de quotas (50% de jeunes atteignant le niveau licence) sont cependant loin de mener vers un avenir plus positif.

 

Les solutions ne viendront que lorsque la majorité des enseignants entrera en résistance contre les politiques actuelles. Le départ de beaucoup, les graves difficultés de recrutement, quantitativement mais aussi et donc qualitativement, l’omerta et le système de cooptation ne vont malheureusement pas dans ce sens. Et l’enseignement privé a de beaux jours devant lui.

Le Gypaète barbu

 

* PRENDRE SOIN De la jeunesse et des générations – Bernard Stiegler – Flammarion Éditeur – 2008

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